Culture africaine et afro-descendante : le doyen Baïlo Teliwel Diallo questionne sur l’utilisation de nos langues en Guinée

La communauté africaine célèbre ce mercredi, 24 janvier 2024, la journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante. Adoptée par l’UNESCO lors de la 40ème session de sa Conférence générale en 2019, cette journée met en exergue les nombreuses cultures dynamiques du continent africain et des diasporas africaines à travers le monde. Elle vise à promouvoir la culture africaine dans sa diversité et renforcer le rôle de la culture dans la promotion de la paix sur le continent. La célébration de cette journée vise également à promouvoir la ratification et la mise en œuvre la plus large possible de la charte de la renaissance culturelle africaine par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine.

Rencontré par un journaliste de Guineematin.com ce mercredi, Baïlo Teliwel Diallo, ministre guinéen de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique entre 2012-2016 et spécialiste des questions de culture, a estimé que la célébration de cette journée est extrêmement importante et que chaque africain devrait se l’approprier. Pour lui, il faut l’engagement à tous les niveaux pour promouvoir les riches potentialités culturelles de l’Afrique.

« La célébration de cette journée est une décision qui est extrêmement importante dont nous devons nous approprier. Les vrais débats qu’on devrait organiser aujourd’hui, c’est comment opérationnaliser une telle vision de la culture. Dès qu’on essaie d’opérationnaliser, on se rend compte qu’il y a des démarches parfois extrêmement complexes. Il y a des démarches d’ordre conceptuel mais opérationnelles, des programmes qu’il faut vraiment réfléchir pour ne pas rester dans les discours essentialistes, philosophiques et même métaphysiques. C’est pourquoi je dis que nous (pas que les intellectuels), c’est vraiment tous ensemble, les décideurs, les industriels (…), tous ceux qui ont un rôle dans la construction nationale devraient réfléchir sur les composantes culturelles de leurs domaines. Pour être concret, prenez l’exemple sur la Guinée. Quand on dit la culture guinéenne, on veut dire quoi ? On veut dire la culture nationale qui est en voie de construction, qui n’est pas statique, qui a répondu à des questions d’hier qui répond à des questions d’aujourd’hui et qui va répondre aussi aux questions de demain pour la jeune génération. Donc, si on fige la définition de la culture, on rompt la dynamique dialectique qu’il y a entre la nation en devenir et la culture en devenir. Il y a aussi la culture des communautés qui peut ne pas totalement se superposer avec la notion de culture nationale. La culture nationale n’est pas une addition de culture communautaire. Ce n’est pas la culture de la population de la Guinée maritime plus la culture de la communauté de la moyenne Guinée etc. C’est une approche qui est faite d’emprunt, de brasage, mais aussi de déperdition. En plus, dans ce devenir, il y a des errements des composantes qui sont caduques. Il faut accepter que ces composantes soient caduques. Parce qu’elles ne peuvent plus être porteuses d’avenir. Il y a des composantes qui sont émergentes, il y a des composantes qui sont actuelles. Il faut donc tenir compte de tout cela pour dire si la culture africaine est-elle menacée. Mais, il y a des composantes, si on ne fait pas attention, qui sont en voie de disparition. Et, si elles disparaissent, ce sera une grande perte pour la culture universelle et la culture africaine. Quand on prend nos langues, la question, c’est qu’est-ce qu’on en fait ? Il y a beaucoup d’intellectuels, quand tu leur poses la question de savoir : qu’est-ce qu’on fait de nos langues ? Est-ce qu’on va utiliser nos langues comme langue d’enseignement, d’appropriation de la science et de la technologie, comme langue de la communication et du pouvoir ? Du coup, tu vois que les gens commencent à avoir des réserves. Et ça, c’est un vrai problème. Est-ce qu’on va laisser nos langues disparaître avec tout ce qu’elles représentent comme savoir philosophique, anthropologique et symbolique, ou bien on va voir comment on va régénérer ces langues ? Chaque acteur a son rôle à jouer. C’est vrai que la responsabilité de la politique publique est d’abord de l’autorité gouvernementale, mais on ne peut pas attendre que quelqu’un fasse ça pour nous. Nous sommes tous impliqués par le travail qui est là », a indiqué le doyen Baïlo Teliwel Diallo.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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