Hôpital Ignace Deen de Conakry : « nous n’avons pas les moyens pour travailler comme il faut »

Dr Camara Lansana Mady, nouveau Directeur Général par intérim de l'hôpital Ignace Deen

L’hôpital Ignace Deen de Conakry a un nouveau responsable à sa tête. Il s’agit du Pr Lansana Mady Camara, nommé directeur général par intérim de ce centre hospitalier, en remplacement de Dr Mohamed Awada, admis à faire valoir son droit à la retraite. Quelques jours après sa prise de fonction, ce Professeur agrégé en pneumo-phtisiologie a accordé un entretien à Guineematin.com pour parler de la mission qui lui est confiée par les autorités guinéennes. Même s’il regrette de constater que l’hôpital n’a pas les moyens nécessaires pour travailler comme il le faut, le nouveau directeur promet de travailler à mériter la confiance placée en lui.

Décryptage !

Guineematin.com : vous venez d’être installé à la tête de l’hôpital Ignace Deen de Conakry, après un arrêté du ministre de la Santé et de l’hygiène publique vous nommant directeur général par intérim de cet établissement hospitalier. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Pr Lansana Mady Camara : c’est un grand honneur pour moi, une marque de reconnaissance des efforts effectués et une marque de confiance. Donc, je mesure l’ampleur de la confiance et je ferai tout pour en être à la hauteur.

Guineematin.com : vous le savez sans doute que les défis qui vous attendent sont énormes. Que comptez-vous faire pour les relever ?

Pr Lansana Mady Camara : les défis sont vraiment énormes. Il y a beaucoup d’irrégularités, beaucoup de problèmes, mais l’axe central de notre intervention sera d’apporter au maximum un soulagement aux malades. Et aussi essayer de revoir l’organisation du personnel pour qu’il y ait le maximum d’efficacité dans le travail.

Guineematin.com : il y a parfois des patients qui viennent dans un état grave, mais qui ne bénéficient pas d’une prise en charge, faute d’argent. Alors que la logique voudrait que les médecins sauvent d’abord le patient avant de parler des frais des soins. Peut-on s’attendre à un changement de cette regrettable façon de faire ?

Pr Lansana Mady Camara : comme je viens d’être installé, je n’ai même pas fait d’abord une semaine, je suis en train de faire le tour pour prendre les différents avis, faire la connaissance du personnel, voir les conditions de travail, avant de prendre toute décision. Mais ce qui reste clair, ce que vous dites est une réalité, et c’est très dommage qu’on mette l’argent au-devant des choses. Ça, ce n’est pas la politique du ministère. Notre devoir, c’est d’abord de soigner. Donc, nous allons essayer de faire en sorte que le malade soit respecté et qu’il soit satisfait.

Guineematin.com : après le premier constat que vous avez fait sur le terrain, pensez-vous que l’hôpital dispose des moyens nécessaires pour répondre aux attentes des patients ?

Pr Lansana Mady Camara : actuellement non. L’hôpital ne dispose pas de moyens pour vraiment travailler comme il le faut. Mais avec le changement, je pense que l’atmosphère est favorable pour qu’on essaie vraiment de nous mettre sur la ligne aussi pour être comme les autres. Moyen moral, ça n’existe pas. S’il y a la morale, c’est la souffrance du malade qui est notre premier souci. Ce n’est pas l’argent. Moyen matériel, je viens de faire le tour de quelques services, qui sont vraiment dans un état de délabrement total. Même les services qui doivent rapporter de l’argent sont en état de létalité.

C’est pourquoi, on peut dire que pratiquement, tout est à refaire. Est-ce qu’on peut parler d’urgence sans parler d’électrocardiogramme ? C’est impossible. C’est la cause la plus fréquente de la mort. On meurt par arrêt cardiaque. Surtout ici, en voyant les rapports, c’est les AVC, l’hypertension, les problèmes cardiovasculaires qui sont les plus récurrents. C’est vrai qu’on a un service de cardio, mais pour ceux qui accueillent les premiers les malades, il faut qu’il y ait des dispositions au moins pour dire pourquoi on appelle le cardiologue. Donc, il n’y en a pas.

La radio est en panne. Au service de maintenance, tout est délabré. Ils n’ont pas les moyens techniques de faire face aux besoins du personnel. Beaucoup d’appareils sont gâtés à la réanimation. Donc, il y a très peu de moyens matériels. Mais j’ai vu dans les services visités que les gens se battent pour maintenir le minimum. Pour essayer d’abord d’améliorer l’accueil, essayer aussi d’assurer la prise en charge avec les moyens de bord. Ils m’ont présenté 7 ambulances dont 3 en panne. J’ai fait le tour tout à l’heure. A ce niveau aussi, il faut que ça soit réorganisé pour que ça serve à ce pourquoi elles sont là.

Guineematin.com : avez-vous un appel à l’endroit du gouvernement et des partenaires au développement évoluant dans le domaine de la santé pour vous permettre de réussir votre mission ?

Pr Lansana Mady Camara : mon souhait le plus ardent, c’est leur appui. Appui matériel, appui organisationnel, administratif, appui technique. A ce stade-là, c’est vrai qu’on est en train d’identifier les différentes difficultés. Les jours qui vont suivre, ça sera la même chose. Mais vraiment, il faut que toutes les institutions ainsi que l’autorité suprême viennent au secours d’Ignace Deen, le plus ancien et l’un des plus grands hôpitaux du pays pour que nous puissions assurer notre mission dans les conditions idéales.

Entretien réalisé par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

Tel : +224 622 07 93 59

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