Bah Oury à la barre : « Dadis a été grisé par le pouvoir…, il n’y avait pas d’écoute du côté du CNDD »

Amadou Oury Bah à la barre du tribunal criminel de Dixinn

Le président de l’UDRG, Bah Oury, continue sa déposition devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry) dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009. C’est sa deuxième journée à la barre ce mardi, 21 mars 2023 ; et, il répond depuis hier à l’ouragan de questions des avocats de la défense. Actuellement, il fait face à Me Jean Baptiste Jocamey Haba, un des avocats du capitaine Moussa Dadis Camara. Et, dans ses réponses, Bah Oury a révélé avoir rencontré le capitaine Moussa Dadis Camara (à l’époque président de la Transition et président du CNDD) la veille de la manifestation des forces vives pour tenter de trouver une solution concertée. Le président de l’UDRG dit qu’il était avec Cellou Dalein Diallo (le président de l’UFDG), mais leur rencontre avec Dadis Camara n’a pas permis de trouver un terrain d’entente.

« Dadis a été grisé par le pouvoir…, il n’y avait pas d’écoute du côté du CNDD », a-t-il déclaré devant le tribunal.

Guineematin.com vous propose ci-dessous un extrait de la séance questions-réponses entre Me Jean Baptiste Jocamey Haba et Bah Oury qui comparaît en qualité de partie civile devant le tribunal. 

Me Jean Baptiste Jocamey Haba, avocat du Capitaine Moussa Dadis Camara

Me Jean Baptiste Jocamey Haba : Est-ce qu’on peut reprocher au président Dadis de faire allusion à la culture de la violence dans notre pays ?

Bah Oury : En tant que chef d’État, il sied au Chef de l’État d’œuvrer pour la pacification et pour la cohésion nationale. Mais, c’est à l’épreuve du pouvoir, c’est en ce moment-là qu’on peut s’avoir est-ce qu’on adhère fondamentalement à ce qu’on dit ou bien c’est simplement de l’enfumage pour essayer, comme le dit Machiavel, tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins.

Me Jean Baptiste Jocamey Haba : Dans le rapport de la commission d’enquête internationale, il s’agit des points 223 et 224, voici ce qui est attribué au président Dadis : j’ai essayé de moraliser et de sensibiliser les leaders politiques en leur disant qu’il y a eu des cas similaires dans le passé et que je ne veux pas que la même chose se reproduise. Est-ce que ce propos venant d’un chef d’État peut être interprété comme témoignant de sa volonté à encourager la commission d’infraction ou à répondre de manière sanglante à une manifestation en Guinée ?

Bah Oury : Tout ce que je peux dire, à partir du mois d’avril, avec les sollicitations que nous avions formulées et les initiatives que nous avions prises, s’il y avait véritablement du côté du CNDD une écoute et une attention à ce que nous proposions à l’époque, je pense qu’on en serait pas là aujourd’hui.

Me Jean Baptiste Jocamey Haba : L’homme d’État que vous êtes, puisque vous pensez que lorsqu’un chef d’État dit je sensibilise les leaders politiques, parce que connaissant l’histoire de mon pays, je ne veux pas que telle situation soit similaire. Vous n’avez aucun élément pour aider le peuple de Guinée ?

Amadou Oury Bah à la barre du tribunal criminel de Dixinn

Bah Oury : Tout ce que je peux dire en termes de sensibilisation, je pense que je peux me permettre de relater des faits des premiers évènements. C’est au lendemain de la prise du pouvoir, lorsque des éléments des forces de l’ordre sont allés dans la concession de Monsieur Cellou Dalein Diallo à Dixinn, immédiatement accompagné de quelqu’un d’autre, j’étais allé au camp Alpha Yaya pour s’enquérir des raisons et des motivations de cette incursion dans le domicile de Monsieur Diallo. Deuxièmement, lorsque dans le cadre d’une rencontre avec la structure du marché de Madina et que des forces de l’ordre étaient venues manu militari pour stopper la rencontre, immédiatement avec Monsieur Diallo Cellou, nous nous sommes rendus au camp Alpha Yaya où nous avons rencontré le président Dadis pour avoir un entretien. Et, à la suite de cet entretien, l’incident était clos. Et, je pense que si par rapport aux autres faits et nos sollicitations lorsqu’il y a eu des enjeux majeurs, il était resté attentif surtout avec l’implication de feu du doyen Jean Marie Doré, je pense qu’on aurait pu sauver la paix et la stabilité dans notre pays.

Me Jean Baptiste Jocamey Haba : Est-ce que vous avez connu le président Dadis dans le passé ?

Bah Oury : Non. Je l’ai connu après sa prise du pouvoir, sinon je n’ai pas de familiarité avec lui.

Me Jean Baptiste Jocamey Haba : Après la prise du pouvoir, quelle impression aviez-vous le concernant ?

Bah Oury : Je pense que dans un premier temps, j’ai pensé qu’il a été grisé par le pouvoir et il a été entraîné dans une dynamique qui a généré ces carnages douloureux. Et, dans un premier temps, ce sont les impressions que j’avais. Mais, au fil du temps, on comprend de manière plus large les faits. Maintenant je relativise tout ça lorsqu’on observe l’histoire de la Guinée. La violence n’a pas commencé avec le capitaine Dadis. Donc, les racines profondes de cette violence systématique et endémique dans notre pays, on doit aller en profondeur pour l’extirper et de manière définitive tourner la page. Aujourd’hui, il y a des accusés, il y a des victimes dans cette salle et ailleurs dans d’autres pays. On ne voudrait pas que demain qu’il y ait encore d’autres accusés et d’autres victimes. Il faut que cette série macabre puisse s’arrêter.

Amadou Oury Bah à la barre du tribunal criminel de Dixinn
Amadou Oury Bah à la barre du tribunal criminel de Dixinn
Amadou Oury Bah à la barre du tribunal criminel de Dixinn

Propos décryptés par Mohamed Guéasso DORÉ pour Guineematin.com

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