Démocratie et respect des droits de l’Homme : le dernier message de Séraphine Wakana à Conakry

Après quatre ans et deux mois de service en Guinée, la coordinatrice résidente du Système des Nations Unies en Guinée, Séraphine Wakana, quitte Conakry pour la Gambie où elle occupera les mêmes fonctions. Mais avant de partir, elle a organisé « un dîner de l’amitié » dans la soirée du vendredi, 21 septembre 2018 dans un réceptif hôtelier de Conakry pour faire ses adieux à la Guinée.

La cérémonie a connu la présence du président de l’Assemblée nationale, Claude Kory Kondiano, de membres du gouvernement et de responsables d’autres institutions républicaines, le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, des responsables des agences du Système des Nations Unies en Guinée, des représentants de la société civile et des associations de presse du pays ainsi que plusieurs autres partenaires au développement.

Devant cette assemblée, Séraphine Wakana a tenu son discours d’adieux dans lequel la responsable onusienne s’est félicitée des actions menées par le Système des Nations Unies en faveur de la Guinée et remercié tous ceux qui ont contribué à la réussite de ces activités. Elle a exhorté aussi la Guinée à une gouvernance démocratique et au respect des droits de l’Homme pour faire du pays une véritable locomotive du développement de l’Afrique.

Guineematin.com vous propose ci-dessous l’intégralité de son discours.

MME SERAPHINE WAKANA,

COORDONNATRICE RESIDENTE DU SYSTEME DES NATIONS UNIES

MESSAGE LU À L’OCCASION DU DINER DE FIN DE MISSION

CONAKRY, le 21 Septembre 2018

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Chers Partenaires et Invités,

Chers amis

Le moment est venu pour moi de vous dire « au revoir », après quatre années et 2 mois de services en République de Guinée, d’août 2014 à septembre 2018.

Il y a quelques jours, à l’occasion de la dernière rencontre que j’ai tenue avec le personnel des Nations Unies, un de mes collègues disait, pour ironiser, que « … Je tiens tellement à la Guinée, que mes pensées ont influencé le choix de ma nomination, au point que sur 129 pays où sont présents les Coordonnateurs Résidents des Nations Unies dans le monde, on ne pouvait pas m’envoyer plus loin que la Gambie … ».

Pour ma part, comme le dit d’ailleurs un dicton célèbre « Quand on aime, il faut savoir partir ». C’est pourquoi, je n’aurais pu partir, sans vous rencontrer au préalable, pour vous dire, à tous et à toutes « Merci, Thank you, Anniké, wonouwali, Ondjarama, balika ! ».

C’est à cette fin que j’ai souhaité tenir cette rencontre, autour d’un dîner symbolique de l’amitié.

J’ai beaucoup appris de vous, et avec vous, nous avons réalisé beaucoup de choses, chacun dans son domaine de collaboration avec le SNU :

Mon arrivée en Guinée en aout 2014 – mon baptême de feu au sein du Système des Nations Unies – vu que c’était mon premier poste au sein de l’Organisation, a coïncidé avec un contexte national complexe, mais qui m’a vite permis de rentrer dans la moule des missionnaires de cette Organisation investies sans relâche, à travers le monde, dans le combat de l’édification d’un monde meilleur, en faveur notamment des populations les plus vulnérables :

En 2014, deux évènements majeurs ont marqué la Guinée et ont exigé une revue, dans l’urgence, des interventions du SNU.

Le premier concerne la réponse à l’épidémie de la maladie à virus Ebola et le second est la quête d’un consensus politique pour les échéances électorales.

Pour faire face à la crise Ebola, un Comité Interministériel et une Cellule de Coordination Nationale pour la Riposte à l’Epidémie Ebola avaient été mis en place sous la supervision du Président de la République. En appui à cette réponse institutionnelle et consécutivement à l’adoption de la résolution 21777 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Mission des Nations Unies pour la Lutte Contre Ebola (UNMEER) a été déployée, avec comme objectif principal la coordination de la réponse globale à l’EVE pour l’arrêt de la propagation de la maladie, le renforcement de la résilience dans une perspective régionale.

