Guinée : la désillusion de certains jeunes diplômés sur le marché de l’emploi

Fatoumata Diané, diplômée en sociologie

Après plusieurs années d’études universitaires, beaucoup de jeunes diplômés se rendent compte qu’ils n’ont pas fait le « bon » choix. Ce qu’ils pensaient de leur métier est différent de la réalité sur le terrain. Beaucoup d’entre eux, par la force des choses, ont embrassé d’autres métiers parce que n’ayant pas trouvé satisfaction dans leur domaine de formation. Ces jeunes gens, interrogés par un reporter de Guineematin.com dans les rues de Conakry la semaine dernière ont témoigné de leur difficile quotidien.

Robert Kantambadouno, diplômé en journalisme

Robert Kantambadouno, diplômé en journalisme, reconverti en enseignant : « je pense que si les jeunes ne pratiquent pas les métiers qu’ils ont étudié à l’université, cela est dû aux moyens, c’est-à-dire, ils ne se sentent pas dans ce métier financièrement, mais aussi ce qu’ils pensaient de leur métier et la réalité sur le terrain n’est pas la même chose… Malheureusement, après mes études, je n’ai pas beaucoup pratiqué le métier de journalisme pour plusieurs raisons. La première des choses est que, ce que je pensais du journalisme et de la réalité sur le terrain, ça n’a pas été la même chose. Je commence d’abord par le traitement, c’est vrai qu’on n’étudie pas pour s’enrichir, parce que le journalisme, c’est d’abord la passion ; mais, il faut aussi que ton métier parvienne à te nourrir pour faire face aux besoins les plus fondamentaux de sa vie. Quand je suis allé dans les médias, je n’ai pas fait deux semaines, j’ai vu tout suite que ce que je pensais du journalisme depuis l’université n’était pas le cas. Et du coup, l’option qui est venue dans ma tête était de tenter dans d’autres professions, parce que le journalisme, c’est un métier transversal. Quand on est journaliste, on est aussi appelé à être enseignant, et c’est comme ça que la passion d’enseignant est venue et quand je suis allé là-bas, la profession m’a plu et je me suis senti plus à l’aise. Là aussi, je suis en contact tous les jours avec le savoir, je ne désapprends pas. C’est ce qui m’a plus motivé à rester dans l’enseignement ; mais à la base, je suis un journaliste de formation ».

Fatoumata Diané, diplômée en sociologie

Fatoumata Diané, diplômée en Sociologie : « vous savez, dans un premier temps, beaucoup choisissent les filières à cause de leurs amis, ils ne le choisissent pas parce qu’ils  peuvent le pratiquer dans la vie courante. Secundo, il n’y a pas de travail dans le pays et pour subvenir à leurs besoins, les jeunes précaires se lancent vite dans ce qui peut leur rapporter de l’argent pour se nourrir et nourrir leurs familles, car les parents sont beaucoup impatients, ils aiment trop faire la comparaison entre les enfants, et c’est ce qui pousse beaucoup d’autres jeunes aussi à se lancer dans un métier qu’ils n’aiment pas au profit de l’argent. Moi, je pratique ce que j’ai fait à l’université, je suis dans les activités de développement communautaire. Mais si je gagne une activité qui me rapporte beaucoup plus d’argent, je fonce hein, parce qu’il n’y a pas de boulot dans le pays et le pays est dur ».

Abdoulaye Djibril Diallo, diplômé en mathématique

Abdoulaye Djibril Diallo, diplômé en Mathématiques : « je pense que cela est dû au niveau de l’orientation des étudiants à l’université ou encore le taux de chômage dans le pays. Mais moi, personnellement, ce n’est pas parce que je n’aime pas ce que je fais, la seule raison est que j’étais passionné d’autres choses. J’aime bien ce que j’ai fait, mais j’étais passionné d’autres choses. Je me plais beaucoup dans un autre domaine que dans celui-ci, en fait. C’est vrai que je ne l’ai pas quitté parce que je le pratique. Je le pratique mais indirectement, j’ai beaucoup préféré ma passion : infographie, montage, tout. C’est juste je ne fais pas la comptabilité, l’enseignement mais je suis un peu dedans. Ce que j’ai fait à l’université, ce sont les maths appliquées. Et maintenant que j’ai fini les études, en tant que passionné de l’infographie, montage, tout ce qui est réalisation, qui est un domaine mathématique, mais spécifique, contrairement au domaine que j’ai fait, qui est généraliste, c’est pourquoi j’ai dit que je le pratique mais indirectement ».

Alpha Barry, diplômé en linguistique

Alpha Barry, diplômé en Linguistique : « moi, je voulais faire du journalisme depuis. C’était mon rêve ; mais quand j’ai eu mon bac, je n’avais pas une moyenne qui pouvait me permettre de faire l’école de journalisme. Donc, je suis parti à Sonfonia où j’ai étudié la Linguistique. Le problème est que quand tu finis les études ici dans notre pays, tu verras que ce que tu as fait à l’université n’est pas adapté à la réalité du terrain et d’ailleurs, c’est ce qui amène beaucoup de jeunes à faire autre chose que de perdre leur temps. Je pense que tout intellectuel doit apprendre à saisir des opportunités et avoir un grand esprit d’adaptation. Ce n’est pas parce qu’on a obtenu une licence en Banques et Finances par exemple qu’on est obligé de travailler éternellement dans le domaine des banques. Tu peux étudier aujourd’hui la linguistique à l’université et finir journaliste quelques années plus tard, comme dans mon cas ».

Hassanatou Kanté pour Guineematin.com

Tél. : 621937298

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