Un riverain du stade du 28 septembre raconte l’horreur : « ce sont les recrues de Kaléya qui ont massacré »

Le massacre du 28 septembre 2009 continue de hanter les victimes de ces évènements douloureux. Leur vie a basculé du jour au lendemain suite à cette descente des forces de défense et de sécurité, accusées d’avoir tué plus de 150 guinéens opposés à la junte d’alors. Oumar Touré, ingénieur agronome de la promotion Mohamed V, riverain du stade du 28 septembre, interrogé par un reporter de Guineematin.com, a raconté ce qu’il a vu ce jour.

Guineematin.com : vous habitez ici à Dixinn depuis plus de 60 ans. Vous êtes témoin des évènements du 28 septembre 2009. Quel souvenir avez-vous de cette tragédie ?

Oumar TOURÉ, ingénieur agronome de la promotion Mohamed 5

Oumar Touré : je suis dans ce quartier depuis 1958. J’étais présent lorsque les évènements se sont passés et c’était vraiment de la désolation. Il y a eu des cas de viol, de massacre et d’arrestations. Et même dans notre maison, nous avons hébergé plus de 50 à 60 personnes.  Il y a des femmes qui sont venues sans pagnes, presque nues…

Guineematin.com : comment tout cela avait commencé dans la matinée du 28 septembre 2009 ?

Oumar Touré : lorsque Moussa Dadis CAMARA a dit qu’il sera candidat, qu’il va ôter la tenue pour se présenter, l’opposition a été alarmée. Donc, les gens se sont préparés. Ils disent qu’il faut qu’on fasse une manifestation pour prouver à Dadis que le militaire n’est pas fait pour le pouvoir, mais le militaire est fait pour sauvegarder les acquis de la nation. Donc, c’est à cause de ça qu’il y a eu la manifestation au stade. À 8h, les portes étaient déjà ouvertes, le Colonel Tiégboro était là aussi à la Terrasse, très tôt le matin, avec ses gardes du corps. Il y en a qui étaient en bérets rouges, et d’autres en bérets verts. Ils étaient tous armés.

Guineematin.com : quand vous les avez vus, comment avez-vous su que ça n’allait pas ?

Oumar Touré : lorsqu’ils ont ouvert les portes de l’esplanade, il y avait beaucoup de monde qui entrait au stade. Donc, Tiégboro et ses hommes ont reculé et ils sont allés jusqu’au niveau de la corniche où se trouvaient les recrues de Kaléya qui étaient dans les bus. Et ce sont ces gens-là surtout qui ont massacré. Il y avait un jeune manifestant qui avait tapé le bonnet de Tiégboro, immédiatement un garde du corps a tiré sur ce jeune et il est mort. Moi je ne suis pas allé au stade. J’étais chez moi et j’observais tout ce qui se passait, parce que j’étais juste en face du stade. Lorsque le stade était plein de monde et que les tirs ont commencé, c’est là que les recrues de Kaléya, habillées en maillots de Chelsea, de couleur bleu, sont rentrés, munis d’armes blanches, pas de fusils.

Guineematin.com : lorsque les tirs ont commencé, quelle était l’atmosphère dans le quartier ?

Oumar Touré : les gens étaient en larmes. C’était totalement la panique, et personne ne pouvait approcher l’esplanade. Il y avait des manifestants vieux qu’ils avaient mis à genoux, auxquels ils avaient demandé de pomper 100 fois sur l’esplanade. Et derrière la station, il y a une femme qui a été violée par un militaire. Les gens venaient chez nous pour sauver leur peau. Ils étaient désemparés. Ces personnes venaient de loin pour assister à la manifestation. Et il y avait des femmes qui étaient poursuivies par des militaires et qui venaient se réfugier chez nous.

Guineematin.com : 14 ans après ces évènements, qu’est-ce que vous retenez de cela et quels sont vos sentiments aujourd’hui ?

Oumar Touré : comme il y a le procès qui se tient, vraiment nous voulons que les coupables soient punis pour que ça soit un exemple pour le futur gouvernement. Actuellement, nous sommes avec les militaires ; et un jour, eux aussi ils seront jugés. Ça, c’est sûr, parce qu’il y a eu trop de bévues. Le militaire est là pour protéger la nation pas pour diriger la nation.

Propos recueillis par Emmanuella ASSOU pour Guineematin.com

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