Restriction d’internet en Guinée : « nous sommes affectés par un problème sécuritaire », argue Dr Morissanda Kouyaté face aux diplomates occidentaux

Dr Morissanda Kouyaté, ministre des Affaires étrangères, de l'Intégration Africaine et des Guinéens établis à l'étranger

L’accès à internet est restreint depuis deux mois en Guinée. Cette restriction, en plus de pénaliser les Guinéens sur le territoire national, affecte les activités des diplomates en poste à Conakry. Ces diplomates se sont d’ailleurs fait voix hier, mercredi 10 janvier 2023, lors d’une rencontre avec le ministre guinéen des affaires étrangères. Face au Dr Morissanda Kouyaté, ces diplomates ont fait part de leurs préoccupations et exprimé leur « désapprobation » de cette situation. Et, selon les informations confiées à Guineematin.com, c’est avec un langage peu diplomatique qu’ils ont questionné le chef de la diplomatie guinéenne.

L’initiative visant à interroger le gouvernement guinéen sur cette restriction d’accès à internet aurait été initié par les ambassadeurs occidentaux, notamment ceux de l’Union européenne. Et, sans détour, ils ont dit au chef de la diplomatie guinéenne les quatre vérités. L’ambassadeur de France, Marc Fonbaustier a dénoncé des « mesures d’ordre général » et des « atteintes » qui lui pose « des difficultés » dans son travail.

« Je vois trois atteintes liées à cette situation qui me posent des difficultés. Je ne peux plus travailler depuis ma résidence avec mes moyens de communication dédiés avec le ministère. La deuxième, c’est que quand je suis dans mon véhicule de fonction, l’instrument qui m’a été donné par mon gouvernement, n’est pas opérant. La troisième peut-être qui semble plus préoccupante, concerne les visas. Je travaille actuellement avec deux tunnels VPN dont l’un n’est pas opérant. Ce qui fait je suis à 50% de ma capacité de délivrance des visas… Et je suis persuadé que je ne suis pas la seule mission diplomatique dont la mission consulaire est en ce moment affectée et impactée par les mesures d’ordre général », a martelé le diplomate français.

Abondant dans le même sens, l’ambassadrice de l’Union européenne, Jolita Pons, a dit que cette restriction d’accès à internet est un « problème très sérieux » qui n’affecte pas que la liberté des citoyens guinéens.

« C’est un problème de réputation pour la Guinée. On se pose beaucoup de questions sur notamment si ces restrictions sont justifiées, proportionnées, nécessaires. On se demande si ces restrictions ne sont pas contre-productives », a-t-elle indiqué.

Face à cette situation un tout petit embarrassante, le ministre guinéen des affaires étrangères s’est abrité derrières « un problème sécuritaire » pour justifier cette restriction d’internet. Dr Morissanda Kouayté assure que cette situation affecte même la Présidence de la République.

« Les difficultés qu’il y a au niveau des ambassades sont les mêmes dans nos départements ministériels, c’est les mêmes difficultés qu’il y a à la Présidence… Le Gouvernement n’a pas un VPN personnel pour dire que nous sommes en dehors. Nous sommes tous affectés. Nous sommes affectés par un problème sécuritaire. C’est cela. On ne peut pas aller plus loin », a-t-il argué.

Ce n’est pas la première fois que cette question de sécurité nationale est évoquée par les autorités de Conakry pour justifier une restriction de la liberté d’expression et d’information dans le pays. En effet, en plus de la restriction des réseaux sociaux, plusieurs médias audiovisuels sont brouillés et censurés en Guinée depuis le 24 novembre dernier. Et, pour justifier ces actions fortement dénoncées par la presse nationale, la Haute Autorité de la Communication (l’organe de régulation des médias dans le pays) a invoqué des raisons de sécurité nationale. Un argument qui a encore du mal à convaincre les professionnels des médias et les défenseurs des droits humains dans le pays.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tél. : 622 97 27 22

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