Port de chaîne de cheville par les filles à Conakry : les regards malveillants des hommes et les préjugés

Considérée dans l’Egypte antique comme l’une des marques de la prostitution et en Inde comme une appartenance sociale ou à une communauté tribale, la chaîne de cheville s’est banalisée dans le temps pour devenir un objet esthétique pour les femmes dans de nombre pays à travers le monde. Aujourd’hui, plusieurs artistes et grandes stars de la musique mondiale en portent sur scène et dans la vie courante. En Guinée, cette chaîne est aujourd’hui une tendance qui attire plusieurs jeunes filles à travers la capitale Conakry. En tout cas, elles sont de plus en plus nombreuses à s’orner la cheville pour se sublimer avant chaque sortie ou pour les grandes occasions. Mais, le port de cette chaîne est très mal vu par de nombreux hommes, et également des femmes, qui ont souvent tendance à assimiler leurs porteuses à des prostituées.

Dans la capitale guinéenne, ces chaînes de cheville inondent certains marchés. Elles sont de plusieurs modèles et sont principalement vendues par des femmes. Et, malgré les préjugés construits autour d’elles, ces chaînes attirent une clientèle de jeunes filles qui les incluent dans leurs objets de parure. Pas de sortie sans une chaîne à la cheville, quitte à passer pour une fille de joie aux yeux de la société. Mariame Traoré, coiffeuse, estime que les regards malveillants sur la chaîne de cheville est « un faux jugement » qui ne reflète pas la réalité.

Mariame Traoré, coiffeuse

« Vous savez, les gens oublient que l’habit ne fait pas le moine. On ne peut pas juger une personne juste par son accoutrement. En le faisant, tu fais un faux jugement sur cette personne sans la connaître. Moi j’aime le bracelet de cheville très bien. Quand je m’habille, je le mets à ma cheville pour me sublimer, parce que c’est quelque chose que j’aime naturellement. Beaucoup de personnes ont un mauvais regard sur ces filles qui enfilent les chaînettes et les considèrent comme des prostituées, même si toutes ces filles qui le portent ne le sont pas. Mais bon, moi je ne calcule pas les préjugés sur ça. Le plus important est que moi j’aime et c’est tout », indique-t-elle avec un air fier et décomplexé.

Pour cette vendeuse de chaînettes, Saran Camara, la chaîne de cheville ne porte plus les marques et les valeurs qu’elle incarnait dans l’Egypte antique. Elle assure n’en avoir jamais porté encore, mais elle estime que la chaîne de cheville sublime la femme.

« La chaîne à cheville est un objet esthétique qui orne et sublime la femme. Certes, c’était porté par des filles de joie par le passé. Mais, de nos jours, toutes celles qui la portent ne le sont pas et ce n’est pas une mauvaise chose en soi de la mettre non plus. Je revends des chaînes de cheville à 10 000, 20 000 francs guinéens et autres, ça dépend de la qualité. C’est vrai que je revends cela, mais je ne l’ai jamais porté », assure-t-elle.

La chaîne de cheville donne une mauvaise image 

Selon le sociologue Tidiane Touré, la chaîne de cheville renvoie toujours à la prostitution. Et, peu importe les motivations de celles qui la portent, cette chaîne donne une mauvaise image.

Tidiane Touré, sociologue

« Le port de chaîne de cheville est un mode de vie que les jeunes filles et dames pratiquent de nos jours, mais je n’apprécie pas beaucoup. Cela signifie pour moi de la prostitution. Parce qu’on le voyait généralement sur les filles de joie, elles le portaient dans les boîtes de prostitution pour se faire distinguer des autres. Mais aujourd’hui, plusieurs filles la portent pour s’orner la cheville et se faire plaisir. Mais, je n’aime pas du tout voir une fille mettre ça, car ça apporte des préjugés sur elle, même si elle n’est pas ce genre de fille. Je ne suis pas marié, mais si ma future femme aime porter cela, je vais la convaincre jusqu’à ce qu’elle arrête. Car, ça donne une mauvaise image de soi auprès des autres, même si tu es une fille respectable. Même si certaines filles portent juste pour se rendre belle ou séduire les hommes, d’autres filles qui mettent cela sont des filles de joie. Malheureusement on ne peut plus les distinguer des autres, parce que c’est devenu un bijou de beauté. En tout cas, chez moi, une femme qui porte cela, mon regard sur elle ne sera qu’une fille de joie », a-t-il indiqué.

Cette coiffeuse, Gnoumagbé Camara, a encore peur de la chaîne de cheville. Ses amies en portent régulièrement, mais elle n’a pas encore osé essayer de mettre cette chaîne autour de sa cheville. Visiblement, elle est terrifiée par les regards malveillants de son entourage et de ses parents. Mais, le plus dur pour elle, c’est qu’elle-même assimile cette chaîne à la prostitution.

Gnoumagbè Camara, coiffeuse

« Franchement, moi la première impression qui me vient en tête quand je vois une chaînette à la cheville d’une fille, c’est une fille de joie. Moi je n’aime pas porter et je n’ai pas encore eu cette ambition de la mettre, même si mes amies la portent. D’ailleurs, c’est une chose qui ne me vient même pas en tête. Vous savez, quand tu portes ça, les gens te placeront à un endroit que tu n’es pas. En plus de cela, mes parents n’aiment pas cela », explique-t-elle.

Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

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