Condamnation des jeunes pour consommation de drogue à Mamou : les précisions du président du tribunal

Les autorités judiciaires de Mamou ont engagé une lutte sans merci contre la vente et la consommation de la drogue dans la ville carrefour. C’est dans cette dynamique que 24 jeunes gens, poursuivis pour ces faits délictuels, ont été reconnus coupables et condamnés à diverses peines par le tribunal correctionnel de Mamou. Certains sont interdits de séjour dans la ville quand ils auront purgé leurs peines. La sentence est tombée dans la journée d’hier, mardi 08 août 2023.

Dans une interview accordée au correspondant de Guineematin.com basé dans la préfecture, Oumar Diallo, le président du Tribunal de première instance de Mamou, est revenu sur le contexte du procès, les décisions prises avant de prodiguer des conseils aux parents.

Guineematin.com : vous venez de rendre une décision contre 24 jeunes accusés de consommation de drogue à Mamou. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Oumar Diallo, président du Tribunal de première instance de Mamou

Oumar Diallo : aujourd’hui, comme vous venez de le constater, nous venons de prononcer une décision dans une procédure qui concernait 24 jeunes ressortissants de Mamou qui ont été appréhendés le long des rails et qui ont pris pour vocation de consommer la drogue à ciel ouvert. Aujourd’hui, ce phénomène est devenu un véritable problème dans la cité.  Mon constat c’est que la consommation du chanvre indien est devenue un phénomène de mode, comme étant une tradition. Il n’y a pas aujourd’hui un seul secteur où la drogue ne se consomme pas, au vu et au su de tout le monde. Les parents ne réagissent pas et les autorités à la base aussi ne réagissent pas. Et pourtant, Mamou est une ville religieuse avec plus de 99% de musulmans. Si ce phénomène persiste, dans 10 ans, 20 ans, plus de 80% des jeunes seront des drogués. Il faudrait une synergie d’actions entre nous autorités et les parents pour essayer de sensibiliser, d’intimider ou à la rigueur, sanctionner ce comportement pour renverser la tendance. La consommation de la drogue, nous le savons, ça impacte physiquement et mentalement les jeunes, mais ça favorise surtout la commission de toutes les infractions, tous les cas de braquages, vols, viols sont dépendants de la consommation de la drogue. Tous ces jeunes ont avoué qu’ils boivent et qu’ils consomment aussi la drogue.

Guineematin.com : quelles sont les diverses sanctions infligées à ces jeunes ?

Oumar Diallo : la décision concerne pratiquement 3 catégories de personnes. La première catégorie, c’est celle-là qui a été condamnée à une peine ferme et à une amende. La deuxième catégorie, non seulement condamnée à une peine ferme, suivi d’une amende mais aussi interdit de séjourner à Mamou.  Pourquoi ?  Parce que dans le groupe, je me suis rendu compte qu’il y en a parmi eux, ils n’ont ni père, ni mère, ni domicile, ni métier. Ce sont des citoyens qui profitent de la population. On ne peut pas tolérer ces personnes-là de vivre à Mamou. C’est pourquoi j’ai prononcé la condamnation ferme et après leur prison, j’ai demandé qu’ils soient interdits de séjour à Mamou pendant 3 ans. Et la dernière catégorie, ce sont ceux-là contre lesquels il n’y a pas d’éléments, et comme la loi dit s’il n’y a pas de preuves, on ne peut pas sanctionner.

Guineematin.com : selon vous, qu’est-ce qui motive les jeunes à consommer la drogue ?

Oumar Diallo : Souvent, je ne partage pas les avis des autres. Certains vont dire parce que les gens n’ont rien à faire. Pour moi, un homme conscient et réfléchi, il y a toujours du travail à faire. Aller chercher des fagots de bois, faire l’agriculture ou faire l’élevage. Le gouvernement ne peut pas donner à tout le monde du travail, même aux États-Unis. Les jeunes préfèrent passer tout le temps dans le café ou dans les boîtes de nuit ou ailleurs, sans rien faire.

Guineematin.com : certains observateurs estiment que ces jeunes se droguent avec certains enseignants ou certains agents des forces de défense et de sécurité…

Oumar Diallo : oui, on ne peut pas nier cela. Aujourd’hui, la consommation de la drogue est devenue un phénomène transversal. Toutes les couches sociales se retrouvent dedans. Je ne peux pas nier aujourd’hui que certains membres de force de défense et de sécurité se droguent avec les jeunes dans nos localités. Le parquet a pris un engagement ferme de procéder à un ratissage systématique de tous ceux qui se livreront à cette pratique. Au lieu de venir pleurer, dire aidez-nous, dites à vos enfants de vous aider. Si nous voulons lutter contre la drogue et les drogués, il faut que tout le monde se retrouve dans la lutte.

Guineematin.com : quel va être l’avenir d’un pays quand sa jeunesse est plongée dans la commercialisation et la consommation de la drogue ?  

Oumar Diallo : Disons-le, il est très difficile de parler de l’avenir d’une nation si sa jeunesse est dépendante de la drogue. L’avenir d’un pays, c’est sa jeunesse. Lorsque la jeunesse se repose sur la drogue, cette famille ou cette nation est vouée à l’échec.

Guineematin.com : que répondez-vous à certains élèves ou étudiants, qui pensent qu’il faut prendre la drogue pour mieux assimiler les cours ?

Oumar Diallo : c’est un mensonge voire une aberration. La première question, qui est né drogué, et personne n’est né dépendant de la drogue. La consommation de la drogue est un phénomène social. Beaucoup d’élèves et étudiants ne se droguent jamais, mais ils sont toujours brillants en classe. C’est une mauvaise option.

Guineematin.com : avez-vous un dernier mot ?

Oumar Diallo : nous demandons aux parents de redoubler d’ardeur il ne sert à rien de construire des étages ou laisser des plantations ou laisser des comptes bancaires si on sait qu’on va laisser des enfants drogués. Je préfère m’occuper de l’héritier que de m’occuper de l’héritage. Je préfère mourir en laissant une seule maison à mes enfants bien éduqués, bien formés. Je sais qu’après moi, ils vont transformer cette concession en une mosquée et construire beaucoup des maisons, que de laisser beaucoup d’étages et laisser des drogués. Après la mort, ils vont casser les étages et les mosquées pour construire des motels.

Oumar Diallo, président du Tribunal de première instance de Mamou

Propos recueillis par Boubacar Ramadan Barry pour Guineematin.com

Tél. : 625 698 919/657 343 939

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