Faire « le sale boulot » : « le colonel Mamadi Doumbouya s’est trompé », estime Abdourahmane Baldé

Colonel Mamadi Doumbouya, président de la Transition

Abdourahmane Baldé, président du parlement des jeunes leaders de Guinée, est désormais le président de la commission communication du parti Nouvelles forces démocratiques (NFD). Dans un entretien avec un journaliste de Guineematin.com, ce lundi 18 avril 2022, il a réagi au choix porté sur sa personne pour occuper cette fonction au sein de la formation politique dirigée par l’ancien ministre de la jeunesse et de l’emploi des jeunes, Dr Mouctar Diallo.

Le jeune acteur politique a évoqué aussi plusieurs sujets d’actualité, dont le cadre de concertation inclusif qui s’est ouvert il y a quelques jours à Conakry, la décision du FNDC de transmettre au procureur général de Conakry, une liste de personnalités à poursuivre pour les crimes de sang commis sous le règne du président Alpha Condé, ou encore le discours du président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, qui a promis de faire « le sale boulot ».

Décryptage !

Guineematin.com : vous venez d’être désigné président de la commission communication du parti Nouvelles forces démocratiques (NFD). Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Abdourahmane Baldé

Abdourahmane Baldé : je pense que c’est une marque de confiance de porter ce choix sur ma modeste personne par l’ensemble des hommes et des femmes militants des NFD, qui ont bien voulu me désigner à la tête de la commission communication des NFD. J’espère mériter cette confiance à travers les actes que nous allons poser ensemble. C’est un appel du peuple puisque vous savez que les Nouvelles forces démocratiques sont un patrimoine national aujourd’hui. C’est un parti qui a participé à des élections présidentielles, qui a eu des représentants à l’Assemblée nationale, qui a eu l’audace de faire la promotion des cadres du parti et qui, a un moment donné, s’est activement impliqué pour aider à l’émergence d’une citoyenneté active et l’émergence des jeunes au sein des partis politiques.

Guineematin.com : que comptez-vous faire justement pour mériter cette confiance des responsables et des militants des NFD ?

Abdourahmane Baldé : d’abord, la communication est très difficile, mais avec le concours de tous, vous la presse, les autres conseillers des organisations internationales qui nous ont toujours soutenus, et l’ensemble des responsables du parti, ensemble, nous irons à une convergence de forces pour qu’il n’y ait pas de faux pas, qu’il n’y ait pas trop d’erreurs. Communiquer, c’est encore écouter, nous allons donc beaucoup écouter, nous allons représenter les avis des uns et des autres en bas. C’est ce que nous allons faire de façon fidèle et puis, nous allons représenter le parti de façon sincère. C’est ce que nous allons faire pendant tout le temps qu’ils vont nous faire confiance.

Guineematin.com : parlant de l’actualité nationale, contrairement à beaucoup d’autres partis politiques, les NFD ont décidé de prendre part au cadre de concertation inclusif qui a été ouvert samedi dernier à Conakry. Qu’est-ce qui motive votre décision ?

Abdourahmane Baldé : je pense que c’est un devoir pour tout guinéen et toute guinéenne de contribuer à la réussite de la transition. Nous ne le souhaitons pas du tout, si cette transition échoue, ce sera une perte de temps pour notre peuple. Et c’est pourquoi les responsables des Nouvelles forces démocratiques ont décidé à l’unanimité de participer à poser des actes positifs, en participant d’abord aux assises nationales. C’est ce que nous faisons déjà à travers les représentants à l’extérieur. Et en Guinée, les responsables du parti participent pour que les Guinéens puissent accepter de se parler.

Nous avons décidé de ne pas bouder le cadre de concertation inclusif, comme vous le savez, c’est là où nous partageons les idées, où nous partageons les cœurs serrés, nous exprimons la rage. Nous pensons que, de toutes les façons, tout le monde va finir par se retrouver autour de la table. Donc, pourquoi ne pas saisir l’opportunité qui est celle de se parler entre fils et filles de ce pays, aller autour de la table non pas pour dire ce que fera l’autorité, mais pour dire ce que nous pensons être dans l’intérêt supérieur de ce pays ? Donc, comme je l’ai dit, les NFD ont décidé de participer et d’accompagner la transition autant que possible.

Guineematin.com : les partis politiques et les acteurs de la société civile qui ont boycotté ces travaux, estiment que ce cadre ne répond à leurs attentes. Ils disent vouloir d’un cadre plus structuré qui permettra de discuter des questions importantes liées à la transition. Qu’en dites-vous ?

Abdourahmane Baldé : c’est au CNRD de faire le premier pas. Le premier ministre, quant à lui, a la responsabilité du dialogue social. Il doit tendre la main aux autres, puisque chaque Guinéen compte. Il est extrêmement risqué de vouloir la prospérité et le progrès de la Guinée sans tendre la main aux autres. Nous constatons quand même un certain nombre d’actes en leur faveur. Nous avons vu certains actes qui sont posés depuis leur arrivée. Je pense qu’ils vont continuer à encourager le dialogue, à cultiver un climat de confiance entre les Guinéens pour que les uns et les autres puissent être rassurés à l’effet d’aller autour de la table. Ça, c’est du côté du CNRD et du gouvernement.

Maintenant, du côté des partis politiques, je pense qu’ils ont leurs raisons, mais pourquoi ne pas accepter d’aller autour de la table pour y modifier les sujets à l’ordre du jour ? Mais la démocratie est une discussion, la démocratie est un débat d’idées, la démocratie est une contradiction entre les citoyens d’un même pays, la démocratie est un échange. On n’est pas obligés d’être sur la même position, mais lorsque nous nous apercevons de la nécessité d’aller autour d’une même table, de nous retrouver et de nous parler, je pense qu’il faut saisir cette opportunité.

