MANDIANA : L’ONG ASSOCIATION MINES SANS PAUVRETE (AMSP) PUBLIE LE RAPPORT DE SUIVI DES OBLIGATIONS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES DE LA SOCIETE MINIÈRE DE MANDIANA (SMM)

RAPPORT FINAL D’ACTIVITES

TITRE DU PROJET : Suivi Citoyen comme moyen de contrôle des obligations contractuelles de la Société des Mines de Mandiana (SMM) dans la localité de Kodiaran, préfecture de Mandiana.

Le présent rapport fait état des activités réalisées par l’Association Mines Sans Pauvreté (AMSP) dans le cadre de la mise en œuvre de son projet de suivi des obligations environnementales et sociales de la Société Minière de Mandiana (SMM) de mai 2021 à juillet 2022 avec un appui technique et financier des partenaires NRGI et GIZ Guinée.

Août 2022

1. CONTEXTE

La République de Guinée dispose d’un potentiel minier riche et varié réparti sur l’ensemble de son territoire national offrant des opportunités d’investissements considérables avec « des corridors de croissance » à très fortes capacités économiques.

Le pays s’est doté pendant ses dernières années, d’instruments juridiques plus attrayants d’un point de vue économique pour le pays avec l’adoption d’un code minier en 2013. Un code de l’environnement adopté en 2019 a permis d’améliorer le cadre legal de ce secteur. Cependant, l’application effective de ces importants instruments légaux reste encore un défi aussi bien pour les entreprises sur les projets desquels ils s’appliquent, les services de contrôles et de suivi de l’Etat qui doivent veiller à leurs applications et les organisations de la société civile spécialisées. Cette situation demeure une préoccupation majeure car cet état de fait offrent des opportunités de violations récurrentes des obligations contenus dans les contrats et conventions par les sociétés opératrices.

Les communautés locales qui sont les plus affectées par ces projets mais généralement écartées du processus de décision ignorent les contenus des contrats et conventions et mêmes des plans de gestions environnementaux et sociaux des projets développés dans leurs localités. Quoi qu’elles disposent du droit de suivre les obligations de ces entreprises, elles manquent de capacités nécessaires à comprendre et à pouvoir faire un suivi réel des entreprises ni à interagir avec les services de contrôle étatique, ni avec les OSC ou encore moins les entreprises elles-mêmes.

Ainsi, pour contribuer à relever ces défis et assurer une implication effective de la communauté minière de Kodiaran et environs dans le suivi des obligations environnementales et sociales et la surveillance du PGES par elle, AMSP a proposé et y a entamé le présent projet intitulé « Suivi citoyen comme moyen de contrôle des obligations contractuelles de la SMM (Société des Mines de Mandiana) dans la localité de Kodiaran, préfecture de Mandiana » en 2021.

A cet effet, un certain nombre d’activités ont été réalisées entre Mai et Novembre 2021 et d’Avril à juillet 2022 dans la zone du projet « TRI-K » le plus grand projet minier industriel de la préfecture de Mandiana, notamment situé dans les communes rurales de Kodiaran et Koundian.

Au nombre des activités entreprises par l’AMSP, il y a eu entre autres :

o Une enquête sur le niveau de mise en œuvre de quatre (4) obligations identifiées avec les communautés affectées comme priorités a été réalisée en collaboration avec ces dernières (les communautés affectées) à l’issue de laquelle les résultats obtenus avaient révélé des manquements dans la mise en œuvre des obligations cibles qui sont d’ordre environnemental et social : Il s’agissait notamment :

1. La surveillance régulière des impacts miniers sur l’eau et l’air et la restitution des résultats d’analyse à la communauté ;

2. L’emploi et la formation de la main d’œuvre locale ;

3. La mise en place d’un cadre de concertation permanent : société – communautés – autorités

4. L’appui aux initiatives de développement local notamment des groupements d’intérêts économiques des femmes et des jeunes.

