LFR23 : « les réserves de la BCRG sont passées de 3 à 5 mois d’importation », dixit Karamoko Kaba

Karamo Kaba, Gouvernement de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG)

Conformément à la tradition, le Gouvernement a présenté au parlement de la transition (CNT), le projet de loi de finances rectificative 2023. Cette présentation a connu les interventions des ministres du Plan et de la coopération internationale, de l’économie et des finances et celui du Budget. Ces membres du pool financier et économique ont été suivi par le gouverneur de la Banque centrale, Dr Karamoko Kaba qui est revenu sur la politique monétaire du Franc guinéen, a constaté, l’équipe de Guineematin.com, présente à cette plénière du 11 septembre 2023, présidée par Dr Dansa Kourouma, le patron du CNT.

A en croire Dr Kaba, les efforts engagés par le gouvernement ont permis à la résilience de l’économie et revigoré la monnaie nationale. Autrement dit, le taux de change du franc guinéen s’est amélioré sensiblement par rapport aux devises étrangères, les réserves d’importation ont été augmentées passant de 3 mois à 5 mois

« Ces efforts ont permis de renforcer le niveau des réserves de changes de la nation et de maintenir la tendance d’appréciation du franc par rapport aux principales devises.

  • Ainsi, le niveau des réserves brutes est passé de USD 1 995,5 millions à fin mars 2023 à USD 2 047,9 millions à fin juin 2023, soit une augmentation de 2,6 %.
  • Les réserves d’or ont été quadruplées, passant de 4,16 tonnes à peu plus de 16 tonnes au 06 septembre 2023.
  • Ce niveau de réserves représente environ 5 mois de couverture des importations.

Sur le marché officiel, le taux de change du dollar à fin juin 2023 s’est situé à GNF 8 511,824, soit une appréciation de 1,5 % par rapport à fin juin 2022 », a soutenu le patron de la Banque centrale dont Guineematin.com vous propose in extenso le discours.

BANQUE CENTRALE DE LA REPUBLIQUE DE GUINEE

Discours de Dr. Karamo KABA Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG)
A l’occasion de la Présentation de la Loi de Finances Rectificative (LFR) pour l’exercice 2023 par le Gouvernement

Conakry, le 11 septembre 2023

  • Monsieur le Président du Conseil National de la Transition (CNT),
  • Honorables Conseillers Nationaux,
  • Madame et Messieurs les Membres du CNRD,
  • Monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement,
  • Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
  • Madame la Gouverneure de la ville de Conakry,
  • Mesdames et Messieurs les représentants du corps diplomatique

    et les institutions internationales,
    •Mesdames et Messieurs les Présidents des Associations

    Professionnelles des Banques, Assurances, Institutions de

    Microfinance et EME,
    • Mesdames et Messieurs,

    En vos rangs et qualités, tous protocoles observés

    Le devoir de rendre compte au Peuple de Guinée, que vous représentez, à travers la communication, la transparence et la redevabilité, est une obligation inscrite dans les Statuts de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG). Cet exercice est un pilier essentiel de la politique monétaire de toute Banque Centrale moderne.

    C’est donc à la fois un honneur et un plaisir pour moi de me retrouver à cette Plénière, dédiée à la Présentation de la Loi de Finances Rectificative pour l’exercice 2023.

    Comme inscrit dans la lettre d’invitation qui m’a été adressée, mon intervention à cette plénière va essentiellement porter sur la conduite de la politique monétaire au niveau international et national en 2023.

    • Monsieur le Président du Conseil National de la Transition (CNT), • Honorables Conseillers Nationaux de la Transition,

    A la surprise générale, la croissance mondiale a mieux résisté au premier semestre 2023 qu’on ne pouvait l’anticiper. Cela est le fruit de plusieurs facteurs que nous pouvons résumer au nombre de 4 :

    1. Une baisse des cours des matières premières, notamment énergétiques.
    2. Une baisse des tensions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.
    3. Une augmentation plus forte que prévue des déficits publics, due principalement à une baisse plus importante des recettes fiscales que d’une augmentation des dépenses.

4. Une consommation des ménages meilleure qu’attendue grâce notamment à la résilience du marché du travail et à l’existence d’une épargne encore abondante, bien qu’entamée, ce qui a permis au pouvoir d’achat d’absorber les chocs de l’inflation galopante et des resserrements monétaires opérés précédemment par les banques centrales.

Cependant, comme l’a écrit Camara Laye dans son roman « L’enfant noir », « Il y a des inquiétudes qui percent ». Nous devons donc particulièrement être attentifs à l’évolution de l’inflation, dans un contexte où le rythme de progression des dépenses des ménages a été plus forte que celui du revenu. Cette situation fait que les ménages ne pourront pas continuer à puiser indéfiniment dans leur épargne. Ce qui laisse craindre un ralentissement mondial à court-terme, déjà perceptible au niveau de la Chine.

Ce ralentissement à venir de l’activité économique à l’échelle de la Planète va aider au reflux de l’inflation dans la plupart des pays, ce qui devrait conduire la plupart des Banques Centrales à adoucir leurs discours puis la conduite de leurs politiques monétaires.

