Pour ou contre l’excision ? Médecins, musulmans et chrétiens se prononcent

Professeur I. Baldé, fondateur de la clinique "Centre Mère et Enfants"

L’excision est une pratique courante en République de Guinée, même si elle est réprimée par les lois guinéennes. Plus de 90 % des filles sont actuellement excisées. Certains citoyens et chefs religieux sont d’ailleurs énervés d’entendre des ONG s’attaquer à l’excision et les accusent de le faire juste « parce qu’elles reçoivent de l’argent »… Pourtant, au-delà de l’aspect légal, des médecins guinéens rencontrés par Guineematin.com reprouvent la pratique.

Selon le Professeur I. Baldé, fondateur de la clinique « Centre Mère et Enfants », également président du Conseil National de l’Ordre des Médecins de Guinée, l’excision est très loin d’être indispensable à la jeune fille et les inconvénients sont nombreux. « C’est une pratique très courante chez nous et qui est très loin d’être indispensable à la jeune fille. C’est ce qui fait que sur le plan mondial, la Guinée occupe la deuxième position. Il y a beaucoup d’inconvénients dans cette pratique. Par contre, nous n’avons pas beaucoup d’avantages ; mais, il serait très intéressant qu’on tienne compte des inconvénients pour se débarrasser progressivement de cette pratique », dit-il.

Professeur I. Baldé

Parlant des inconvénients de cette pratique sur le plan sanitaire, le Professeur I. Baldé a indiqué que « tout peut arriver avec l’excision. Si l’intéressé a des problèmes de coagulation sanguine, il peut saigner abondamment au point de mettre en cause sa vie. Ensuite, les instruments ne sont pas très contrôlés, étant donné que ceux qui font la pratique n’ont pas de niveau sanitaire suffisant pour pouvoir prendre des précautions, éviter le tétanos, éviter d’autres maladies infectieuses. Normalement, si on peut encourager les gens à renoncer à cette pratique, je serai très heureux que les chefs religieux s’impliquent dans le combat contre l’excision », préconise-t-il.

En insistant sur les inconvénients, le médecin a ajouté qu’ils sont aussi réels dans la vie conjugale. « Comme vous le savez, plus de 90 % des filles sont excisées. Ce qui est sûr, les inconvénients sont réels. On évoque qu’une fille excisée aurait moins de jouissance dans ses relations intimes qu’une fille qui n’a pas été excisée. Mais, ce qui est aussi sûr, c’est que l’excision n’est pas la meilleure solution pour les filles », a fait savoir le chirurgien.

En ce qui concerne l’accouchement, dit-il, « si vous imaginez que l’excision a entraîné des conséquences réelles et physiques sur le clitoris, on peut imaginer que ça soit gênant pendant l’accouchement. C’est seulement si l’excision entraîne des conséquences telles que la fistule ou la sténose, que ça soit gênant pendant l’accouchement. Mais, ce qui n’est pas toujours fréquent ».

Mado Cepiekano, Pasteur à Kaporo

Egalement interrogé par un reporter de Guineematin.com, Mado Cepiekano, pasteur à l’église de Dieu de Prophétie à Kaporo Rails a indiqué que la Bible interdit carrément l’excision. Par contre, elle recommande la circoncision. « Dieu a recommandé à Abraham de ne pas exciser les filles. Donc, l’excision des filles n’est pas la volonté de Dieu, ce sont des doctrines, des volontés humaines parce que l’homme est méchant », a-t-il lancé.

Pourtant, certains chefs religieux musulmans ont une vision différente de l’excision. Oustaz Mohammad Chérif Diallo, imam à la mosquée de Koloma-Soloprimo, dans la Commune de Ratoma, joint au téléphone par Guineematin.com, a d’abord indiqué que l’excision n’est pas une obligatoire. « L’excision est une surérogation pour les femmes, contrairement aux hommes dont la circoncision est une obligation. Donc, pour ce qui est de l’excision, celui qui veut peut le faire. Seulement que ça soit dans les règles de l’art, dans un environnement sain, avec des instruments adéquats. Ceux qui ne veulent pas aussi peuvent ne pas le faire. Mais, c’est une pratique qui se faisait depuis le temps de Mohammad (PSL) », a confié Oustaz Chérif Diallo.

Seulement, cet imam de Koloma ajoute que « ceux qui qualifient l’excision de mutilation doivent aussi comprendre que l’excision est dite mutilation, si elle est mal faite. Et, si tel est le cas, ce n’est pas bon pour la femme », a dit Oustaz Mohammad Chérif Diallo.

Oustaz Alassane Sow, imam de Koloma

Pour sa part, Oustaz Alassane Sow, l’un des imams de la mosquée de Koloma, qui a reçu un reporter de Guineematin.com a expliqué que la pratique de l’excision est une recommandation non négociable du prophète Mohammad (PSL). « Le prophète Mohammad a recommandé à tous les religieux de faire cette pratique. Et pour ce, c’est l’épouse d’Abraham qui fut la première à subir la pratique. Donc, là où elle, elle n’a pas échappé à cette épreuve, c’est une autre qui va y échapper ? », interroge le religieux.

Enfin, Oustaz Sow pense d’ailleurs que ceux qui sont contre cette pratique ont des intérêts avec ceux qui les manipulent, en sachant eux-mêmes que cette pratique ne doit pas être abandonnée. « C’est ceux qui ne sont pas religieux qui entraînent les religieux à renoncer à cette pratique en leur donnant surtout de l’argent avec de faux arguments ».

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Facebook Comments Box