Évasion à la maison centrale de Conakry : retour sur la terreur des habitants de Coronthie et environs

Colonel Claude Pivi

Une rocambolesque évasion de prison a été entrée samedi dernier dans la capitale guinéenne. Le capitaine Moussa Dadis Camara (ex chef de la junte militaire du CNDD) et trois de ses coaccusés dans le dossier du massacre du 28 septembre 2009 ont été exfiltrés de la maison centrale de Conakry par un groupe de commandos lourdement armés. Cette opération a été émaillée de tirs d’armes automatiques dans la presqu’île de Kaloum et ses environs. Des tirs qui ont suscité une grande peur chez les populations.

Cette attaque pour faire évader Moussa Dadis Camara, Blaise Goumou, Moussa Tiegboro Camara et Claude Pivi a eu lieu au petit matin, vers 4 heures. Et, ce sont les crépitements d’armes qui ont réveillé les populations de Coronthie, le quartier qui abrite la maison centrale. Aly Badra Camara, artiste chanteur et habitant de Coronthie, revenait d’un « show » quand il a commencé à entendre les détonations. Et, au micro de Guineematin.com, il raconte la scène qu’il a vécue.

« Ce jour, j’étais à Almamya avec les étoiles de Boulbinet pour un show. On a fini de jouer là-bas à 3 heures du matin. Après, moi j’ai décidé de regagner chez moi à Coronthie. En revenant, je suis passé chez un de mes amis à Sans fil. Et, c’est là qu’on a vu une ambulance passer. Quelques instants plus tard, on a entendu les coups de fusil. Mon ami m’a dit que c’est les rebelles qui sont entrés. J’ai dit : non, ça doit être une évasion à la maison centrale. Il a répliqué pour dire : alors c’est une attaque à la présidence. Quelques minutes après cette discussion, nous avons encore aperçu deux personnes sur une moto, toutes habillées en civil, qui quittaient vers la maison centrale et remontaient. Ils faisaient des tirs de sommation. Ça, c’était à 5 heures, juste après la prière de l’aube. À la suite de cette moto, on a vu un pick-up aussi quitter vers la maison centrale. Dans le pick-up, il y avait des civils couverts par les militaires arrêtés, tel une escorte de malfrats. Pour moi, ceux qui étaient dans le pick-up, c’est les gens qu’on a exfiltrés. C’est au carrefour de la FEGUIFOOT qu’on a vu ce pick-up militaire, mais on n’a pas pensé que c’était ça », a-t-il expliqué.

Prise de panique au son de ces crépitements d’armes automatiques, Mariame Touré, habitante de Coronthie, a tenté de s’enfuir. Malheureusement, elle est tombée dans un fossé et s’est cognée la tête à un mur. Elle avait la peur au ventre.

« Quand cela a commencé à 4 heures, on était couchés dehors ici. Moi je m’étais réveillée pour voir, avant de me coucher à nouveau. Maintenant, c’est quand les tirs ont repris à 5 heures du matin que j’ai réveillé ma petite sœur avec qui j’étais couchée. Par peur, moi-même je suis allée tomber dans le fossé en tentant de s’enfuir, j’avais même cogné ma tête contre le mur. Entre-temps, ma petite sœur aussi avait pris la tangente, je me suis mise à la rechercher elle aussi. On avait vraiment la peur au ventre ce jour-là. Tout le monde était resté terrer chez eux. Je ne sais pas quand est-ce que les assaillants sont arrivés », a-t-il confié.

En plus de la presqu’île de Kaloum, des tirs ont été enregistrés à Dixinn. Aly Keïta, gérant d’un bar-café à la Camayenne, était en activité quand les crépitements ont commencé. Et, ces crépitements ont provoqué une débandade dans son bar. Lui-même a pris ses jambes à son cou pour se sauver.

« Nous on passe la nuit ici tous les jours. Ce samedi, à 4 heures, étant au café, nous avons d’abord entendu les tirs vers la ville. Après, dans les bandes de 6 heures-7 heures, nous avons aperçu un pick-up dont le pneu a été visé par un tir au carrefour Donka. Ça n’a pas duré, un autre pick-up vide est venu les chercher, mais cette fois avec des tirs de sommation. Ils sont partis vers Dixinn. Quand les tirs ont commencé, tout le monde a fui, y compris moi le gérant. J’ai laissé toutes mes affaires dehors ici, même le poste téléviseur. Je suis allé me cacher dans les toilettes de la mosquée Fayçal. À mon retour à 13 heures, j’ai trouvé toutes mes affaires en place. C’était une terreur sans précédent », raconte-t-il.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

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