Respect des Droits de l’homme, viols, atteintes à l’environnement en 2022… Me Foromo Loua dit tout à Guineematin

Maître Frédéric Foromou Loua, président de l'ONG Mêmes Droits pour Tous (MDT)

A cette période de fin d’année, l’heure est au bilan dans toutes les structures, qu’elles soient étatiques ou du secteur privé. Dans la mise en œuvre de son plan d’action pour l’année 2022, l’ONG Mêmes Droits pour Tous (MDT) s’est battue sur le terrain pour défendre les Droits de l’homme et dénoncer de nombreux manquements dans ce domaine. Pour en parler, un reporter de Guineematin.com a donné la parole à maître Frédéric Foromo Loua, président de MDT dans la journée d’hier, mercredi 29 décembre 2022.

Guineematin.com : nous sommes à la fin de l’année 2022. Quelles sont les différentes activités que l’ONG MDT a pu réaliser ?

Maître Foromo Frédéric Loua : l’année 2022 a été une année particulièrement riche en activités pour MDT. Nous avons mené assez d’activités. Je vais d’abord commencer par les activités que nous menons dans les zones minières, notamment à Siguiri, lorsque la SAG, dans ses opérations d’extension, a réinstallé le village de Kintinian sans véritablement respecter la procédure en la matière, et sans payer des compensations appropriées aux personnes qui avaient été réinstallées.  Alors, nous avons été obligés d’attraire la SAG devant le comité de médiation de la Banque mondiale, la Société financière internationale, pour engager un processus de médiation entre la SAG et la communauté. Au jour d’aujourd’hui, la SAG est en train de respecter ses engagements qui avaient été pris pour assurer le respect les droits des communautés qui avaient été installés à la suite de son processus d’extension de ses opérations. Il y a aussi les activités que nous menons avec GOGINTA, notamment l’animation des cliniques juridiques où nous sommes auprès des juridictions pour assurer le fonctionnement de la justice pénale. Nous rendons disponibles des avocats pour accélérer le jugement pour les personnes qui passent devant les tribunaux. Il y a les cas criminels, il y a les cas délictuels. Vous savez, quand l’avocat n’est pas présent au procès pénal, la justice est affectée, le fonctionnement est handicapé, surtout les affaires criminelles, la présence de l’avocat est indispensable. Souvent, les accusés qui passent en jugement n’ont pas les moyens de se trouver un avocat. Et nous avons développé un projet dans ce sens-là pour véritablement aider à faire fonctionner la justice pénale à faire en sorte que les personnes qui sont en attente de jugement soient jugés. Pour cela, nous avons une clinique juridique à Conakry, une à Labé, une à Kankan, une à N’zérékoré.  Là également, nous avons aidé à faire juger beaucoup de dossiers, et beaucoup de personnes ont recouvré leur liberté à la suite des opérations de travail que nous faisons sur le terrain.

Guineematin.com : qu’en est-il de vos actions à Boké ?

Maître Frédéric Foromou Loua, président de l’ONG Mêmes Droits pour Tous (MDT)

Frédéric Foromo Loua : nous sommes bien dans la zone de Boké où nous sommes en train de travailler pour faire en sorte que le projet de construction de la centrale à charbon dans cette région puisse être remplacé par une autre source d’énergie un peu plus propre. Vous savez, la SMB a entrepris de construire une centrale à charbon dans la zone de Boké pour alimenter sa raffinerie en énergie électrique. Ce qui est contraire non seulement aux lois nationales, notamment le code de l’environnement, mais également aux engagements internationaux de la Guinée parce que la Guinée a quand même ratifié l’accord de Paris sur le climat et qui demande aux États d’abandonner cette source d’énergie et d’opter pour des sources d’énergie un peu plus propre. Nous sommes en train d’échanger avec les autorités pour voir dans quelle mesure on peut amener nos autorités à comprendre la nécessité de l’abandon de ce projet et réfléchir à son remplacement par une source d’énergie un peu plus propre.

Guineematin.com : vous travaillez également sur les questions des droits des femmes

Frédéric Foromo Loua : effectivement, nous travaillons sur la question des droits de la femme. Nous aidons à faire en sorte que les femmes aient droit à la justice. Lorsque les femmes sont violentées, lorsque les femmes sont menacées, lorsque les femmes sont jetées dehors par leurs maris, elles viennent dans notre siège où nous avons la maison de la femme. Nous écoutons ces femmes, nous nous chargeons de les accompagner devant les juridictions, nous nous chargeons de les assister et de faire en sorte que leurs droits soient respectés. Nous avons à cet effet des procédures qui sont pendantes devant le tribunal de Mafanco, devant le tribunal de Dixinn, à Dubréka, à Coyah et un peu partout dans le pays. Également, nous avons développé un projet pour faciliter l’accès des femmes à la terre en zone forestière. Pour cela, nous travaillons avec le bureau des Nations Unies aux Droits de l’Homme ici à Conakry, qui nous donne le financement pour aider, assister les femmes dans leur quête de la terre.  Parce que les femmes ont des activités qui sont liées directement à la terre. Et très souvent, elles n’ont pas la possibilité d’avoir accès à la terre parce qu’il y a la pesanteur socioculturelle qui empêche les femmes d’avoir accès à la terre. Quand on dit que la femme n’a pas droit à la terre, quand on dit que la femme ne doit pas cultiver ici, où quand on dit lorsque nous sommes en train de parler de terres les femmes n’ont pas droit à la parole. Donc, il y’a des situations comme ça qui sont là, pour lesquelles nous nous levons pour justement aider… Quitte à ce que nous engageons des procès devant certaines juridictions à cet effet. Nous travaillons avec beaucoup d’autres partenaires internationaux, nous nous échangeons des informations sur la question des Droits de l’homme, nous mettons à disposition certains textes nationaux et nous permettons à ce qu’on ait une compréhension plus claire sur la situation des droits de l’Homme en Guinée.