Cette même année marque, au sein du SNU, la mise en œuvre des quatre programmes conjointes phares, à savoir le Programme conjoint des Nations Unies pour la région administrative de Kankan (PCK), le Programme conjoint de Lutte contre les violences basées sur le genre, le Programme conjoint d’appui des Nations Unies à la réponse à la lutte contre le VIH-Sida et le plan prioritaire pour la consolidation de la Paix en Guinée. Ces programmes ont façonné le mode d’intervention des Nations Unies en Guinée, pour donner plus d’impacts aux interventions sur le terrain.

L’année qui a suivi, en 2015, la Guinée a adopté la feuille de route de l’approche « Unis dans l’action » ou « Deliverying as One » et nous avons accompagné le pays dans son positionnement autour de l’agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD), à travers un processus de concertation participatif et inclusif.

Nous avons également soutenu l’intégration du genre et de l’approche basée sur les Droits de l’homme dans le processus national de Développement. Des efforts majeurs ont été fournis, en termes d’appui à la mobilisation de ressources conjointes, pour l’accompagnement du processus électoral, la riposte à la MVE, l’appui à la prévention et la consolidation de la Paix, la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose pour ne citer que quelques-uns.

L’année 2016 a quant à elle été une année intense, notamment en matière de renforcement du système national de planification, à travers l’appui technique et stratégique qui a soutenu le pays à disposer des compétences et d’expertises additionnelles pour mener les processus

– de formulation du Plan National de Développement Economique et Social (PNDED 2016-2010), sous le leadership de ma chère sœur, Mme Mama Kanny DIALLO, Ministre du Plan et du Développement Economique, avec le concours de toute l’équipe gouvernementale et des partenaires ;

– d’élaboration du Programme accéléré de Sécurité alimentaire et nutritionnelle et de développement Agricole Durable ;

– de l’appui au système national statistique à travers l’analyse thématique des données du 3ème recensement général de la population ;

– de la prise en compte des défis liés aux migrations avec l’intégration de l’OIM au SNU et le lancement du processus de formulation d’une politique nationale pour la migration en Guinée ;

– de l’accompagnement du Ministère de la Santé dans le renforcement du système de santé ; etc.

En 2017, d’une part la Guinée a été marquée par les tensions socio-politiques, liées aux élections locales, les grèves du secteur bancaire et celle du secteur de l’éducation. En même temps, elle se distinguait grâce au succès retentissant de la réunion du Groupe Consultatif à Paris, avec des promesses de financement exceptionnel. Cette succession d’événements irréguliers, tantôt optimistes, tantôt pessimistes, m’ont amené à comprendre l’expression qu’on entend souvent, sans bien comprendre en tant que résident : « La Guinée est un pays de paradoxe ». Pour moi, ceci confirme aussi que la Guinée est tout simplement un pays aux immenses potentialités qui n’attendent que d’être exploitées à bon escient.

Toutes ces réalisations ont été obtenues grâce aux conditions de bonne collaboration entre le SNU et le Gouvernement. Je voudrais ici saisir l’opportunité qui m’est offerte ce soir pour dire merci au Chef de l’Etat le Professeur Alpha Condé ainsi que les membres des différents cabinets ministériels qui se sont succédé (au moins quatre depuis que je suis là). Et particulièrement ceux qui ont bien accepté d’effectuer ce déplacement pour venir me dire au revoir. Par ailleurs, grâce aux partenariats fructueux noués entre le SNU et la communauté des PTFs de la Guinée, les synergies avec la société civile guinéenne et les innovations en termes de partenariats notamment avec le secteur privé nous ont permis entre 2013 et 2017, d’intervenir, à travers le plan cadre d’assistance des Nations Unies, autour de trois axes stratégiques à savoir (1) la Promotion de la Bonne Gouvernance, (2) l’accélération de la Croissance et Promotion d’Opportunités d’Emplois et de Revenus pour Tous et (3) la réduction de la Vulnérabilité et Amélioration des Conditions de Vie, pour un montant global de 219,449,000 USD.

En décembre 2017, dans le cadre l’approche DaO (Unis dans l’action) et pour la mise en œuvre du PNUAD 2018-2022, les agences du SNU et le gouvernement ont convenu, que seul le Plan biennal conjoint Inter-agences serait signé et servirait de feuille de route pour les interventions des Nations Unies en Guinée. Ce plan (2018-2019) en cours d’exécution a été doté d’un montant de 172 248 353 USD. Il s’inscrit dans le cadre du PNUAD 2018-2022, pour lequel nous avons un engagement financier de 499 691 072 USD.

