Importation des céréales en Guinée : Al-Salam, un outil d’atténuation des conséquences de la guerre Russo-Ukrainienne

Adama BERETE, Spécialiste en Finance Islamique et management stratégique des entreprises et des organisations

LA FINANCE ISLAMIQUE AU SERVICE DE LA CEREALICULTURE

Par Adama BERETE, Spécialiste en Finance Islamique et management stratégique des entreprises et des organisations : « La Russie et l’Ukraine figurent par ailleurs parmi les principaux fournisseurs de céréales (blé, orge mais aussi oléagineux pour bétail) sur le continent» (https://www.jeuneafrique.com/1319341/politique/ukraine-russie-diplomatie-petrole-diaspora-quelles-consequences-pour-lafrique/ 22 mars 2022 ; 9 heures 02).

L’Afrique importe près des deux tiers du blé qu’il consomme, le coup pourrait être brutal. D’une part parce que 8,3% du blé vient d’Ukraine et 22% de Russie avec laquelle les échanges pourraient se compliquer dans un contexte de sanctions lourdes (https://www.jeuneafrique.com/1319180/economie/ukraine-russie-quels-sont-les-pays-africains-les-plus-exposes-a-la-flambee-des-cours-du-ble/  22 mars 2022 ; 9h13)

La Guinée faisait partir des 45 pays du monde qui ont besoin d’une aide alimentaire (https://www.sillonbelge.be/7210/article/2021-03-10/des-besoins-eleves-dimportation-de-cereales-dans-les-pays-faible-revenu; 22mars 10h14).

Les besoins en importations céréalières de la Guinée en 2016 étaient estimés à environ 613 000 tonnes (http://www.commodafrica.com/15-02-2016-moindres-importations-de-cereales-en-guinee-en-2016; 22 mars 2022 ; 9h51).

Alors que la Guinée a une surface cultivable d’environ 6,2 millions d’hectares(https://www.invest.gov.gn/page/agriculture?onglet=presentation, 22 mars 2022 ; 10h16). Cette surface cultivable est sous-exploitée.

Par ailleurs, l’actuelle guerre Russo-Ukrainienne et les lourdes sanctions amoindriront les sources d’approvisionnement de la Guinée en céréales et feront grimper son prix. Ce qui va impacter négativement le panier de la ménagère et créer des remous sociaux.

Pour atténuer les conséquences de cette guerre sur la Guinée, il est temps pour l’Etat d’inciter la population à s’intéresser à la culture céréalière. Pour cette incitation, l’Etat peut utiliser le produit financier islamique « Al-Salam ».

Alors qu’est-ce qu’al-Salam ? Comment fonctionne-t-il ? et comment les Autorités guinéennes peuvent-elles l’utiliser ?

Qu’est-ce qu’al- salam ?

Al- salam est un contrat de vente à terme d’un produit avec paiement immédiat du prix. Le prix est avancé et le produit est livré ultérieurement, à une date fixée d’avance (Ministère tunisien des finances, note commune n°28/2016). Autrement dit, c’est un contrat de vente à crédit mais à l’envers, le prix étant payé au comptant alors que la marchandise vendue n’est délivrée que plus tard (BID, actes de séminaire No. 37, p.23)

Comment fonctionne-t-il ?

A travers le contrat écrit entre l’agriculteur et le financier :

• l’agriculteur (vendeur à terme) et le financier (l’acheteur au comptant) décrivent les caractéristiques et la quantité des produits agricoles, fixent le prix unitaire, la date et le lieu delivraison de la marchandise ;
• l’acheteur paie la valeur (en numéraire et/ou en nature) de la quantité convenue à la signature du contrat.
• le vendeur livre la marchandise conformément aux clauses du contrat.

Comment les Autorités guinéennes peuvent-elles encourager les hommes d’affaires à l’utiliser ?

Afin d’attirer les investisseurs vers « Al-Salam », l’Etat peut, à travers ses services compétents, adopter au moins les mesures suivantes :

• exiger des agriculteurs désireux un rapport technique établi par un agronome assermenté portant la qualité de la terre à préfinancer, son potentiel rendement ainsi que ses besoins en intrants agricoles avant l’établissement de tout contrat d’Al-salam ;
• exiger aussi des agriculteurs un document authentifié attestant leur droit d’exploitation sur la terre à exploiter avant la signature du contrat d’Al-salam ;
• exiger des agriculteurs demandeurs d’un préfinancement d’avoir au moins un agronome conseil ;
• faire une faveur fiscale aux investisseurs leur permettant d’amortir leurs engins de transformation locale au bout de deux-tiers (2/3) de leurs vies économiques, ce en plus des exonérations douanières et fiscales accordées, (Cf. https://apip.gov.gn/code-des-investissement );
• encourager la population à acheter les céréales manufacturés localement sous réserve que ces produits soient de bonnes qualités ;
• s’associer aux groupements des jeunes agriculteurs sous forme d’Al-musharaka dégressive, comme nous l’avons évoquée dans notre précédent article (Cf. https://guineematin.com/2020/09/05/la-finance-islamique-une-alternative-pour-la-creation-de-lemploi-et-de-la-promotion-du-partenariat/). Dans ce cas, l’Etat devient actionnaire de référence, ce qui pourrait rassurer les investisseurs à les préfinancer ;
• encourager les établissements mixtes à donner la priorité aux produits agricoles locaux dans leurs achats.

Dès lors que les agriculteurs sont préfinancés en numéraire et/ou en nature sans le moindre coût financier, les usines de transformation des produits agricoles sont suffisamment implantées, le secteur céréalier fera l’objet de convoitise, plusieurs emplois seront créés, le besoin en devise pour l’importation baissera, ce qui va renforcer le pouvoir d’achat de notre monnaie, améliorer le panier de la ménagère guinéenne et réduire le taux des malades liée à la malnutritionet de facto le coût sanitaire.

Mais est-ce que les Autorités guinéennes attireront- elles les investisseurs vers « Al-Salam » afin d’atténuer les conséquences de la guerre Russo-Ukrainienne ?

Ecrit par Adama BERETE,

Spécialiste en Finance Islamique et management stratégique des entreprises et des organisations

Tél. : (+224) 622 99 49 12/662 62 21 01

E-mail : berete.consultantorganisations@gmail.com

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