La Guinée n’échappe pas à ce constat au niveau de l’inflation. On a ainsi vu le taux d’inflation dans la région de Conakry décélérer au cours de ces derniers mois. En effet, d’un rythme de progression de 8 % sur une année glissante au mois de mai 2023, le taux est passé à 6,2 % en juin et 6 % en juillet 2023 en rythme annuel.

En plus de l’atténuation des pressions inflationnistes mondiales, cette décélération de l’inflation est le résultat de la mise en place des politiques économiques, notamment des politiques monétaires et de change.

• Monsieur le Président du Conseil National de la Transition (CNT), • Honorables Conseillers Nationaux de la Transition,

Comme l’a écrit le grand écrivain guinéen Tierno Monénembo dans son roman « Le Roi de Kahel », « Les temps changent, il faut que les hommes changent avec eux ». La conduite récente de la politique monétaire en Guinée témoigne de l’adaptabilité de la BCRG face aux épreuves et aux évolutions.

En effet, la Banque Centrale a continué de mener une politique monétaire prudente dans le but de soutenir l’activité économique. A ce titre, lors du dernier Comité de Politique Monétaire, tenu le 16 juin 2023, le taux

directeur et le taux des réserves obligatoires ont été maintenus à 11,5% et 15 %, respectivement. A titre d’exemple, sur la même période, la Reserve Fédérale américaine a procédé au 11ème relèvement consécutif de son principal taux directeur.

En même temps que la BCRG optait pour le statu quo monétaire, d’autres instruments visant à ralentir la progression de l’inflation ont été actionnés.

  • Cela s’est notamment traduit par un ralentissement de la liquidité globale du système bancaire, passé d’un rythme de progression de 15,7 % en juin 2022 à 13,4 % à fin juin 2023 (soit GNF 6 663,3 milliards à juin 2023).
  • Cette décélération est imputable à la contraction des réserves excédentaires.
  • Parallèlement, la masse monétaire a elle aussi connu un ralentissement de sa croissance ; qui s’est située à 21,6 %, en glissement annuel au deuxième trimestre 2023, contre 24,1 % au premier trimestre 2023.

    Dans le but de soutenir l’activité économique, comme Maryse Condé a écrit sur la nécessité « d’éclairer de flambeaux le chemin des générations futures », les crédits accordés au secteur privé ont augmenté de 20,3 % en glissement annuel pour se situer à GNF 17 916,1 milliards. Cette amélioration est le résultat de la mise en place de nouvelle ligne de crédit en faveur des secteurs du commerce, des mines, de l’industrie et des BTP.

    Dans le domaine de la politique de change, la Banque Centrale continue d’engager des actions pour soutenir la valeur externe du franc guinéen.

  • Comme vous le savez, parmi ces actions, s’inscrivent le rapatriement d’au moins 50 % des recettes d’exportation et le renforcement du dispositif de suivi des positions de change brute, en vue de conforter davantage la valeur externe de la monnaie nationale et soutenir les prix relatifs de nos importations de biens alimentaires.
  • Le défaut de rapatriement étant une infraction à Loi LBC/FT mais aussi à la réglementation des changes, j’ai pris une instruction pour intimer les banques à rapatrier les recettes des produits d’exportation, sous réserve d’application d’une pénalité de 5% des montants à rapatrier, à compter du 1er septembre 2023.

    En outre, pour éviter une surchauffe du taux de change sur le compartiment du marché parallèle, la BCRG a organisé des enchères ad hoc afin de satisfaire les besoins de devises des clients des banques.

Ces efforts ont permis de renforcer le niveau des réserves de changes de la nation et de maintenir la tendance d’appréciation du franc par rapport aux principales devises.

  • Ainsi, le niveau des reserves brutes est passé de USD 1 995,5 millions à fin mars 2023 à USD 2 047,9 millions à fin juin 2023, soit une augmentation de 2,6 %.
  • Les réserves d’or ont été quadruplées, passant de 4,16 tonnes à peu plus de 16 tonnes au 06 septembre 2023.
  • Ce niveau de réserves représente environ 5 mois de couverture des importations.

    Ce renforcement des réserves a contribué à l’appréciation de la monnaie nationale. Sur le marché officiel, le taux de change du dollar à fin juin 2023 s’est situé à GNF 8 511,824, soit une appréciation de 1,5 % par rapport à fin juin 2022.

    Monsieur le Président du Conseil National de la Transition (CNT), Honorables Conseillers Nationaux de la Transition,

    Dans le domaine de la supervision des institutions financières, la Banque Centrale a engagé plusieurs réformes dans le but de renforcer la solidité et la stabilité du système financier. Ces reformes portent notamment sur :

    • –  le relèvement du niveau du capital des banques, des institutions de microfinances et des sociétés d’assurances ;
    • –  l’élaboration d’un nouveau cadre règlementaire et juridique des banques et des sociétés d’assurances, ainsi que l’adoption des normes de Bâle II & III ainsi que des normes IFRS9 ;
    • –  la rédaction des procédures de contrôle sur place en matière de LBC/FT et des textes d’application de la loi portant lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
    • –  la prise de décision pour la limitation des mandats de Dirigeants des institutions financières (Banques, Assurances, Microfinance et EME) à deux ans, pour tous les dirigeants, étrangers ou nationaux.

