Libre Opinion : Coup de gueule d’un africain désemparé par les vicissitudes de l’histoire

Dr Mory Mandiana DIAKITÉ, Enseignant-chercheur, Écrivain

D’abord, il faut reconnaître que le rapport entre l’Occident et l’Afrique a été toujours un rapport de dominé et de dominant. À mesure que le monde évolue, de nouveaux instruments de domination naissent. La nouvelle forme de domination de l’Afrique noire est une domination par procuration. L’ancien maître trouve toujours des moyens pour fabriquer des marionnettes, qui mettent la corde au cou de leurs propres pays et les tirent pour amener là où il voudrait qu’ils soient. L’indépendance de l’Afrique noire a été quelque chose d’éphémère, voire un processus inachevé. Elle a été très tôt compromise, voire confisquée, par la ruse du dominant.

Dans sa stratégie globale de faire l’Afrique noire sa chasse gardée, l’Occident ne badine pas sur les moyens pour opposer les enfants d’un même pays, voire d’une même tribu, au nom de la démocratie. Il accorde sa faveur à certains et met d’autres au pilori, selon les circonstances. Il exploite intelligemment le côté faible des Africains, qui sont enclins à être en désaccord que d’être d’accord.

L’obscurantisme et la haine tribale ancestrale aidant. L’objectif reste le même comme toujours, qui consiste à nous dominer aussi longtemps que possible. Il nous donne avec la main droite et nous retire avec la main gauche. Pour qu’on soit ce que nous sommes, il fallait expressément éliminer nos leaders visionnaires et charismatiques comme Thomas Sankara, pour leur faire remplacer par des marionnettes ou des béni-oui-oui. Si fait qu’aujourd’hui, même pour organiser l’élection présidentielle dans nos pays, il faut lui tendre la main, et il faut qu’il donne des instructions. Sans quoi, il met les bâtons dans les roues, quitte au pays de sombrer dans le chaos.

Il qualifie certains de nos dirigeants de dictateurs, d’autres des démocrates, alors qu’ils font exactement la même chose, à savoir : le détournement massif du denier public, trucage électoral, meurtre et j’en passe. S’il y a un bénéficiaire des retombées de la mal gouvernance en Afrique, c’est bien lui. Il est le receleur principal des biens mal acquis. Il nous utilise comme des papiers hygiéniques, qu’on s’en sert et jette par la suite dans la poubelle après usage. Quand il se mêle dans nos élections, c’est pour apporter son soutien à son candidat, un larbin acquis à sa cause. La relation qui nous lie à lui est comparable à celle qui lie les lions aux bovidés, en jungle.

À vrai dire, il nous aide à compromettre notre propre souveraineté inconsciemment. L’expansion du terrorisme dans le continent s’est vite transformée en opportunité de domination et de spoliation pour lui. Il ne veut voir aucun adversaire sur son territoire qu’il a marqué et qu’il défendra corps et âme contre toute incursion externe non autorisée. Il reste hautement hostile à la pénétration de la Chine et de la Russie en Afrique, pourtant, qui viennent faire en un temps record ce que lui il a été incapable d’accomplir en plusieurs décennies. Il dispose des bases militaires dans plusieurs pays du continent, qui sont installées sans consultation préalable ni approbation du peuple.

J’imagine qu’elles servent à neutraliser les chefs d’État africains qui refuseraient d’obéir à ses dictats ou qui opteraient pour un nouveau partenariat stratégique avec des pays communistes ou pays hostiles. Le cas de Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire est illustratif. Les leaders africains doivent tous s’inspirer de Paul Kagamé du Rwanda, non pas pour s’éterniser au pouvoir, mais pour combattre efficacement et durablement la corruption et les facteurs de la corruption. C’est ce cancer qui ronge la plupart des pays africains, tout en confisquant leur souveraineté. Qu’on compte sur nous-mêmes d’abord, car le développement est local et organisationnel avant tout.

Nous sommes tout de même humiliés et traités avec mépris par les autres peuples, qui avaient pourtant subi le même sort que nous, il y a juste 50 ans. Ceci est humiliant pour tout Africain digne. Cette démocratie parrainée par l’Occident a été un poison pour l’Afrique. Elle a été usurpée. Tout ce qui nous arrive est prémédité et savamment orchestré à notre insu et en complicité avec des individus issus de nous-mêmes, la cinquième colonne.

Il est hostile à tout chef d’État africain qui voit ou pense de la même manière que lui. Il trouvera toujours un alibi pour le discréditer, avant de s’en débarrasser de lui par tous les moyens, le plus souvent, de manière tragique. Et c’est un autre noir africain idiot et égoïste qu’il aura fabriqué pour accomplir ce sale boulot. Cet Africain traître, il y en aura toujours. La presse qu’il subventionne est en avant-garde dans sa détermination indéfectible à nous faire sa chasse gardée à lui.

Si nécessaire, elle transforme la vérité en un mensonge et du mensonge en une vérité. Des magiciens de la parole ou mercenaires de la plume. De peur de subir un sort tragique, nos chefs d’État choisissent finalement la mendicité que d’œuvrer pour la prospérité collective dans leurs pays. Gare à eux de décider sans consulter, au risque de passer de vie à trépas. Quand on signe le pacte avec le diable, il faut s’attendre au pire.

L’ennemi déguisé en ami est omniprésent partout, si fait que rien ne l’échappe. Ses fameux instructeurs et experts sont présents dans toutes les instances de prise de décisions. Partout les proies sont nombreuses, les prédateurs y abondent. Les ressources naturelles de l’Afrique l’attirent des prédateurs, qui agissent soit individuellement soit en réseau ou union, voire en meute. Union des forts contre les faibles.

L’ingérence française à outrance dans la politique africaine, hypothèque l’avenir de la stabilité sociopolitique des pays francophones notamment. Si c’était à refaire, on aurait au moins préféré être une colonie anglaise que francophone. Entre deux mots, on choisit le moindre mal. C’est vraiment malheureux pour nous d’avoir été une ancienne colonie française. La France est elle-même à l’origine de la montée de sentiment anti-français en Afrique de l’Ouest. Mais chaque chose à une fin. Qu’on le veuille ou pas, un nouvel ordre mondial se dessine à l’horizon. Et cela se joue présentement sur deux fronts : en Ukraine et en République du Mali.

Les Africains devaient être solidaires avec le peuple du Mali, comme le font les Occidentaux en faveur de l’Ukraine face à la Russie. Puisque c’est tout le peuple malien qui a décidé de prendre sa destinée en main. Il ne voulait plus IBK et la politique française en Afrique, en général. La voix du peuple africain doit compter maintenant. Il faut qu’il soit écouté par la France et ses alliés. La voix de la majorité silencieuse doit compter.

Vive Assimi Goïta ! Vive la République du Mali ! Vive le panafricanisme ! Ensemble pour une Afrique nouvelle !

Dr Mory Mandiana DIAKITÉ, Enseignant-chercheur, Écrivain

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