Benarès dénonce l’interdiction des concerts sur les plages de Conakry : pourquoi les autoriser au palais du peuple alors ?

Dans un communiqué rendu public la semaine dernière, précisément le 19 décembre 2022, le Gouvenorat de la ville de Conakry a annoncé l’interdiction des concerts sur les plages. Incluse dans une série de précautions prises, cette mesure vise à limiter les dégâts pendant ces fêtes de fin d’année, a indiqué le Gouvenorat. Mais, sur le terrain, cette interdiction est très mal perçue par les promoteurs des plages. C’est le cas par exemple de Mohamed Lamine Camara, gestionnaire de la plage de Benarès, située à Yimbaya, dans la commune de Matoto. 

Interrogé le week-end dernier par un reporter de Guineematin.com, monsieur Camara dénonce du deux poids deux mesures dans la démarche du Gouvernorat de Conakry. Selon lui, cette mesure vise à favoriser la foire de Bénédi Record au détriment des autres espaces de loisirs.

Mohamed Lamine Camara, gestionnaire de la plage de Benarès

« Ce communiqué est à revoir dans la mesure où nous nous sommes donnés à fond dans la préparation des fêtes de fin d’année. Vous n’êtes pas sans savoir que les 70% de la jeunesse sont désœuvrés. Donc, il y a beaucoup qui s’investissent actuellement dans le domaine touristique ou culturel. Mais, s’ils sont à chaque fois freinés dans leur élan, ce n’est pas bien. Surtout que c’est une mesure qui fait du deux poids deux mesures. Comment se fait-il qu’ils peuvent interdire les concerts sur les plages tant disque sur l’esplanade, il y a des concerts qui se tiennent là-bas chaque jour. Pourtant, si vous prenez la plage Benarès, elle est trois fois plus grande que l’esplanade du palais de peuple. Nous, en tant que gestionnaire de plages, nous reconnaissons qu’il y a des plages qui ne sont pas prêtes à recevoir du monde, vue l’étroitesse des lieux. Mais, il y a par contre des plages comme la nôtre qui sont propices pour les concerts. Parce que je vous apprend que notre plage là s’étend sur 3 kilomètres de long. Donc, il suffit juste de prendre des mesures. Et, d’ailleurs, c’est le rôle de l’agence guinéenne des spectacles de venir s’enquérir de la faisabilité avant de prendre une mesure. Nous par exemple, mi novembre, nous avons fait un plan sécuritaire qu’on a même soumis au ministère du tourisme et qui a été approuvé par le département. Comme ça, ils devraient nous observer parce que nous ne sommes pas à notre première expérience. Ça fait plus de 20 ans que nous sommes dans ça », a expliqué Mohamed Lamine Camara.

Toutefois, le président du groupement d’intérêt économique qui assure la gestion de la plage de Benarès dit craindre pour le chamboulement de leurs prévisions. Selon lui, plusieurs concerts étaient déjà programmés sur cette plage les 24, 31 et 1er janvier.

« Avant le communiqué, nous avions planifié une série de spectacles sur la plage. Même aujourd’hui (24 décembre) on devrait recevoir l’artiste « Kouri » qui avait déjà donné son aval. Le 31 et le 1er janvier aussi les concerts étaient prévus parce qu’on a la foire ici. Et, la foire ne peut pas marcher s’il n’y a pas la prestation des artistes. Vous imaginez combien de fois ça va jouer sur les tenanciers de restaurant et d’autres promoteurs. Mais, quoi qu’il en soit, il faut respecter la décision de l’État. La seule chose qu’on a à faire, c’est de lancer un appel à l’endroit du président de penser aux jeunes en appuyant leurs initiatives » , a ajouté Mohamed Lamine Camara.

Avec cette interdiction, Bintou Sylla, restauratrice à la plage Benarès, craint pour la chute de leur chiffre d’affaires. Trouvée en plaine action de vente et de cuisine, le tout accompagné de musique dans son stand, dame Sylla n’a pas manqué d’appeler les autorités d’assouplir cette mesure.

Mme Touré Bintou Sylla, restauratrice à la plage de Benarès

« Nous attendons tous cette fin là pour accroître nos chiffres d’affaires. C’est quand il y a des événements ici qu’on a beaucoup de clients. Mais, s’il n’y pas de concerts, nos clients vont se décourager. Or, il y a certains d’entre nous qui avons fait des prêts à la banque pour ériger des stands. Et, si après la fête tu n’es pas en mesure de rembourser cet argent, comment tu vas faire ? Ça devient très compliqué. Avant les congés, ils ont demandé à nos enfants de payer le deuxième trimestre à l’école. On comptait payer ça après cette période de fêtes de fin d’année.  En tout cas, on prie Dieu que les gens ne se découragent pas et que le gouvernement aussi allège un peu sa mesure. Sinon, on ne sait plus à quel saint se vouer », a indiqué Mme Touré Bintou Sylla.

Détentrice de deux stands, Maimouna Camara est à sa deuxième édition à la plage de Benarès. Comme Bintou Sylla, elle est également inquiète et juge cette inappropriée.

Maimouna Camara, vendeuse à la plage de Benarès

« Cette décision va forcément jouer sur nous puisqu’on a fini de faire toutes les dépenses. On a pris la place ici très cher. On demande à madame la Gouverneure d’accepter les spectacles sur les plages. S’il n’y a pas de spectacle, il n’y aura pas de marché. Quelques-uns qui viennent aussi, viennent pour prendre des photos seulement. Mais, s’il y a spectacle, les gens viennent manger. Et, si c’est calme, il n’y aura pas du monde. C’est la fin d’année, tout le monde doit s’amuser. C’est la raison pour laquelle nous sommes là » , a rappelé cette autre vendeuse de poulet, de crème…

Reste à savoir si cet appel va tomber dans de bonnes oreilles.

Malick Diakité pour Guineematin.com 

Tél. : 626-66-29-27 

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