Un huissier de justice jugé à Conakry : « je n’ai pas détruit, je n’ai pas fait détruire… »

C’est un procès plutôt rare devant les juridictions de droit commun qui se tient à Conakry. Alhassane Condé, huissier de justice de son état, a comparu hier, jeudi 23 mars 2023, au tribunal de première de Mafanco. Il est poursuivi devant ce tribunal correctionnel pour destruction de biens privés au préjudice de la famille Diallo, domiciliée au quartier Dabompa, dans la commune de Matoto. À la barre, le prévenu a rejeté les faits mis à sa charge et reconnaît tout de même avoir fait déguerpir au nom d’une décision de justice, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

« Dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice, je me suis rendu le 12 avril 2022 à Dabompa pour une opération de déguerpissement. Avant d’y aller, j’ai rempli toutes les formalités : les documents qu’il fallait recevoir de la part du parquet, le visa de la chambre des huissiers, la notification au chef de quartier et la force publique (les forces de l’ordre) », a dit d’entrée Alhassane Condé, huissier de justice.

Mais, à l’arrivée sur les lieux, Alhassane Condé dit avoir été alerté par l’avocat de la famille. « Une fois sur le terrain, à 6 heures le jour-J, et pendant que le déguerpissement était en cours, on m’a passé l’avocat au téléphone vers 8 heures qui m’a demandé de surseoir à mon exécution parce que selon lui cette décision a bénéficié d’une autre décision de sursis. Je lui ai dit que je ne suis pas informé, et je ne peux pas arrêter l’exécution d’une décision rendue au nom du peuple à cause d’une simple déclaration, sans preuve. Et, d’ailleurs au moment de cet échange, on était à 50% de l’exécution. Donc, ce n’est qu’à 15 heures que l’avocat m’a notifié cette décision de sursis quand j’étais à mon bureau. J’ai aussitôt fait savoir que la décision dont il s’agit a été déjà exécutée parce que jusqu’à mon arrivée sur le terrain, je n’avais connaissance d’aucune autre décision suspendant celle que j’ai exécutée. Après le déguerpissement, j’ai fait la remise des lieux au bénéficiaire, c’est-à-dire la famille d’Elhadj Alimou Diallo, représenté par son frère Mamadou Hady Diallo, en faveur de qui la décision est rendue. Si je l’avais su à temps, je ne l’aurais jamais fait. Durant ma carrière, une telle situation ne m’est jamais arrivé. Je n’ai pas détruit, je n’ai pas fait détruire. Ce sont les manutentionnaires qui ont fait sortir », a expliqué cet auxiliaire de justice.

Se sentant injustement expropriés de leur concession, les membres de la famille Diallo de Dabompa, représentés par Boubacar Sow, se disent indignés. Boubacar Sow revient sur la scène de leur déguerpissement et de la destruction de leurs biens. « C’est à 4 h du matin que maître Condé est venu avec les gendarmes et les loubards dans notre concession. Il nous a demandé de sortir, je lui ai demandé pourquoi nous devrions sortir, il m’a dit qu’il est là pour exécuter une décision de justice. J’ai dit ah bon ! Alors s’il y a une décision contre nous, je n’en ai pas connaissance. C’est ainsi qu’il a sorti un document pour me le remettre. Après lecture, je lui ai fait savoir que l’exécution de la décision a fait l’objet de sursis. Malgré cela, il a demandé aux loubards de sortir nos bagages. J’ai appelé mon avocat pour l’informer de la situation. Il m’a dit de passer le téléphone à l’huissier. Au début, il ne voulait pas prendre le téléphone, mais finalement il a parlé avec l’avocat. Il lui a fait comprendre que la décision dont il se fait prévaloir a bénéficié de sursis. Il l’a dit donc de surseoir à l’exécution en attendant. Mais malgré les mises en garde de l’avocat, il a continué son travail. Pendant que d’autres faisaient sortir nos affaires, d’autres s’attelaient à défaire le toit de la maison et les plafonds. Les gendarmes eux, ils étaient là pour superviser. Ils ont gâté nos biens. Je voulais me révolter, mais je me suis rappelé que mon avocat m’avait dit de rester tranquille, de ne pas réagir. Donc, je les ai suivis jusqu’à ce qu’ils ont fini », a-t-il expliqué.

Après cet exposé, l’avocat de la défense, Me Antoine Pépé Lama, va soulever une exception relative à la qualité de Boubacar Sow. Pour cet avocat, Boubacar Sow se disant représentant des héritiers de feu Elhadj Alimou Diallo doit se munir d’une procuration.

Au terme des débats entre les parties, le tribunal a finalement ordonné la comparution de la partie civile et la communication des pièces avant de renvoyer l’affaire au 6 avril 2023, pour la suite des débats.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tel : 626-66-29-27

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