Massacre du 28 septembre : Me Jocamey Haba révèle les noms de ceux qui ont profité du crime et leurs butins

Me Jean Baptiste Jocamey Haba, avocat du capitaine Moussa Dadis Camara

« A qui ont profité les crimes commis le 28 septembre 2009 au stade Conakry » ? C’est à cette question que Me Jean Baptiste Jocamey Haba, un des avocats du capitaine Moussa Dadis Camara, a tenté de répondre dans une tranche de sa plaidoirie de ce mardi, 18 juin 2024, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry). Tout d’abord, l’avocat a présenté ces crimes comme étant le résultat d’un “complot international” visant à salir son client (à l’époque président de la Transition) pour l’éjecter du pouvoir, mais aussi pour empêcher la Guinée de commémorer la “chute de l’empire colonial français en Afrique”. Puis, il s’est employé à exposer ce que chacun des commanditaires de ce complot (au nombre desquels il cite l’ex-président français, Nicolas Sarkozy) a eu comme profit de la commission de ces infractions sur des manifestants non armés au stade du 28 septembre. Me Jean Baptiste Jocamey Haba a enfin clamé l’innocence de son client, tout en tournant en dérision le sort des “comploteurs” qui ont fait du capitaine Dadis un “prisonnier à ciel ouvert” à Ouagadougou (au Burkina Faso).

Selon l’avocat du capitaine Moussa Dadis Camara, tous les commanditaires du massacre du 28 septembre ont profité de ce crime. Il commence par celui qu’il surnomme “l’arme du crime”, le commandant Aboubacar Diakité, alias “Toumba”. Cet officier militaire et ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara aurait trahi son patron à cause d’une promesse portant sur neuf milliards de francs guinéens (9 000 000 000 GNF).

“Il est évident que les crimes commis le 28 septembre au stade éponyme ont profité aux comploteurs. Aboubacar Diakité, il a été dit ici publiquement par lui-même, s’attendait à avoir 9 milliards de francs guinéens. Il les a réclamés quand il était à Dakar et Senenews en a fait cas. Mais, est-ce que vous savez pourquoi il a réclamé cet argent ? C’est parce qu’il manquait de moyens et ses proches avaient été emprisonnés sous Alpha Condé qu’il a décidé de réclamer ces 9 milliards. Il faut reconnaître qu’il n’a pas tout reçu. Et, c’est ce qui l’a d’abord poussé à sortir de l’ombre… Il était l’arme du crime, il a été celui qui a été utilisé contre son patron parce qu’il n’a pas été loyal à son égard… La notion de profit tiré de l’infraction des crimes commis au stade du 28 septembre est ainsi justifiée à l’égard du commandant Toumba. J’ai la ferme conviction que le commandant Toumba finira un jour par demander pardon à celui-là qui l’a aimé sans condition, qui l’a défendu sans réserve (allusion faite au capitaine Moussa Dadis Camara)”, a-t-il déclaré.

Poursuivant allègrement son speech, Me Jean Baptiste Jocamey Haba a désigné le Général Sékouba Konaté comme le deuxième bénéficiaire du résultat du massacre du 28 septembre. Cet officier militaire était à l’époque ministre de la défense nationale. Et, il aurait trahi le capitaine Moussa Dadis Camara à cause de 12 millions de dollars US, une promesse de protection de la France et un poste à l’extérieur. Il est présenté dans ce “complot”, par Me Jean Baptiste Jocamey Haba, comme étant “la croix de transmission du pouvoir” à l’opposant Alpha Condé.

