La culture n’est pas que littérature, musique, danse, théâtre, cinéma. Elle est aussi humour. Tout comme le théâtre guinéen, l’humour n’est pas un art suffisamment considéré pour diverses raisons. Pourtant, notre pays a des talents qui s’illustrent dans l’humour et font rire leur public. Toutefois, ils rencontrent d’énormes difficultés, liées à un public peur averti ou à des promoteurs culturels qui privilégient des humoristes étrangers dans les spectacles organisés dans notre pays. C’est ce qui ressort d’un constat fait par un reporter de Guineematin.com hier, vendredi 27 octobre 2023, en donnant la parole aux acteurs concernés.
La principale thérapie pour redonner le sourire aux gens, c’est l’humour. Dans plusieurs pays de l’Afrique, cet art s’illustre à travers des spectacles, des émissions, notamment en Côte d’Ivoire où il y’a une floraison d’humoristes connus à l’international, à l’image de Michel Gohou, de Boukary ou encore de Walass. En Guinée, certains ont aujourd’hui du prestige : Mamadou Thug, Kabakoudou, Grand Devise, Bappa Zigué, Thierno Mamou…
Ernest Dopavogui, ayant comme nom de scène Ernest le blanc, humoriste, ingénieur informaticien, a un grand penchant pour l’humour. « L’humour aujourd’hui, c’est devenu plus qu’une passion. C’est un moyen pour moi de divaguer, de m’exprimer. Je n’avais pas prévu d’être humoriste, mais j’ai épousé l’humour et c’est devenu aujourd’hui un métier. J’ai gagné plus d’expérience et eu plus de vécu avec le peu de temps passé dans l’humour qu’avec les autres années passées hors de l’humour. J’ai voyagé à travers l’humour pour aller au Bénin, à Dakar, en côte d’ivoire. J’ai rencontré de belles personnes et aujourd’hui, je suis chroniqueur à Djoma Médias grâce à l’humour », dit-il.
Poursuivant, il pointe du doigt le public guinéen comme étant l’une des sources des difficultés rencontrées. « La principale difficulté rencontrée dans le domaine humoristique, c’est le manque de scènes. Pour un humoriste, son métier, c’est l’humour. Et la scène, c’est son lieu de travail. Donc, c’est comme le taximan, il ne peut pas travailler sans voiture et nous les humoristes aussi, nous ne pouvons pas travailler, nous illustrer sans scène. Et en Guinée, il n’y en a pas. Le public aussi manque de culture de l’humour. On est dans un pays où les gens ne sont pas réceptifs, n’encouragent pas les sketchs aussi. C’est un gros problème. J’ai fait des spectacles ailleurs et je sais qu’aujourd’hui, les guinéens n’ont pas cette culture de l’humour. S’il y a des spectacles d’humour initiés ici, il faudrait inviter et permettre les humoristes locaux pour qu’ils s’illustrent et non inviter des humoristes d’ailleurs », conseille-t-il.
Pour Oumou Hawa Diallo, humoriste, étudiante en classes de 3ème année dans une école de santé, entrepreneure et vendeuse en ligne, a découvert l’humour en ligne par le biais de l’émission » Le parlement du rire ». Elle estime que la Guinée a du chemin à faire dans ce domaine. « L’humour des autres pays est vraiment en avance par rapport au nôtre. Nous ici, le gouvernement n’accompagne pas, c’est simplement des personnes x qui aident un peu. Il n’y a pas de sponsors. C’est extrêmement difficile. L’humour guinéen n’est pas en retard, mais juste que le fait que les guinéens soient analphabètes pénalise un peu le domaine. Ici, tout le monde ne parle pas français. Donc, ce n’est pas facile de se produire partout contrairement aux autres pays comme le Cameroun où tout le monde, même ceux qui n’ont pas été à l’école, parle français. C’est un peu difficile ici de réunir les gens pour l’humour. Mais actuellement, certains humoristes se démerdent pour réussir », soutient-elle.
Mamadou Lamine Diallo, alias Mamadou Thug, humoriste comédien, membre du Conseil national de la transition, joint par téléphone, invite à privilégier les humoristes locaux. « Quand on invite un humoriste étranger en Guinée ici pour prester, il faut aussi ajouter des humoristes locaux. Il ne faut pas que, dans les évènements locaux, que les organisateurs qui amènent des humoristes d’autres pays oublient ceux qui sont là. Ces derniers doivent aussi performer pour avoir des places dans les évènements humoristiques du pays. Nous, nous avons performé partout, même en Europe et pourquoi ? Parce que nous avons montré qu’on le pouvait », a-t-il laissé entendre.
Mamadou Baïlo Diallo pour Guineematin.com
