An 47 de la Télévision guinéenne : « Si le chef de l’Etat  (Sékou Touré) n’était pas d’accord, il pouvait dire arrêtez…»

Ibrahima Diaby, ingénieur électronicien, ancien Directeur Technique de la Télévision nationale

La télévision nationale guinéenne (RTG) a fêté son 47ème anniversaire mardi 14 mai 2024. Fondée sous le premier régime, en 1977, cet organe d’informations a polarisé toutes les attentions du pouvoir d’alors dans un contexte de difficultés. Des injonctions pouvaient venir du responsable suprême de la Révolution pour dire d’arrêter une émission « s’il n’était pas d’accord ». C’est ce qu’a indiqué Ibrahima Diaby, ancien directeur technique de la RTG, interrogé par Guineematin.com à travers un de ses reporters.
C’est un cadre qui a vécu sous le premier régime,  connaisseur de la RTG. Ibrahima Diaby, ingénieur électronicien, ancien Directeur technique de la télévision nationale, ancien conseiller technique du ministre de la Communication, relate les difficultés que la Télévision Nationale a eu à rencontrer au début.

« La télévision nationale a commencé dans des conditions assez difficiles, parce que l’installation n’était pas prête, le studio ne l’était pas. Pour la petite histoire, la télévision a démarré le 14 mai 1977 et le studio n’a été opérationnel qu’au mois d’août. Ce qui fait que nous avons démarré avec les émetteurs et un car que la Libye avait mis généreusement à la disposition de la RTG. Ainsi, après les festivités du 14 mai, célébrées au stade du 28 Septembre, après la retransmission du match de la coupe du PDG, qui a suivi l’après-midi, on ne pouvait plus rien faire. Heureusement, on a trouvé une solution à ce problème, c’est d’utiliser le palais du peuple comme studio. Ainsi, on a installé les caméras du car sur la scène du palais du peuple, c’est là où les émissions se déroulaient. Les émissions, il faut dire que les programmes n’étaient vraiment pas du tout riches, on passait le journal télévisé et puis on avait un collaborateur très dévoué qui chaque jour parcourait les quartiers de Conakry pour dénicher des troupes artistiques qui venaient et qu’on filmait en direct pour les passer. Voilà comment le programme de la RTG a commencé et on a travaillé ainsi jusqu’au mois d’août. Pendant ce mois l’émetteur, les télés cinéma, le studio étaient opérationnels et le fonctionnement normal a commencé à partir de là », a-t-il indiqué.

Par ailleurs, monsieur Diaby est revenu sur les équipements de la télévision nationale à ses débuts en 1977. « Quand le studio est devenu opérationnel, les conditions étaient réunies maintenant pour un fonctionnement normal pour une chaîne de télévision. Ça a été très intéressant, on a démarré en noir et blanc. Mais nous avons eu la chance, l’émetteur qui a été mis à la disposition de la Guinée passait indifféremment les images noir et blanc et la couleur. Quand vous lui envoyez la couleur, elle passe la couleur, quand vous lui envoyez noir et blanc, il passe noir et blanc. Ainsi, puisque la lecture se faisait en noir et blanc, parce que même la couleur, si vous la lisez sur un appareil noir et blanc, il te fait sortir ça. Le noir et blanc était systématique, puisque la RTG a essayé très tôt de s’équiper avec de nouveaux équipements, qui eux cette fois-ci étaient en cours. Alors, les enregistrements qui étaient lus sur ces machines-là, envoyés à l’émetteur, passaient en couleur, c’est ainsi qu’on recevait des programmes Allemands qui passaient en couleur, les nouvelles de RFO (Radio France outre-mer), 10 min d’informations par jour de la radio France qui enrichissent le journal, les matchs de la coupe du monde et des jeux olympiques passaient en couleur. C’est ainsi que la couleur a commencé à entrer dans le programme de la RTG. On a travaillé ainsi jusqu’en 1986, lorsque Monsieur Zaynoul Abidin Sanoussy a été nommé ministre de l’information. Quand il est venu, il a fait de la couleur une priorité. La première décision qu’il a prise, c’était désormais de faire passer de manière systématique le journal en couleur. Ça donnait vraiment du travail au journal, parce-que ça leur prenait tout une journée pour que le journal de 30 minutes passe en couleur. Cela a encouragé les gens à avoir le goût de la couleur », a-t-il fait savoir.

En outre, Ibrahima Diaby indique que la RTG était beaucoup surveillée pendant le premier régime de Sékou Touré. « On a connu beaucoup d’étapes, l’étape du premier régime, là la RTG était l’enfant gâté on était chouchouté. Tous les problèmes de la RTG étaient réglés immédiatement. Les problèmes étaient directement réglés avec la banque centrale. Mais, il est vrai aussi qu’il y avait de la rigueur, la radio ou la Télévision ne devrait pas s’arrêter même une minute. Quand ça s’arrêtait, ça pouvait entraîner des sanctions très lourdes. Le chef de l’État était parmi les plus grands téléspectateurs, il arrivait qu’il téléphone directement au studio. Quand une émission passait avec laquelle il n’était pas d’accord, il téléphone, il disait arrêtez-ça. Donc, en ce moment, sincèrement le pouvoir avait un regard bienveillant envers la RTG. Le deuxième régime, les priorités n’étaient plus les mêmes, il y a eu une baisse. Là la RTG qui n’avait pas le droit de s’arrêter 5 minutes, pouvait s’arrêter tout une journée sans réaction du pouvoir. Bref, depuis on fonctionne comme on peut…»

Ismaël Diallo pour Guineematin.com

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