Il y a eu beaucoup de pertes en vies humaines, surtout dans les rangs de la jeunesse, il y a eu énormément de sacrifices qui sont consentis. Je pense qu’il faut faire très attention aux jeunes de ce pays. Nous encourageons les manifestations pacifiques puisqu’elles sont reconnues par la constitution, mais tant qu’on peut éviter les manifestations, tant que nous pouvons nous retrouver autour de la table pour discuter et s’accepter, je pense que c’est la voie du salut pour notre nation.

Guineematin.com : dans un tout autre registre, le FNDC a transmis récemment au procureur général près la Cour d’appel de Conakry, une liste de personnalités avec des preuves contre elles, à poursuivre pour les crimes de sang commis sous Alpha Condé. Que pensez-vous de cette démarche ?

Abdourahmane Baldé : en tant que responsables du parlement des jeunes de Guinée, quand le FNDC a déposé cette liste au niveau de la CPI, nous avons considéré que c’était une erreur. Il est tout à fait normal de réclamer justice, qui est un droit pour chacun de nous. Mais aller jusqu’à déposer une liste à la CPI, nous, nous avons estimé que c’était abusé, puisque la CPI n’a jamais été une solution pour l’Afrique. Vous avez vu ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine, vous avez vu ce qui s’est passé en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen même en Libye et en Côte d’Ivoire, où il y a eu beaucoup de morts, mais toute cette perte de temps de la CPI a débouché sur la libération de toutes les parties.

Nous pensons que le FNDC a posé des actes allant dans le sens de la restauration de la démocratie dans notre pays à un moment donné. Mais nous estimons que le dépôt de cette liste est un abus, surtout si on accuse des ministres d’avoir ôté la vie à des Guinéens, parce qu’il s’agit de crimes de sang. Nous pensons que ce petit groupe de jeunes du FNDC doit continuer son combat, mais faire très attention à ne pas vouloir déstabiliser tout ce qui bouge devant eux. Parce que, s’ils ne font pas attention, ce sont eux-mêmes qui demanderont le retour des pratiques que nous avons tous déplorées au temps de Sékou Touré.

Si à chaque fois les acteurs ne sont pas d’accord, à chaque on ne veut pas aller au dialogue, à chaque fois il faut organiser des manifestations, à chaque fois il faut demander d’arrêter ceux qui ont gouverné le pays, à ce moment-là, on est en train inconsciemment de demander le retour du camp Boiro. Aux NFD, nous sommes farouchement indignés, nous nous sommes sentis extrêmement vexés que notre leader se retrouve sur cette liste pendant que tout le monde sait que Dr Mouctar Diallo est l’une des victimes.

Vous avez vu notre siège a été attaqué à Hamdalaye, les militants ont voulu réagir, mais il les a invités au calme. Il a demandé aux uns et aux autres de ne pas répondre à la haine par la haine. Dr Mouctar Diallo, à un moment donné, a réclamé justice en Conseil des ministres même pour les victimes qui sont tombées et qui sont couchées aux cimetières de Conakry et à l’intérieur du pays. Retrouver le nom d’un ministre comme ça sur une liste de criminels de sang et que le FNDC dise qu’il a des preuves contre ces gens-là, je pense que c’est encore un abus. Et c’est pourquoi Dr Mouctar Diallo a décidé de déposer une plainte.

Guineematin.com : lors du lancement du cadre de concertation inclusif, le colonel Mamadi Doumbouya a tenu encore une fois un discours teinté de fermeté. Il a déclaré que son équipe va faire « le sale boulot » et que personne ne pourra le détourner de sa mission. Quelle analyse faites-vous de cette déclaration qui a suscité beaucoup de commentaires au sein de l’opinion ?

Abdourahmane Baldé : Colonel Mamadi Doumbouya, je le connais, c’est quelqu’un avec qui j’ai eu une rencontre assez intéressante. C’est un homme, j’ai vu en lui la volonté de changer les choses et qui a envie de se constituer en un pont de transition générationnelle. Un homme qui a envie de faire sentir à la Guinée et aux Guinéens une certaine fierté d’être Guinéens. Je crois que ce qu’il a dit est contraire à ce qu’il a fait jusque-là. J’ai eu l’occasion de le lui dire, depuis qu’il est arrivé, il a posé des actes positifs. C’est vrai, il y a eu des actes que d’autres Guinéens n’ont pas compris, mais aller jusqu’à dire qu’ils feront le sale boulot, je pense que comme c’est un militaire, il peut à un moment donné, ne pas comprendre la portée de la communication politique.

Nous estimons que ni le lieu, ni le timing n’étaient favorables à une telle déclaration. Et c’est pourquoi nous l’invitons à écouter beaucoup plus ses conseillers en communication. Puisque, imaginez que des leaders politiques organisaient des manifestations politiques et qu’il y ait morts d’hommes, des interprétations vont arriver. Est-ce que rendre aux Guinéens ce qui leur appartient est un sale boulot ? Est-ce que lutter contre la corruption est un sale boulot ? Est-ce que combattre l’ethnocentrisme est un sale boulot ?

Nous savons tous ce qui était réservé au peuple de Guinée, surtout à sa jeunesse et aux femmes, qui étaient pris comme des instruments par les hommes politiques. Nous pensons que le colonel s’est trompé et qu’il va reconsidérer ce genre de langage. Vous savez que lui-même et ceux qu’il a nommés ont juré sur le saint coran et la sainte bible. Est-ce que ceux qui ont juré sur le saint coran et la sainte bible, ont juré de faire le sale boulot ? Non !

Entretien réalisé par Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél: 622919225

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