Massacre du 28 septembre 2009 : le Général Ibrahima Baldé révèle le plan opérationnelle de la gendarmerie

Général Ibrahima Baldé, ancien Haut-Commandant de la gendarmerie nationale

C’est dans une salle où règne un calme épais que le Général Ibrahima Baldé, ancien Haut-Commandant de la gendarmerie nationale, a pris la parole ce mercredi, 6 décembre 2023, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry). Vêtu d’un pantalon jean noir et d’une chemise blanche assortie de bandes rouges et noires, cet officier de la gendarmerie a préféré témoigné débout devant cette juridiction de première instance. Il était le chef d’état-major de la gendarmerie en 2009. Et, sa déposition aujourd’hui à la barre devrait contribuer à la manifestation de la vérité sur ce dossier où on parle de plus 157 morts et plus d’une centaine de femmes violées, rapporte Guineematin.com à travers un de ses journalistes.

Il a entamé sa déposition par décrire les circonstances dans lesquelles il est arrivé à la tête de la gendarmerie nationale et l’état dans lequel se trouvait ce corps des forces de défense et de sécurité guinéennes. Puis, il est revenu sur la planification qui avait été mise en place dans le cadre de la manifestation des forces vives.

« Moi personnellement, le 27 septembre [2009], j’ai reçu un appel du chef d’état-major général des armées pour une réunion au Camp Alpha Yaya. Arrivés sur les lieux, on a fait un partage d’informations. J’ai pris la parole devant mes collègues pour dire que cette situation doit intéresser tout le monde, parce que les gens vont sortir. Les autres aussi, chacun a eu son mot à dire. Et, le chef d’état-major général des armées de dire : écoutez, j’ai reçu des instructions pour que chacun d’entre vous, dans sa position, prenne ses dispositions pour ne pas qu’il dise qu’il n’a pas été informé. Donc, finalement il a dit : tout le monde dans les casernes, sauf la police et la gendarmerie… Mais, partant des réalités de nos unités par rapport aux moyens conventionnels, le temps ne permettait plus de dire à un ministre ou un chef d’état-major général des armées : donnes-moi ci ou çà. C’est ainsi qu’il a été dit que la gendarmerie et la police vont se charger, pour un premier temps de refuser les regroupements ; pour un deuxième temps, de disperser les regroupements… A mon retour à l’état-major de la gendarmerie, j’ai monté un poste de commandement qui avait pour rôle de concevoir un plan d’opération. Et, conséquemment, on a décidé de dégager tous les moyens humains que nous avions. C’est pourquoi nous avons mis en place deux dispositifs distincts, mais qui se croisent à des endroits », a expliqué le Général Ibrahima Baldé.

Parlant des événements douloureux du 28 septembre 2009 pour lesquels il est cité par le parquet en qualité de témoin, l’ancien Haut-Commandant de la gendarmerie nationale a expliqué son périple et les circonstances dans lesquelles il a vu des leaders politiques blessés.

Général Ibrahima Baldé, ancien Haut-Commandant de la gendarmerie nationale

« Le 28 septembre [2009], il fallait que je sorte avec une équipe deux véhicules, un véhicule de commandement et un véhicule d’opération, pour aller voir si les commandant d’unités ont réellement fait sortir les gens. Au niveau de l’escadron de Hamdallaye, je viens trouver un déferlement [de manifestants] de l’axe Cosa, Bambéto, Hamdallaye au rondpoint. Un autre déferlement de l’axe Condebounyi-Hamdallaye. Et un troisième déferlement sur l’axe Taouyah-Hamdallaye. Le rond-point était inondé de manifestants. Sur le champ, j’ai commencé à changer d’avis sur le plan d’opération. Parce que les éléments (les gendarmes) que j’ai trouvés à Hamdallaye n’avaient pas de bouclier, pas de gaz lacrymogènes, etc. Ils ne pouvaient même pas protéger le personnel. Je leur ai dit de rentrer dans la cour et de ne pas jeter même un caillou, sinon vous allez périr… J’ai continué devant, et je suis venu trouvé que la devanture du stade était déjà déboulonnée. Il y avait un dispositif consistant qui était là, il était commandé par le commandant du Groupement. Quand j’ai demandé, on m’a dit que les centres des opérations ont ordonné que tout le monde se replie au niveau de Donka… C’est ainsi que j’ai continué jusqu’à l’état-major, je suis allé au centre des opérations, j’ai dit : donnez les instructions, que personne ne quitte sa position. Finalement, pendant que j’étais en train de discuter au centre des opérations, il y a l’officier de garnison qui monte me dire qu’on a envoyé des gens qui sont blessés. Je descends, je viens trouver Sidya Touré, Jean Marie, Mouctar Diallo et Lounsény Fall. Je leur ai demandé : vous venez d’où ? Jean Marie a dit : on était au stade. On les a envoyés au niveau de l’infirmerie du PM2 pour les soigner… J’ai mis en place une commission d’enquêtes, on a mis les dispositifs de nuit pour les patrouilles. Mais le matin [du 29 septembre 2009], j’ai reçu des informations selon lesquelles la commission d’enquêtes qui avait été mise en place doit céder le pas à une commission d’enquêtes que l’Etat met en place », a déclaré le Général Ibrahima Baldé.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

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