Guinée : « Il y a eu plus de 35 morts suite à la consommation de la drogue Kush » (Dr Thierno Bah, IIFPIDCA)

Dr Thierno Bah, directeur général de l'IIFPIDCA

La journée internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues est initiée depuis le 26 juin 1989 par les Nations Unies. En Guinée, cette journée est caractérisée par un engagement, une volonté politique pour lutter contre la drogue. Pour parler de cette journée et des méfaits de la consommation de stupéfiants, un reporter de Guineematin.com a interrogé Docteur Thierno Bah, médecin et expert sur les politiques de drogue. Celui qui est également le Directeur général de l’Institut itinérant de formation et de prévention intégrées contre la drogue et autres conduites addictives (l’IIFPIDCA), parle de plus de 35 morts suite à la consommation de la drogue Kusch.

La consommation des stupéfiants est devenue un véritable fléau dans le monde. Elle entraîne rapidement la dépendance et des conséquences néfastes sur la santé des adolescents et des jeunes. La Guinée n’est pas épargnée par cette dure réalité.

C’est sous le thème « investissez dans la prévention » que la Guinée va passer à la sensibilisation des jeunes pour ce 26 juin 2024. Interrogé à ce sujet, le DG de l’Institut itinérant de formation et de prévention intégrées contre la drogue et autres conduites addictives a expliqué l’importance de la prévention.

« En Guinée, la journée sera particulièrement celle de la sensibilisation. Et il y a trois stratégies de prévention. Il y a la prévention primaire qui consiste à la sensibilisation des jeunes qui n’ont jamais consommé de la drogue, de ne pas y toucher. La prévention secondaire, c’est de mettre en place des dispositifs de prise en charge thérapeutique des usagers de drogue, c’est-à-dire des gens qui consomment de la drogue ; et la troisième stratégie, c’est la prévention tertiaire. C’est insérer sur le plan professionnel ces usagers de drogue qui ont fait sevrage. La mission élargie de notre institution, cadre avec la prévention. Nous intervenons dans le domaine de la réduction de la demande de drogue, qui parle de prévention, de traitement, de réinsertion et de recherche scientifique sur les phénomènes de drogue. C’est la raison pour laquelle, cette année, nous allons célébrer cette journée dans une commune de Conakry, précisément celle de Tombolia. On a fait ce choix parce que ces deux dernières semaines, il y a eu des morts liées à la consommation de la drogue Kusch. C’est pourquoi, après les débarcadères, les écoles et les universités, maintenant nous allons vers les communes, pour sensibiliser. Enseigner les jeunes sur les conduites à tenir par exemple, envers un ami, un collaborateur est un usager de drogue », a expliqué Dr Thierno Bah.

Parlant des causes liées à cette consommation, le DG de l’Institut itinérant de formation et de prévention intégrées contre la drogue et autres conduites addictives, pense que les responsabilités sont partagées.

« Les responsabilités se situent au niveau familial, des décideurs et des jeunes. Il y a les causes sociales, qui sont par exemple la démission de la famille. Parce que si un enfant n’a pas étudié, il risque de se retrouver dans la consommation des substances, il y a la pauvreté, l’abandon ou l’échec scolaire, la mauvaise compagnie, surtout ce dernier aspect. Tu peux être dans une école privée, mais à côté tu as une mauvaise compagnie qui consomme de la drogue et malheureusement tu peux également tomber dans l’addiction », a-t-il fait savoir.

En outre, Dr Thierno Bah est revenu sur les moyens de lutte contre la drogue. « En matière de lutte contre la drogue, il y a deux stratégies mondiales. Il y a la réduction de l’offre, c’est-à-dire la répression, qui est confiée aux forces de défense et de sécurité, la police, la douane, la gendarmerie et la justice. Et il y a la réduction de la demande, c’est ce qui est lié à tout ce qui est prévention. La formation sur les thématiques de la drogue, la recherche et la réinsertion sociale. Et les moyens de lutte les plus efficaces, c’est la prévention. La drogue n’est pas que la cocaïne ou le cannabis. Il y a trois grandes catégories de drogue. D’abord il y a les produits dits autorisés qu’on consomme partout. Par exemple le tabac, l’alcool et la chicha, qui ne sont pas réglementés dans notre pays, et il est important de réglementer ces substances. La deuxième grande catégorie, c’est la drogue de synthèse, mais qui s’ajoute aussi au cannabis. Dans ce type de drogue, il y a la cocaïne, la métamphétamine, l’ecstasy, etc. Et la troisième catégorie, ce sont les produits détournés de leurs usages thérapeutiques, tels que le Tramadol qui est un antidouleur, un antalgique de palu 2. Il est dosé à 100 mg ; mais si on le prend à 250 mg, ça devient un stupéfiant », a-t-il fait savoir.

Par ailleurs, ce médecin expert sur les politiques de drogue, affirme que même si des montants colossaux sont déboursés chaque année pour la lutte contre la drogue, un nombre important de personnes continue d’en consommer.

« Sur l’échelle mondiale, les capitaux de drogue représentaient plus de 250 milliards de dollars l’année dernière. C’est‐à-dire que cela dépasse le PIB de certains pays. Une personne sur 18 est consommatrice de drogue, d’après le rapport mondial de l’Office des nations unis de lutte contre la drogue 2023. Et si on prend les statistiques en Guinée ; d’abord, il y a 0,9% de taux de prévalence sur la consommation de cette drogue kush sur la tranche d’âge de 14 à 18 ans, d’après les études que nous avons réalisées l’année dernière, dans 130 établissements d’enseignement public et privé du secondaire, sur toute l’étendue du territoire national. En plus de cela, il y a la consommation de la chicha qui évolue au niveau de la même tranche d’âge sur 35% des filles qui en consomment. Et la nouvelle tendance de drogue qui est chez nous, qui fait beaucoup de ravages, c’est la kush. L’année dernière seulement, il y a eu plus de 35 morts suite à la consommation de la drogue Kusch », informe Dr Thierno Bah.

Mariama BARRY pour Guineematin.com

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