Il faut rappeler que l’ensemble des ses obligations sont des engagements contenus dans le plan de gestion environnemental et social (PGES) du projet validé par l’Etat guinéen en 2018.

En plus, elles ont fait partie des quatorze (14) accords signés entre la SMM et les communautés en mai 2021 à la suite des manifestations populaires déclenchées par les populations (jeunesses, femmes et agriculteurs) contre le non-respect des engagements par la société. Les autorités préfectorales et régionales d’alors avaient dû intervenir pour parvenir à ses signatures qui avaient ainsi mis fin aux manifestations.

Quoi que l’application desdits accords furent convenus progressifs, force est de constater que quinze (15) mois après la signature aucun n’est encore appliqué.

o Un rapport de l’enquête avait été produit et partagé avec les acteurs concernés (Société promotrice, autorités administratives et services de contrôle de l’Etat, et les communautés impactées) avec des recommendations adressées à chacun afin de corriger les manquements en assurant la mise en œuvre effective des obligations concernées.

2. LES GRANDS CONSTATS/RESULTATS :

Les constats suivants ont été faits lors des activités d’enquête réalisée par l’AMSP et le comité local de suivi qui a été mis en place par l’organisation (AMSP) sur le niveau de mise en œuvre des obligations de la Société Minière de Mandiana (SMM).

Un manque de transparence dans les recrutements des employés effectués par la Société des Mines de Mandiana et ses sous-traitants ;

De faibles opportunités d’emplois pour les membres de la communauté

Le non-respect des engagements/promesses de la SMM contenus dans le PGES du projet mais aussi verbalement pris auprès des PAP lors du processus d’acquisition et de compensation des terres pour l’emploi et la formation de leurs fils dans la société ;
Non-respect du contenu du PGES intitulé « Embaucher les membres de la communauté locale et acheter des produits locaux ».

La pollution des eaux de surface et des sols situés à proximité du site d’extraction de minerais à Kodiaran par effet de sédimentation ;

Contamination des rivières Faranin et Kratou au cyanure et morts de plusieurs dizaines de poissons, de tortues et d’autres espèces aquatiques à proximité des villages de Loila, Koromadou, Faranindou et Faramadia provoquée par le déversement accidentel du produit au niveau du bassin à résidus.
Non-respect du PGES intitulé « Respect des normes et standard nationaux et internationaux de gestion de l’eau et de la santé communautaire ou encore Développer, mettre en œuvre et maintenir un système ou des systèmes de gestion appropriés en matière de santé, de sécurité et d’environnement ».

Un manque total d’information de la communauté sur la surveillance de la qualité de l’eau et de l’air par la société.

Le non-respect des engagements écrits (PGES) et verbaux de la société à appuyer les activités génératrices de revenus des femmes et des jeunes. Non-respect du contenu du PGES intitulé « Soutenir les initiatives entrepreneuriales génératrice de revenu qui permettront de garantir la sécurité alimentaire, » ou encore « Programme de restauration des moyens de subsistances : formation et/ou de bourses d’étude, micro-crédits ».

L’absence d’un cadre de concertation réelle entre la société et les autres parties prenantes du projet [Non-respect du contenu de son PGES intitulé « Mettre en œuvre le plan d’engagement des parties prenantes ; créer un espace de dialogue et Etablir une stratégie et un plan d’information et communication avec toutes les parties prenantes ou encore instaurer un mécanisme de résolution des griefs ».

Il est à noter qu’un rapport d’analyse de cet incident environnemental produit par les services de contrôle déconcentrés de la préfecture de Mandiana avait noté cela n’était que la conséquence d’un certain nombre de manquements :

• La non mise en fonction du circuit de recyclage de l’eau : usine –) 1er bassin ; 2e bassin –) 3e bassin –) l’usine) ;

• La création d’un déversoir au 3ème bassin sans avoir tenu compte à la variation climatique.