Guineematin.com : vous faites également un travail sur le foncier dans notre pays.

Foromo Frédéric Loua : nous sommes bien en train de développer cette question du foncier en Guinée. Vous savez, nous avons un code foncier domanial qui n’est pas adapté à la réalité guinéenne. Qui est en déphasage avec les contextes locaux avec la perception que nous avons de la redistribution de la terre. Donc, ce code il est désuet. Donc, il faut travailler à l’améliorer. Et nous avons également développé un peu nos idées sur le foncier guinéen pour que véritablement on comprenne l’environnement, le contexte lié au foncier en République de Guinée. Pour cela, nous avons publié des documents qui sont disponibles ici au siège de MDT qui permettent à l’international à certains acteurs d’avoir une idée. Et j’avoue que nos travaux sont cités par beaucoup de chercheurs sur cette question en Guinée et c’est un motif de satisfaction pour nous, pour le travail que nous faisons en Guinée.

Guineematin.com : qu’en est-il du respect des Droits de l’Homme dans notre pays.

Maître Foromo Frédéric Loua : la situation des Droits de l’homme, vous savez c’est une quête permanente. Il n’y a jamais de données acquises de façon définitive. Nous avons connu assez de violations pendant le magistère d’Alpha Condé. Et après le coup d’Etat, il est parti. Les nouvelles autorités sont venues. Il y a des aspects qui sont bien et par contre, il y a des aspects qui ne sont pas bons. Quand je prends par exemple la question de la détention préventive en République de Guinée, nous avons beaucoup de personnes qui croupissent aujourd’hui en violation des délais légaux, en violation de la loi en la matière. Il y’a aussi la question de la restriction des libertés civiles, politiques dans le pays. On a interdit les manifestations, on a arrêté les activistes pro-démocratie qui sont en train de croupir en prison. Vous vous souviendrez que les Nations Unies ont même haussé le ton, demandant aux autorités de donner les motifs juridiquement justifiables de nature à expliquer la détention de quelqu’un comme Foniké Mangué, Ibrahima Diallo. Il y a quand même ces situations qui sont là et qui nous inquiètent. Il y a aussi la situation des droits socioéconomiques qui est en train de s’améliorer de façon progressive. Nous assistons à une certaine amélioration du système éducatif en Guinée. On est en train de construire certaines écoles, il y a qu’on est en train de ramener une certaine rigueur dans le fonctionnement de nos écoles. Ce qui est pour nous un motif de satisfaction. Mais la question des libertés civiles et politiques reste encore le maillon faible de tous le système. Et il faudrait que le travail continu dans ce sens, il faudrait que les efforts se poursuivent dans ce sens pour véritablement arriver à un respect, à décrisper l’environnement politique, à décrisper l’environnement des situations des droits de l’homme, pour que les guinéens se sentent en hommes libres dans leur pays.

Guineematin.com : qu’en est-il de cas de viols, de torture, de violences basées sur le genre ?

Me Foromo Frédéric Loua : nous traitons assez de cas de viol ici. Les femmes ou filles qui sont violées viennent vers nous. Nous nous chargeons de les représenter devant les juridictions. Vous savez le viol, le tabou n’est plus de mise. Avant, les femmes violées n’avaient pas le courage de dire publiquement qu’elles ont fait l’objet de viol au risque de se voir stigmatiser par la société. Mais tel n’est pas le cas aujourd’hui. On parle davantage de cas de viol, on porte à la connaissance de la presse des cas de viol, et les parents décident désormais de porter ces cas devant les autorités judiciaires. Cela est une avancée. Il faut saisir cette balle au rebond en mettant en place des structures comme MDT qui sont de nature à accompagner ces femmes, pour rendre la justice accessible.

Guineematin.com : quel message avez-vous à lancer à l’endroit des guinéens ?

Me Foromo Frédéric Loua : Mon message, c’est que nous sommes à l’orée de 2023, nous avons un pays avec des difficultés, nous avons un pays avec beaucoup de problèmes. Il y’a le dialogue national qui patine, il y a le procès du 28 septembre en cours, il y a beaucoup de personnalités de l’ancien système qui sont en prison. Donc, c’est un foisonnement de situations, un foisonnement de cas. Donc, il est important que les autorités aient les moyens véritables pour pouvoir assurer la gestion de tous les cas-là conformément à la loi, conformément à la norme pour que la paix revienne…

Maître Frédéric Foromou Loua, président de l’ONG Mêmes Droits pour Tous (MDT)

Interview réalisée par Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 620 589 527/664 413 227

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