Les interventions, quant à elles, portent sur quatre effets identifiés et qui sont alignés au PNDES à savoir : (1) la promotion de la bonne gouvernance, (2) l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et la gestion durable de l’environnement, (3) les services sociaux de base et (4) l’autonomisation économique des jeunes, des femmes, des personnes vivant avec handicap et des migrants retournés.

Ces acquis et ambitions programmatiques sont rendus possibles grâce à vous tous : le Gouvernement, les institutions républicaines, le parlement, la CENI, les partis politiques, la communauté des partenaires au développement, les partenaires techniques et financiers que j’ai eu le privilège de coordonner, le secteur privé, la société civile et les médias, sans compter les autorités des collectivités décentralisées que j’ai eu à côtoyer pendant mes missions sur le terrain , tous les hommes et femmes de ce beau pays avec lesquels nous avons collaboré, de près ou de loin. C’est grâce à toutes vos contributions auprès du Système des Nations Unies que nous participons à l’édification d’un monde sûr, en paix et développé.

Je vous exhorte à maintenir le cap et à renforcer les partenariats !

Mesdames et Messieurs,

Comme je l’ai laissé entendre déjà, le Secrétaire Général de l’ONU, M. Antonio Guterres, vient de me renouveler sa confiance, en me nommant dans les mêmes fonctions de Coordonnatrice Résidente des Activités Opérationnelles du Système des Nations Unies et Agent Habilité de la Sécurité, en République sœur de Gambie.

Quitter un pays signifie quitter des collègues, des amis, un staff engagé et professionnel ; cela signifie aussi pour moi, que nous devons garder l’essentiel à l’esprit : Préserver les relations et poursuivre notre combat commun, celui d’appuyer les décideurs à tous les niveaux, et surtout les populations, à sortir de la pauvreté et arpenter la longue voie du développement durable.

Après mon expérience passée en Guinée, j’en conclus que la Guinée est un pays immensément complexe mais tellement passionnant. Tout y est possible !

Aussi, comme on le dit, « le sourire est la politesse du cœur et ceci, est un autre souvenir que je garderai de la Guinée : votre sourire franc ou, avec beaucoup parmi vous ici, nos grands éclats de rire à faire trembler les murs ! N’est-ce pas on dit que « Si quelquefois vous rencontrez une personne qui ne vous donne pas le sourire que vous méritez, soyez généreux, donnez-lui le vôtre ! ». Ce proverbe, au-delà de son fort sens, est en effet une réalité pour les guinéens et pour nous qui y vivons.

Avant de terminer, je voudrais partager avec vous les messages qui suivent :

1- Le développement humain durable et la paix sont des paradigmes indissociables et j’exhorte tous les acteurs à œuvrer en prenant cela en compte ;

2- La Guinée, avec tous ses atouts, a le grand potentiel pour devenir une véritable locomotive du développement de l’Afrique de l’Ouest ; ceci passe absolument par une gouvernance démocratique effective et le respect des Droits de l’Homme ;

3- Le Système des Nations Unies, à travers sa réforme en cours, continuera à être votre partenaire fiable et à œuvrer pour la transparence de sa gestion, renforcer ses innovations et orienter ses actions pour des résultats tangibles.

En attendant la désignation de mon remplissant, je saisis cette occasion pour vous informer que mon intérim sera assuré par le Représentant Résident de l’UNCEF, Marc Rubin. Je vous remercie d’avance pour le soutien que vous lui apporterai dans la conduite de sa mission.

CHERS AMIS,

« La vie est faite de recommencement, de renouvellement, d’arrivées et de départs. Tout évolue, change, se transforme, meurt et renaît… L’essentiel est d’avancer sur son chemin riche des rencontres et expériences vécues. »

Je vous remercie donc infiniment pour ces rencontres et expériences vécues ensemble. Merci pour votre disponibilité, votre appui et votre engagement. Je voudrais partager le podium avec un de mes collègues, que vous avez connu et pratiqué, aussi sur le départ ! Louis Marie Bouka, Représentant Résident du Haut-Commissariat au Droit de l’Homme.

Il me reste plus qu’à vous dire, A bientôt !

Je ne vous oublierai pas !

Facebook Comments Box