Le 28 septembre 2009, un meeting des forces de vives avait été réprimé dans le sang par des militaires au stade du 28 septembre de Conakry. Plus de 157 personnes ont été tuées et une centaine de femmes ont été violées à ciel ouvert dans la capitale guinéenne. L’Organisation des Nations Unies a qualifié ce massacre de « crime contre l’humanité ».
14 ans après ce crime, quelques survivants et témoins de cette boucherie humaine brisent le silence. Au micro de Guineematin.com ce 28 septembre 2023, ils sont revenus sur cette journée de terreur qui a suscité de l’indignation dans le monde entier.
« Ce jour, tout le quartier était presque enfermé dans la maison. C’est dans les bandes de 11 heures30’-12 heures que nous avons entendu les coups de sommation. Soudain, la panique s’est emparée de la foule. Certains sont sortis en courant du stade pour venir trouver refuge dans le quartier. Nous avons pu héberger certains chez nous tout en leur donnant des habits. Du coup, à 13 heures, nous avons aperçu un groupe d’hommes sur la corniche Nord dans un bus. Ils étaient tous habillés en maillot Chelsea bleu et munis d’armes blanches (couteaux, machettes, bois en pointe). Ils ont traversé notre quartier en disant : on va vous tuer tous aujourd’hui. En passant, ils s’en sont pris à notre chef de quartier, nous on a tous pris la fuite pour s’en fermer. Tout ce qui s’est passé à l’intérieur du stade, je ne saurais vous l’expliquer. J’étais dehors. J’ai vu quand-même les blessés sortir du stade. C’est entre 17 heures-18 heures, quand les choses se sont calmées, que nous sommes rentrés au stade. J’ai vu de mes yeux les blessés, mais je n’ai vu aucun corps. À l’intérieur, j’avais vu les chaussures abandonnées avec des pagnes déchirés, puis jetés par terre », a confié Aly Edère Keïta, un habitant de Landréah (dans la commune de Dixinn) qui dit avoir vécu ce douloureux événement qui s’est produit à quelques mètres de chez lui.
Le 28 septembre 2009, Ibrahima Sory Diop militait dans un parti politique membre des forces vives. Il assure qu’il était même sorti manifester contre la candidature à la présidentielle du capitaine Moussa Dadis Camara (à l’époque président du CNDD, la junte militaire qui avait pris le pouvoir en Guinée après le décès de feu Général Lansana Conté). Et, au début des tirs, il était dans l’enceinte du stade du 28 septembre.
« Je commencerai par prier Dieu de préserver la Guinée d’un tel scénario que moi j’ai vécu ce jour au stade. Parce que moi j’allais y mourir. Le matin, moi j’étais entré au stade parce que j’appartenais à l’époque à un parti politique, puis je suis ressorti vers la porte de l’annexe. Entretemps, j’ai vu les camions militaires entrer au stade. A l’intérieur des camions, des gendarmes tous habillés en tenue de la gendarmerie. Aussitôt, ils ont commencé à tirer, je cherchais maintenant à sortir quand j’ai vu un enfant en débandade totale. Lui, je l’ai pris dans mes mains, je suis venu voir derrière le commissariat pour sortir, mais c’était fermé. J’ai finalement offensé une porte vers Gamal. Il y avait une foule compacte qui était derrière moi qui cherchait à sortir. Du coup, je me suis heurté à un béret rouge qui m’a frappé sur ma tête avec son fusil. J’étais blessé à la tête, mais finalement j’ai pu m’échapper, par la grâce de Dieu. Arrivé dehors, le sang coulait sur moi à flot, les gens me regardaient. J’ai laissé le petit partir et moi j’ai continué à la maison. Mais, le matin, avant que je n’entre au stade, la première personne sur qui ils ont tiré au carrefour du stade ici, cela s’est passé devant moi. J’ai vu plusieurs blessés graves tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du stade. La plupart des blessés étaient blessés à l’aide de couteaux, de machettes… Parce que quand tu voyais la plaie, tu n’auras plus le courage de le regarder une seconde fois. Je n’ai pas vu les cas de viol à l’intérieur, mais certaines femmes sortaient nues. Mais, la scène était horrible, terrifiante », a expliqué ce rescapé.
A son domicile au quartier Landréah, madame Salimatou Diallo a été menacée de mort par des militaires. Elle dit n’avoir pas mis pied au stade du 28 septembre ce 28 septembre 2009. Mais, elle a vu des gens en provenance du stade courir dans tous les sens pour entrer dans le quartier.
« Moi j’étais avec mon mari qui mangeait à la véranda ici. Du coup, on a vu les gens courir dans tous les sens. Les gens étaient pris de panique. Mais, mon mari et moi n’avions pas fui, c’est nos enfants qui sont entrés en courant dans la maison. Soudain, il y a quelques militaires armés qui sont venus pointer une arme sur la tête de mon mari, il voulait le frapper avec, mais il a hésité. Moi je leur ai dit que nous nous sommes devant notre porte et que nous ne sommes pas mêlés de ce qui se passe au stade. Il y a un [militaire] qui m’a répondu que quand tu vois que nous continuons à parler, c’est que nous sommes en vie. Je me suis tue alors. Et mes marmites, et le riz, ils ont tout versé par terre, ils ont cassé mon thermos. C’est ainsi que nous voyions les gens descendre dans notre quartier et se cacher dans nos maisons. Ici, c’est ma fille-là qui donnait ses pagnes à certaines filles et femmes qui venaient chez nous. Durant tout ce tohu-bohu, ma famille et moi n’avions jamais bougé de chez nous », a témoigné cette vieille dame domiciliée à quelque 100 mètres de la terrasse du Stade du 28 septembre.
Malick Diakité pour Guineematin.com
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