• Un faible niveau de suivi à l’interne par la société et l’absence d’un plan d’urgence des situations.

3. DIFFICULTES RENCONTREES :

La principale difficulté à laquelle AMSP a été confrontée dans la mise en œuvre du présent projet demeure le Manque de volonté de la Société des Mines de Mandiana (SMM) à collaborer sur le projet :

Il convient de noter que malgré les efforts déployés depuis 2021 pour avoir un échange direct avec les responsables de la Société Minière de Mandiana (SMM) et/ou prendre part à nos rencontres programmées avec les parties prenantes, ils n’ont toujours pas fait preuve d’une volonté réelle dans ce sens. Des lettres d’information et d’invitation ont été adressées à la direction de la mine basé à Loïla quelques jours avant, et qui ont été suivies de l’envoi d’un email dans le même sens.

La dernière date juillet dernier et en réponse à l’invitation pour échanger autour des grands constats de nos enquêtes et de la mise en place d’un cadre de concertation permanent des parties prenantes à la demande des communautés impactées, les responsables sur place ayant demandé qu’il leur soit accordé du temps pour discuter de la question avec leur hiérarchie supérieure, la rencontre prévue pour la mise en place du cadre de concertation a malheureusement été une fois remise à plus tard comme septembre 2021. Il faut rappeler cependant que la mise en place du cadre de concertation avait été signée comme l’un des accords avec les communautés en mai 2021 à la suite d’une manifestation populaire qu’avaient déclenché les communautés contre la SMM.

4. RECOMMENDATIONS

Suite aux observations et leçons apprises dans la mise en œuvre du présent projet, les recommandations suivantes ont été formulées par AMSP à l’endroit de la SMM, des services de contrôles de l’Etat, des élus et des membres du comité local de suivi citoyen de Kodiaran et environs :

a. Aux services techniques de contrôle environnemental de Mandiana

o Effectuer des missions de contrôle régulières sur la mise en œuvre des plans de prévention et de gestion environnementale et sociale du projet TRI-K et rendre public les resultats des missions

o Effectuer des missions conjointes des directions techniques préfectorales (mines, environnement, agriculture, pêche, actions sociales et promotion féminine, santé publique, éducation, etc.) et convier les OSC auxdites missions. Faire en sorte que les resultats des missions facent l’objet de restitution aux communautés à la base ou du moins au comité local de suivi.

o Contribuer aux efforts de AMSP à répondre aux attentes légitimes des communautés affectées par le projet Tri-k en amenant celle-ci à mettre en œuvre l’ensemble des accords signés en mai 2021 avec les communautés, parmi lesquels figurent la mise en place de ce cadre de concertation clamé par ces communautés.

o Exiger de la SMM, des rapports périodiques de surveillance environnementale (campagnes d’analyses de l’eau et de l’air) et la vulgarisation des résultats aux services de contrôles et aux communautés après chaque campagne d’analyse.)

b. A l’Agence Guinéenne d’Evaluation Environnementale (AGEE)

o Redynamiser le Comité préfectoral de suivi environnemental et social de Mandiana (CPSES) et l’outiller de sorte à pouvoir assurer un service de proximité efficace en matière de contrôle de surveillance ;

o Effectuer des missions de contrôle sur le terrain par des équipes d’experts de l’AGEE ;

o Faire participer un (1) ou deux (2) représentant(s) de la société civile spécialisée dans le domaine des mines et de l’environnement ;

o Formuler des recommendations et exiger les corrections datées à l’endroit de la SMM ;

o Appliquer les sanctions qui s’imposent, notamment le non renouvellement du certificat de conformité en cas de non-respect des recommandations découlées des missions d’évaluation de la mise en œuvre du PGES ;

o Publier les rapports des missions de suivi/contrôle sur le site de l’AGEE.