      Monsieur le Président du Conseil National de la Transition (CNT), Honorables Conseillers Nationaux de la Transition,

Je voudrais rassurer Monsieur le Président de la République, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA et le CNT, que la Banque Centrale de la République de Guinée va poursuivre son accompagnement dans la mise en œuvre des mesures de relances économiques du Gouvernement. Pour cela, nous envisageons, en perspectives, de mettre en place les mesures ci-après :

  1. Dans le domaine de la politique monétaire et de changes
    • –  le renforcement du cadre d’intervention de la Banque Centrale en tant que prêteur en dernier ressort à travers la création d’un cadre de collatéral avancé et structuré répondant à des standards internationaux et d’un cadre d’Apport de Liquidité d’Urgence (ALU) en faveur du système bancaire ;
    • –  la mise à niveau de l’écosystème de l’octroi du crédit pour permettre de réduire l’asymétrie d’informations entre prêteurs et emprunteurs en vue de faciliter l’accès au crédit des agents économiques à travers notamment :

      o la mise en place du Système d’Information du Crédit (SIC), o du Bureau d’Information sur le Crédit (BIC),
      o et du registre des garanties mobilières ;

    • –  la fixation d’un taux d’usure dans le but d’éviter les velléités de fixation arbitraire des taux d’intérêt sur les prêts en vue de protéger les emprunteurs contre les pratiques usuraires ;
    • –  la mise en place d’une Bourse des Valeurs Mobilières en vue de diversifier les canaux de mobilisation de l’épargne et de financement de l’économie ;
    • –  la digitalisation complète des opérations de change avec la création du front, middle et back offices ;
    • –  l’extension de l’obligation de rapatriements des devises issues des exportations à toutes les sociétés minières de la place et aux comptoirs de diamant.
    • –  l’Approfondissement des outils d’aide à la décision et l’amélioration qualitative des données : après l’adoption par l’INS d’un nouvel indice harmonisé des prix à la consommation, la Direction générale des études et des statistiques de BCRG a entrepris d’importants travaux statistiques afin de trimestrialiser le PIB.
  2. Dans le domaine de la supervision des institutions financières

    – la création d’une Société Nationale de Réassurance devant favoriser la participation des compagnies locales dans la couverture des risques miniers ;

  • –  la création d’une société Nationale d’Assurance Agricole devant donner une impulsion nouvelle au financement du secteur agricole par les banques de la place. Je rappelle ici que c’est près de 2/3 de la population active de notre pays qui sont concernés.
  • –  l’instauration d’une évaluation de Dirigeants ou tout autre fonction de responsabilité au sein d’une Banque ;
  • –  la poursuite des travaux de mise en place d’un cadre réglementaire de supervision pour les Banques digitales, le Fonds de garantie des Prêts aux Entreprises et le Fonds d’investissement ;
  • –  le projet sous-régional d’harmonisation de la Loi bancaire CEDEAO ;
  • –  le projet sur l’identité Bancaire Unique avec l’IMAO ;
  • –  l’élaboration des états de reporting et les normes prudentielles applicables aux établissements financiers ;

    Dans le domaine des systèmes de paiements la finalisation des initiatives de digitalisation du secteur financier :

o qu’ils s’agissent des chantiers d’interconnexion du secteur financier (BCRG, Banques) aux plateformes déjà opérationnelles au niveau de l’Etat notamment le Guichet Unique du Commerce Extérieur (GUCEG), eTax, le Système

Comptable Intégré de l’Etat (SCIE)
o ou des chantiers propres au secteur financier (projet de Switch National d’interopérabilité);
la publication de la loi sur les systèmes de paiement ;
la certification des infrastructures des systèmes de paiement ;
le renforcement de la capacité des administrateurs du système ;
la mise en place d’une stratégie nationale des systèmes de paiement ; la mise en œuvre d’une politique de lutte contre la cybercriminalité ;

Mesdames et Messieurs,

Je tiens à souligner que la politique monétaire à elle seule ne peut pas résoudre tous nos problèmes économiques. Notre nation a besoin d’une approche globale, combinant une politique monétaire prudente avec des mesures budgétaires appropriées. Dieu merci, la Loi de Finance Rectificative que nous examinons reflète cette réalité.

Pour terminer, en dépit de l’environnement international difficile et ses répercussions sur l’économie nationale, je voudrais réaffirmer une nouvelle

fois, ici devant la Représentation nationale, l’engagement de la Banque Centrale, sous le leadership du Président de la République, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, à poursuivre les réformes monétaires et financières engagées dans le sens de la refondation de la Nation.

Je vous remercie. Que DIEU protège la Guinée et les Guinéens !

Facebook Comments Box