Relance de la Mamaya de Kankan en 1999, sa représentation, son institutionnalisation… Elhadj Mohamed Lamine Kaba dit tout à Guineematin.com

El Hadj Mohamed Lamine Kaba, président de la coordination des sèdès et conseiller auprès de la notabilité

Comme annoncé précédemment, la Mamaya de Kankan a débuté hier lundi, 17 juin 2024.  Cette occasion est mise à profit par les ressortissants de cette région administrative de la Guinée pour se retrouver et communier pendant 3 jours autour de cette danse culturelle qui démarre chaque année le lendemain de la fête de tabaski (Aïd al Adha). Dans cette seconde partie de l’interview accordée à Guineematin.com récemment par Elhadj Mohamed Lamine Kaba, président de la coordination des sèdès et conseiller auprès de la notabilité, il est revenu sur la relance en 1999 de la Mamaya, qui avait un peu perdu de sa superbe, son lien avec le lieu mythique de Chérifoula, ce qu’elle représente, mais aussi son institutionnalisation.

Décryptage! 

Guineematin.com : Pourquoi la Mamaya avait-elle perdu en popularité avant 1999 ?

Elhadj Mohamed Lamine Kaba : Avec la révolution culturelle socialiste, les établissements scolaires et les quartiers avaient désormais des activités culturelles au sein de leurs structures. Il y avait des compétitions inter quartiers et interscolaires qui aboutissent aux quinzaine et aux festivités à Conakry. À l’époque, ces programmes étaient bien ficelés. Il y avait des récitals, des chœurs, des ballets folkloriques, et tant d’autres activités dans les quartiers. On ne pouvait pas mettre les activités de l’État de côté pour s’occuper de nos affaires personnelles. L’État étant plus fort, on a donné priorité aux activités culturelles de l’État, ce qui a fait que la Mamaya avait perdu en popularité. Mais avec le libéralisme, cette façon de faire de la culture a changé. Nous avons donc choisi de relancer la Mamaya, qui est plus ancienne que toute autre activité culturelle chez nous. La Mamaya nous permet de réaliser des programmes de société à Kankan. De 1999 à nos jours, nous sommes parvenus à construire plus de 42 salles de classes à Kankan grâce à l’organisation de la Mamaya, ainsi que bien d’autres réalisations.

Guineematin.com : Qu’est-ce que la Mamaya représente pour les fils ressortissants de Kankan ?

Elhadj Mohamed Lamine Kaba : La Mamaya représente notre identité culturelle. En tant que Maninka Mory de Kankan, nous nous retrouvons dans la Mamaya, même à travers les tenues traditionnelles que nous portons, les boubous. Dès que tu vois les danseurs de la Mamaya sur n’importe quelle chaîne, tu te reconnais.

Guineematin.com : Aujourd’hui, pour se moquer d’une activité, on dit que c’est de la Mamaya. Que diriez-vous aux gens qui pensent que la Mamaya c’est de la légèreté et du n’importe quoi ?

Elhadj Mohamed Lamine Kaba : C’est une méconnaissance culturelle, une aliénation. Ceux qui disent cela ont leur propre culture. Quelqu’un qui fait du n’importe quoi, on ne dit jamais que c’est Doumdoumba ou du soli, mais on dit que ce n’est pas la Mamaya. La Mamaya est un mouvement d’ensemble ouvert à tout le monde, il n’y a pas d’exclusion.

Guineematin.com : Quel est le lien historique entre la Mamaya et le carrefour mythique de Chérifoula où elle est organisée ?

Elhadj Mohamed Lamine Kaba : Les gens ont souvent tendance à croire que le lieu de Chérifoula est mythique et figé pour la Mamaya, mais ce n’est pas le cas. Les organisateurs sont toujours en quête d’espaces plus grands. Le dernier espace trouvé plus grand que les autres à Kankan est Chérifoula. Sinon, nous avons organisé la Mamaya dans beaucoup d’autres lieux à Kankan.

Guineematin.com : À un moment donné, l’État voulait institutionnaliser la Mamaya. Où en est-on ?

Elhadj Mohamed Lamine Kaba : Aujourd’hui, la Mamaya est considérée en Guinée comme un patrimoine culturel national, donc elle est déjà institutionnalisée par l’État. Mais notre ambition est d’aller beaucoup plus loin, car nous voulons qu’elle devienne un patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, comme la rumba. Il y a deux semaines, j’étais à Conakry et j’ai vu une vidéo de la Mamaya sur la chaîne de l’UNESCO, ce qui m’a rempli de joie. Notre ambition commence à se réaliser. L’État a donné le ton en institutionnalisant la Mamaya, qui peut maintenant être interprétée partout en Guinée. Ce n’est plus l’exclusivité de Kankan, et c’est pourquoi, depuis l’année dernière, nous avons commencé à inviter les autres régions à danser la Mamaya avec nous. L’année dernière, c’était la Guinée forestière, cette année c’est le Fouta.

Guineematin.com : Y a-t-il une possibilité de voir un jour la Mamaya délocalisée dans une autre région pour y être dansée ?

Elhadj Mohamed Lamine Kaba : Le ton a déjà été donné depuis le cinquantième anniversaire de l’indépendance, qui a été fêté à Boké où la Mamaya était représentée. Chaque année, après les trois jours de la Mamaya, le groupe organisateur se déplace pour aller passer une nuit à Siguiri et danser la Mamaya avec les citoyens de Siguiri. Rien ne nous empêche d’aller hors de la Haute Guinée pour danser la Mamaya.

Interview réalisée et décryptée depuis Kankan par Abdoulaye N’koya SYLLA et Souleymane Kato Camara pour Guineematin.com 

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