c. A la Société Minière de Mandiana (SMM)

o Rendre effective la mise en œuvre de ses obligations environnementales et sociales tenant compte des plans de préventions et de gestion contenu dans le PGES de son projet validé par l’Etat Guinéen, notamment : (i) Le suivi et la surveillance régulier des eaux (souterraines et continentales) et de l’air ;

o Partager les rapports et organiser des séances de restitution des résultats de surveillance de l’eau et de l’air aux autorités compétentes et aux communautés impactées ;

o Respecter son engagement quant à la mise en place d’un cadre de concertation formel et régulier des parties prenantes comme inscrit dans le PGES de son projet intitulé : « Créer un espace de dialogue et Etablir une stratégie et un plan d’information et communication avec toutes les parties prenantes » ou encore « Instaurer un mécanisme de résolution des griefs ».

o Engager un processus de mise en application de l’ensemble des accords qu’elle a signé en mai 2021 avec les communautés suite à la manifestation populaire qu’avaient déclenché ces dernières pour manque de respect des obligations et autres engagements pris à leur égard.

5. CONCLUSION :

Les activités réalisées par l’Association Mines Sans Pauvreté (AMSP) ont été une occasion de se rendre une fois à l’évidence qu’il y a de nombreux défis à relever dans la mise en œuvre des obligations environnementales et sociales de la Société Minière de Mandiana (SMM) relatives à son projet « TRI-K ». La situation nécessite une plus grande implication des décideurs dans le processus en l’occurrence l’administration minière et environnementale, les ONG spécialisées, les médias, etc.

De son côté, l’AMSP et mettra tout en œuvre avec l’appui des partenaires GIZ, NRGI et d’autres partenaires engagés soucieux de la protection de l’environnement et des droits humains dans le contexte de l’exploitation des ressources naturelles de façon générale, minières de manière particulière pour apporter les changements souhaités par les communautés impactées par le projet « TRI-K ».

Il convient de noter l’engagement très encourageant des communautés riveraines qui ont pleinement adhéré au projet et qui ont perçu la stratégie de suivi citoyen comme une opportunité pour elles de participer efficacement au développement de leurs communautés respectives dans le contexte de l’exploitation industrielle des gisements d’or dans leurs localités.

Enfin les prochaines étapes devraient prendre en compte le renforcement des capacités des autorités locales en vue d’une plus grande compréhension des cadres légal et réglementaire des secteurs minier et environnemental guinéens ainsi que des obligations de la SMM par les acteurs de contrôle et de surveillance des obligations environnementales et sociales.

6. REMERCIEMENTS

AMSP voudrait profiter de ce rapport pour adresser un remerciement sincère à l’endroit des partenaires Natural Resource Governance Institute (NRGI) et GIZ Guinée des tous leurs appuis aussi bien techniques que financiers accordés à notre organisation pour préparer et conduire ce projet en faveur de la communauté de Kodiaran et environs, qui à l’instar des autres communautés minières de la Guinée en ont besoin.

Le projet est encore en cours et des défis encore présents comme il en est le cas pour toutes actions de suivi et de plaidoyer dans le domaine minier. Mais nous voudrions par ailleurs rassurer aux communautés concernées et aux partenaires NRGI et GIZ, de notre engagement à mener ce plaidoyer jusqu’à l’obtention des changements souhaités avec la contribution de tous pour rendre effective la mise en œuvre de l’ensemble des obligations environnementales et sociales de la Société Minière de Mandiana (SMM) applicables à son projet.

Nous recommandons enfin que ce projet soit continuel afin de pérenniser les acquis et parvenir une autonomisation réelle des communautés de Kodiaran mais aussi l’élargir à celle de Loila, encore plus impactée que Kodiaran pour être celle qui abrite la quasi-totalité des infrastructures minières de la SM.

Séraphin Gbamou, Directeur Exécutif de l’Association Mines Sans Pauvreté (AMSP)

Facebook Comments Box