Conakry : à la découverte du difficile quotidien d’Alpha Oumar Sakho, bijoutier à Kipé

Le métier de bijoutier est exercé par des compatriotes qui rencontrent régulièrement des difficultés. Le matériel de travail et la matière première sont difficiles à trouver pour des bijoutiers qui se plaignent de cette conjoncture pour le moins compliquée. C’est le cas d’Alpha Oumar Sakho, un bijoutier qui a son atelier à quelques pas de la mosquée de Kipé Dadya, dans la commune de Ratoma. Rencontré par un reporter de Guineematin.com, il est revenu sur les difficultés qui l’assaillent dans l’exercice de son métier.

La bijouterie est une activité qui consiste à façonner les pierres précieuses (or, argent, notamment) pour fabriquer des bagues, des bracelets, des colliers, et autres parures. Ceux qui l’exercent sont aujourd’hui confrontés à d’énormes difficultés.

C’est le cas notamment du bijoutier Alpha Oumar Sacko. Ne pouvant plus continuer ses études par manque de moyens après le décès de son père, il s’est lancé dans le métier de bijouterie. Aujourd’hui, il revendique 35 ans d’expériences et beaucoup d’amour pour le métier.

Alpha Oumar Sacko, bijoutier

« J’ai étudié jusqu’en 7ème année. Après le décès de mon père, comme j’avais plus de soutien, j’ai abandonné les études, parce que pour étudier et partir jusqu’à l’université, il faut du soutien. Comme je n’avais plus ça, j’ai jugé nécessaire d’abandonner. Alors, au lieu de rester dans le quartier à ne rien faire, je me suis lancé dans le métier de bijouterie. J’ai tout fait pour bien comprendre et me former puisque c’est moi qui ai choisi le métier, personne ne m’a forcé à le pratiquer. C’est à Conakry ici que j’ai commencé depuis 1986. J’étais petit à l’époque. J’ai fait un an et deux mois dans la bijouterie locale. Je n’attendais pas les clients pour travailler, je me reposais rarement. Chaque jour, j’apprenais et finalement Dieu m’a aidé puisqu’avant que je n’ouvre mon atelier, je connaissais déjà beaucoup dans ce métier. Comme j’aimais le métier, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui ont fini les études et qui ont beaucoup d’expériences. A Dixinn par exemple, j’ai rencontré un certain Mr Barry qui m’a formé très bien et montré beaucoup de choses. J’ai aussi rencontré un blanc aussi qui m’a donné beaucoup d’autres connaissances dans ce milieu. Il m’a montré comment on fait la finition et beaucoup d’autres choses. C’est pour vous dire combien de fois j’aime et connais ce métier », a-t-il laissé entendre.

En plus du manque d’outils de travail, Alpha Oumar Sacko a signalé le problème d’acquisition des matières premières, une difficulté majeure du métier. « Il n’y a pas beaucoup d’outils pour faire notre métier ; nous n’en avons qu’un peu par manque de moyens. Les vrais outils de la bijouterie, c’est en France. La matière première, on achète ça ici. Il y a les commerçants qui envoient ça, ils enlèvent au Mali pour envoyer ici, en Guinée. Mais concernant l’or, c’est en Guinée ici qu’on creuse. Nous, on n’a pas les moyens. Les orpailleurs aussi, ils refusent de nous vendre. Quand tu leur demandes, ils te mentent pour dire qu’ils n’en ont pas. Ils ne veulent pas nous vendre, nous les bijoutiers. Comment peut-on gagner l’or ? Ils préfèrent prendre et envoyer à Dubaï. On veut créer beaucoup de choses, mais ça nous manque beaucoup ; non seulement on gagne difficilement les matières premières, mais avoir les outils aussi, ce n’est pas du tout facile. On rencontre beaucoup de difficultés, tu peux travailler pour un client, quelqu’un vient ici pour te dire que c’est pour lui. Dans notre pays ici, il n’y a pas un endroit où un bijoutier peut aller acheter les matières premières ».

Par ailleurs, Alpha Oumar Sacko invite l’Etat à faire face à ce secteur qui est marginalisé et oublié depuis plus longtemps. « Ce que moi je demande à l’Etat, c’est de nous aider à acheter les matières premières. Si on a ça, ça sera facile pour nous. L’Etat doit organiser les concours chaque année pour connaître les talents, les envoyer à l’étranger pour les former. Ça y va dans l’intérêt de la nation. Ça va non seulement vendre l’image de la nation, mais aussi on aura plus besoin de partir dans les pays étrangers pour acheter les bijoux ou les matières premières. Quand tu vois un ministre, un directeur assis dans son bureau en train d’écrire sur sa table, c’est grâce aux ouvriers. Donc, l’Etat doit beaucoup pour nous. Il doit penser à nous », a-t-il demandé.

Alpha Oumar Sacko, bijoutier

Hassanatou Kanté pour Guineematin.com  

Tel : 621 93 72 98

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