“Le deuxième, Général Sékouba Konaté, la première visioconférence qu’il a pu faire, c’était avec le président Alpha Condé, Bernard Kouchner. Mais quel intérêt attendait-il ? Premièrement, 12 millions de dollars. Lui-même (Général Sékouba Konaté) l’a dit. Deuxièmement, un poste à l’international, vous avez entendu parler de la force africaine en attente, et une protection de la France pour ne pas être inquiété dans le procès des événements du 28 septembre 2009. Mais s’il a obtenu le premier profit qui était celui de finir la transition, en réalité c’était un passage obligé puisqu’il devait être le couloir de transmission du pouvoir à Alpha Condé. Et c’est ce qui fut fait. Cependant, il n’a pas pu obtenir tout l’argent qui lui avait été promis. Une fois que le président Alpha Condé est arrivé au pouvoir, à la place de la protection de ses proches, beaucoup sont allés en prison. Et comme le président Dadis, le Général Sékouba Konaté a été éloigné de la Guinée. Le 12 juin il devait être à Brazzaville (République du Congo) parce que ceux-là savaient ce complot international. Donc, c’était pour y aller et ne plus ressortir. Mais puisque l’autre profit qu’il tirait était la protection de la France, cette dernière a voulu respecter ses engagements en le gardant en France. Et la force africaine en attente, vous l’avez vu où ? C’était un droit espéré qu’on lui avait fait miroiter. Donc sa récompense n’a pas été à la hauteur du travail accompli, celui d’organiser un semblant d’élection, de tricher et donner le pouvoir au perdant Alpha Condé. Je fonde pour cela mes mots sur une transcription qui a été lue ici publiquement. Une transcription de Kiridi Bangoura, un des proches d’Alpha Condé, qui dit ouvertement : le Général Sékouba Konaté nous a aidés à venir au pouvoir… Donc, c’est une évidence que le profit des crimes commis au stade du 28 septembre est justifié à l’égard du Général Sékouba Konaté”, a indiqué Me Jean Baptiste Jocamey Haba.

S’agissant du président Alpha Condé, l’avocat du capitaine Moussa Dadis Camara évoque son accession au pouvoir et il s’est gaussé de son sort.

“Le président Alpha Condé, l’autre commanditaire, qu’a-t-il gagné ? Parce que nous sommes dans la démonstration du profit obtenu à travers la commission de l’infraction. A qui profite le crime. Le président Alpha Condé est effectivement arrivé au pouvoir et il a exercé pendant 11 ans. Il est allé au-delà même de ses deux mandats consacrés par la constitution. Mais la suite, nous la connaissons tous”, a-t-il dit.

En parlant des bénéfices tirés du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée par Nicolas Sarkozy (ex chef d’Etat français), Bernard Kouchner (ex ministre français des affaires étrangères) et Jean Graebling (ex ambassadeur de France en Guinée), Me Jean Baptiste Jocamey Haba a évoqué la “revanche d’une puissance humiliée” et la falsification de l’histoire de la Guinée. Il assure que cette barbarie qui a fait plus de 150 morts et plus d’une centaine de femmes violées au stade de Conakry avait en partie pour but d’empêcher la Guinée de commémorer le déclin de l’empire colonial français en Afrique.

“On va peut-être me demander ce que la France a gagné comme profit de la commission de ces crimes au stade du 28 septembre. Puisqu’en parlant de commanditaires, j’ai parlé du président Nicolas Sarkozy, de Bernard Kouchner, de l’ambassadeur Jean Graebling et du fameux responsable du renseignement français. Monsieur le président, le 28 septembre 2009 est la revanche d’une puissance humiliée à la même date (le 28 septembre 1958), 51 ans plus tôt. Le 28 septembre 2009 était le 51ème anniversaire du référendum qui a ouvert notre voie à l’indépendance le 2 octobre 1958. Cette puissance humiliée, c’est la France qui ne veut pas que la Guinée commémore la chute de l’empire colonial français en Afrique. C’est toujours comme ça : pour éliminer Thomas Sankara, on a utilisé Blaise Compaoré ; pour éliminer Patrice Lumumba, on a utilisé Mobutu ; pour éliminer Sylvanus Olympio, on a utilisé Etienne Eyadema ; pour éliminer le président Dadis, il fallait utiliser le Général Sékouba Konaté. C’est la même politique coloniale. Ce que la France a gagné, c’est salir, falsifier l’histoire de la Guinée. La roue tourne. La France elle-même a été trahie. Puisqu’il a fallu que Alpha Condé vienne au pouvoir pour que la France plie bagages. Et lui Alpha Condé, où est-il aujourd’hui ? Chacun sait ce qui lui est arrivé ici [le 5 septembre 2021]. Tout ça pour dire qu’on ne peut pas faire du mal à un homme sincère, un homme béni de Dieu, sans en subir les conséquences. Oui, le président Moussa Dadis Camara est un béni de Dieu. Et tous ceux qui ont tenté ou lui ont fait du mal de près ou de loin l’ont payé et le paieront devant les hommes et devant Dieu”, a martelé Me Jean Baptiste Jocamey Haba.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

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