Autonomisation des femmes : ce que propose Madina Daff, présidente du Forum des Femmes de Guinée pour la Paix

Madame Diaby Madina Daff, présidente du Forum des Femmes de Guinée pour la Paix

L’humanité a célébré récemment la journée internationale des Droits des femmes. L’occasion est mise à profit pour jeter un regard sur les actions réalisées et sur ce qui doit être fait en faveur de la gent féminine. Pour madame Diaby Madina Daff, présidente du Forum des Femmes de Guinée pour la Paix (FFGP), la formation et l’accompagnement des femmes doivent figurer dans les priorités des autorités en vue d’inverser la tendance. Elle l’a dit dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com dimanche dernier, 13 mars 2022.

Au lieu de mettre de l’argent à la disposition des femmes, comme l’a promis le président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya le 8 mars dernier, Madina Daff préconise d’autres stratégies qui seront plus bénéfiques à l’avenir pour les femmes.

Décryptage !

Guineematin.com : le mois de mars est un mois spécialement consacré aux femmes. En Guinée, à l’occasion de cette journée internationale des Droits des femmes de célébration, plusieurs doléances ont été formulées par les femmes à l’endroit des autorités en place. En réponse, le Colonel Mamadi Doumbouya a promis de mettre plusieurs centaines de millions de francs guinéens à la disposition des femmes. Est-ce que à votre avis c’est la solution pour atténuer les charges de la femme guinéenne ?

Madina Daff, présidente du forum des femmes de Guinée pour la paix

Madame Diaby Madina Daff : Nous remercions le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, pour son intention. Mais, je vous rappelle que son prédécesseur aussi avait fait la même chose. Il avait placé son mandat sous l’égide de la femme. Mais nous savons que mettre de l’argent à la disposition de la femme n’est pas la solution. Quand je vois les femmes habillées en uniformes pour célébrer la journée internationale des femmes, je dis que nous avons encore du chemin à faire. On a fait du chemin, mais on a encore du chemin à faire. Parce que nous avons encore des femmes qui sont dans les confins de la Guinée, qui marchent des kilomètres pour aller accoucher. Ça, ce n’est pas normal. Pourtant, c’est un droit pour la femme de sortir de chez elle, à moins de 5 minutes, d’aller donner la vie dans un hôpital ou un centre de santé. Moi, j’aurai souhaité que ce qu’on met comme argent pour acheter des uniformes et autres, que le 8 mars de chaque année soit une occasion pour l’Etat, pour le ministère de l’action sociale et de la promotion féminine d’inaugurer des centres de santé dans les confins de la Guinée pour soulager la femme qui donne la vie. Il faut mettre des centres de santé dans les milieux reculés pour permettre à la femme de s’épanouir. Il faut également mettre des garderies d’enfants dans les confins de la Guinée pour permettre à cette femme rurale d’avoir le temps d’aller dans son champ. Ce sont des mesures d’accompagnement qu’on doit mettre en place pour permettre à celle qui fait son champ de gombo dans les villages les plus reculés, que l’intermédiaire ne puisse pas gagner plus que celle qui produit. Voilà autant des questions essentielles qui méritent d’être analysées par l’appareil d’Etat au lieu de remettre de l’argent aux femmes.

Guineematin.com :  vous estimez que lorsque le président de la Transition met de l’argent à votre disposition, ça ne servira pas à grand-chose ?

Madame Diaby Madina Daff : quand vous mettez l’argent à la disposition de la femme, ça va dans la marmite. Et on va dire qu’il y a faillite, mais il n’y a pas faillite. Elle a une charge, elle doit nourrir sa petite famille. Donc, au lieu de mettre l’argent à sa disposition, il faut coacher cette femme. C’est vrai que la femme de Conakry est à coacher, mais la femme rurale est encore plus à coacher car c’est elle qui nourrit la population. Cette femme doit être accompagnée du début à la fin. De la préparation de son terrain, de la production jusqu’à la vente afin qu’elle puisse bénéficier l’intérêt de sa sueur… Je viens de Balaki, la frontière commune entre Guinée- Mali et Guinée-Sénégal, qui est pratiquement à 2000 kilomètres de Conakry. J’ai vu les traces de l’Etat dans Balaki. J’ai été très contente. Mais pourquoi ne pas aller vers ces femmes pour leur expliquer, les former, les aider à créer des activités génératrices de revenus ? Pourquoi importer du savon ? Pourquoi ne pas former les femmes à ça ? Pourquoi les femmes qui font les pâtes d’arachide ne sont pas aidées pour qu’elles modernisent cette pâte et que cela soit vendu aux États-Unis, en Angleterre et un peu partout dans le monde ? Donc, voilà tant de questions qui prouvent que la femme a besoin de la formation et de l’accompagnement.

Guineematin.com : les femmes continuent de dénoncer la flambée des prix des denrées de consommation courante.  Elles ont même réitéré cet état de fait lors de la fête des femmes du 8 mars dernier. Selon vous, que faut-il faire pour qu’on inverse la tendance ?

Madame Diaby Madina Daff : vous avez vu l’état de nos routes ? Le prix du transport d’un colis venant de l’Europe pour le port est moins cher qu’un colis de nourriture venant de l’intérieur du pays pour Conakry. Et quand tu paies le transport, il faut que tu gagnes un peu. Ça c’est l’un des facteurs à ne pas négliger dans cette histoire de flambée de prix. Pour pallier ça, il faut bitumer nos routes et désenclaver les artères dans les villages les plus reculés qui sont nos greniers.

Entretien réalisé par Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

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