Traque de Pivi à Samatran (Dubréka) : « les agents des forces spéciales avaient menacé de ravager notre maison »

L’exfiltration de la maison centrale de Conakry du capitaine Moussa Dadis Camara et de trois autres accusés du massacre du 28 septembre a semé la psychose dans certaines parties de la capitale guinéenne. La poursuite engagée par les forces de défense et de sécurité pour retrouver les fugitifs, notamment du Colonel Claude Pivi, a été émaillée de violences et même d’exactions dans le Grand Conakry. C’est le cas au quartier Samatran village, dans la commune de Dubréka, où la famille Kaba accuse des militaires d’exactions avec la destruction de la concession. C’est ce qu’a appris sur place hier, mardi 07 novembre 2023, Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Selon les victimes, la scène de la matinée du samedi, 04 novembre 2023, ressemble à un film de guerre. Sur les lieux de l’opération, les impacts de balles sont encore perceptibles sur les murs, des fenêtres sont saccagées, des murs et armoires éventrés. Pire, la famille Kaba déplore l’enlèvement de Sékou Kaba, membre de la famille.

Ibrahima Sory Camara, victime

Selon Ibrahima Sory Camara, enseignant de profession, c’est peu après 9 heures que la famille a constaté la présence de personnes blessées par balles, qui tentaient de se cacher dans la zone. « Ce samedi, moi j’étais encore couché quand j’ai reçu un appel d’une voisine qui me demandait ce qu’il y avait dans notre cour. Je lui ai dit que moi je suis toujours au lit, je ne suis pas encore sorti de ma chambre. Quand je lui ai demandé, elle m’a dit qu’elle ne savait pas trop. Elle m’a conseillé de me réveiller et de rester dans la cour, parce qu’il y a beaucoup de militaires derrière la cour. Entretemps, mes deux jeunes frères sont entrés dans la cour à travers la petite porte de derrière. Ils m’ont dit : grand frère, il y a des militaires blessés qui sont devant notre cour. C’est pourquoi on n’a pas pu accéder par le grand portail. Quand j’ai décidé d’aller voir, ils m’ont découragé parce que selon eux, ces gens étaient armés. Quelques minutes après, nous avons entendu des tirs. Mais selon ma maman, le matin à 10h moins, quand elle a constaté le bruit derrière la cour, elle s’est approchée pour comprendre. C’est là qu’elle a croisé le regard d’un des assaillants qui cherchait refuge dans la cour. Et du coup, elle s’est précipitée pour fermer le portail à crochet. C’est ainsi qu’ils sont restés tous dans le bas-fonds où les militaires les ont surpris. Mais, il y a eu plus d’une demi-heure d’échanges de tirs entre les deux camps. Ça tirait partout et dans tous les sens… Nous, on n’a aucun lien avec ces assaillants. Moi, je ne connais même pas Claude PIVI de vu. Et mieux, il n’y a aucun militaire dans notre cour ici », a expliqué ce membre de la famille.

En outre, Ibrahima Sory Camara explique que les Forces de défense qui pourchassaient les présumés auteurs de l’attaque de la maison centrale leur ont demandé de sortir de la concession. « Soudain, certains se sont introduits dans notre cour. Pour nous, c’étaient les assaillants de la maison centrale. Ils nous ont dit de sortir en ces termes : sortez, si vous ne sortez pas on va saccager toute la maison. Ainsi, nous sommes sortis et ils nous ont demandé de nous mettre à plat ventre. En fouillant ma chambre, quand ils ont vu la liste nominative des élèves, un gendarme a dit : lui, c’est un enseignant, laissez-le. Il y avait un Colonel de la gendarmerie qui m’a protégé avec les enfants. C’est ainsi qu’ils ont arrêté le frère de notre papa dans l’autre appartement. Lui, il s’appelle Sékou Kaba. Dans un premier temps, on nous a fait monter dans un pick-up de la gendarmerie avant que le colonel-là nous libère. Les agents des forces spéciales voulaient qu’on monte dans leur véhicule, mais le colonel n’a pas accepté. Le colonel, en partant, nous a dit qu’il se pourrait que des enquêteurs arrivent. Mais quand ils arriveront, de leur dire ce que je connais. Quelque temps après, une équipe de la gendarmerie est arrivée sur place. Après le constat, leur chef, un capitaine, m’a dit de les suivre à la brigade de recherche de Sonfonia, qu’ils vont m’entendre en tant que témoin. Arrivé, après ma déposition, il a demandé de m’enfermer. C’était vers 13 heures le samedi. De 13h, ce n’est que le dimanche à 20 heures qu’on m’a libéré par l’intermédiaire de mon avocat. C’est le capitaine-là qui a fait monter le véhicule abandonné par les assaillants », a-t-il fait savoir.

Par ailleurs, Ibrahima Sory Camara raconte qu’ils ont été menacés et injuriés par les éléments des forces spéciales. « Ce jour, c’est Dieu seulement qui nous a sauvés ; sinon, on serait tous morts. Les agents des forces spéciales avaient même menacé de ravager notre maison. Il a fallu l’intervention des gendarmes qui leur ont dit de ne pas bombarder la concession parce qu’il pourrait y avoir des innocents dedans. À voir les évènements, vous aurez l’impression que c’est un film. Il y avait tous les corps et unités d’intervention de l’armée ici, y compris un hélicoptère et un drone. Après leur opération, ce sont les bérets rouges et certains gendarmes qui sont venus nous dire du courage. Aujourd’hui, nous avons du mal à vivre ici. En plus, notre préoccupation aujourd’hui, c’est comment retrouver mon oncle. Lui, Il a été bastonné d’abord avant d’être embarqué dans un pick-up militaire. Avant sa disparition, les agents des forces spéciales le menaçaient avec des propos de tous genres, suivis d’injures. On ne sait pas quelle est l’unité qui l’a envoyé. Jusqu’à présent, on ne connaît pas sa destination. Au nom de la famille, je demande qu’on nous le rende. Tout ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le retour en famille de notre parent. Après, on verra quoi faire », a lancé le jeune enseignant.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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