Calvaire des forgerons de Conakry : manque de matériels, cherté du matériel, rareté des clients…

Mamadou Baïlo Diallo, forgeron

La capitale Guinéenne regorge de nombreux hommes de métiers qui se battent contre vents et marrées dans une conjoncture compliquée pour tirer leur épingle du jeu. C’est le cas des forgerons qui façonnent le métal pour fabriquer divers objets usagers. Rencontrés au marché Aviation dans la commune de Matoto, par un reporter de Guineematin.com, des forgerons ont expliqué le mythe lié à la forge en Afrique, leurs difficultés avant d’interpeller les autorités sur l’abandon de leur corporation.

Dans les forges, les maîtres et les apprentis sont en pleine activité dans la confection d’objets commandés par des clients ou destinés à être vendus sur le marché : des houes, des faucilles, des coupe-coupe, des marmites, des casseroles et autres. Le four, les soufflets, l’enclume, le marteau… sont en mouvement.

Mamadou Oury Bah, forgeron

Mamadou Oury Bah exerce le métier de forgeron depuis 48 ans. « Je suis né dans ce métier, j’en ai hérité de mes parents. Si vous voyez que je suis dans ce domaine, c’est parce que j’ai trouvé mes parents dans ce métier. Et c’est dans ça qu’ils ont gagné de quoi vivre sans entraver leur dignité. Donc, voilà pourquoi j’ai suivi leur trace depuis 1975. Sinon, ce n’est pas parce qu’on gagne grand-chose. On parvient juste à gagner de quoi vivre dignement, sans voler ni faire quoi que ce soit illégalement ».

Par ailleurs, Mamadou Oury Bah est revenu sur les difficultés qu’il rencontre dans ce métier. « Nous rencontrons d’énormes difficultés dans l’exercice de ce métier, notamment le manque ou la cherté des matériels qui entrent dans la fabrication de nos différents articles que nous fabriquons ici. Tels que la hache, la daba, la houe, la marmite et autres. Il y a également les clients qui se font rare à cause de la conjoncture et qui se plaignent également de la cherté de nos articles, alors que nous, nous achetons ces matériels avec un coût très élevé. Car 1 kilogramme d’aluminium coûte 10 mille ou 15 mille GNF. Nous travaillons avec tout ce qui contient de l’aluminium tels que les tôles d’aluminium, les boîtes de jus faits en aluminium, ou le fer qui contient également d’aluminium pour la confection de ces articles. Vous savez, nous ne travaillons pas avec le fer impropre pour la confection de nos articles. Car nous utilisons toujours ce qui est propre. Et nous travaillons avec le feu, la terre, et les matériaux qu’on fait fondre pour fabriquer nos marmites, et autres. Nos marmites de 50 kilogrammes coûtent 1 million 800 mille GNF. Celles d’un kilogramme à 70 mille GNF. Les prix varient en fonction de la cherté des matériels », a-t-il expliqué.

Plus loin, Mamadou Oury Bah, a fait savoir que l’Afrique à ses traditions qui font qu’il y a des maladies qu’on peut soigner grâce à la forge. « Vous savez, l’Afrique a ses traditions aussi. Nous soignons certaines maladies. Il y a des malades qui viennent chez nous ici à la forge, nous invoquons également des prières pour des personnes en difficultés qui viennent chez nous à la forge pour des prières, des bénédictions ou pour faire des sacrifices. Donc, il y a un fer pur que nous utilisons dans le feu et que nous mettons à chaque fois dans l’eau pour qu’il refroidisse. Cette eau-là, si tu la bois ou tu te laves avec, rien ne va t’arriver si ce ne sont que des choses qui viennent de la volonté divine. Mais pour se faire, il faudra que ce forgeron soit un homme pur et ce n’est pas n’importe quel fer aussi qu’on utilise pour ça », dit-il.

Pour finir, Mamadou Oury Bah demande de l’aide aux autorités pour l’émergence du secteur artisanal. « Nous lançons un appel solennel au gouvernement de nous venir en aide pour que ce secteur puisse émerger. Nous qui évoluons dans le secteur artisanal, nous sommes mis dans les oubliettes. A chaque fois, il y a des réunions qui sont organisées par les autorités pour l’épanouissement de ce secteur, mais jusque-là, aucune suite favorable en notre faveur. Nous manquons de moyens financiers et autres.  Il faut savoir que c’est au temps de Sékou Touré que nous avons cessé de bénéficier d’aide… ».

Mamadou Baïlo Diallo, forgeron

De son côté, Mamadou Baïlo Diallo, forgeron, passionné par ce métier depuis 1984, explique que cette activité lui a été bénéfique, même s’il est confronté à certaines difficultés parfois. « Je suis forgeron et nous fabriquons des casseroles, des fourneaux, des baignoires. Depuis 1984, je fais ce métier par passion. Et c’est grâce à cette activité que je gagne de quoi manger. C’est également grâce à ce métier que je me suis marié, que j’ai eu à construire une maison et à prendre soin de mes enfants ainsi que de ma famille. Donc, c’est pour vous dire que j’ai tiré beaucoup de bénéfices de ce métier. Vous savez, quand vous pratiquez un métier par passion et que vous le faites bien, vous en tirerez toujours des avantages qui sont positifs, même si vous rencontrez des difficultés dans l’exercice de ce métier. Les difficultés que nous rencontrons dans ce métier, c’est le manque et la cherté des matériels de travail. On se plaint rarement du manque de clientèle chez nous ici. Parce que nous confectionnons des objets de cuisine que les femmes utilisent beaucoup pour pouvoir faire la cuisine. Donc, voilà pourquoi on ne se plaint pas trop, même si la conjoncture est difficile parfois… ».

En outre, Mamadou Baïlo Diallo a fait savoir que les prix des articles varient en fonction des tailles ou de la grandeur des articles. « Nous utilisons des tôles pour la fabrication des fourneaux que nous revendons un à 10 000 GNF, des cuvettes que revendons également un à 13 000 GNF, ainsi que des seaux que nous revendons à 12 000 GNF l’unité. Il y a aussi des casseroles que nous fabriquons avec les tôles en aluminium et que nous revendons à 20 mille, 25 mille voire 60 mille GNF. Les prix varient en fonction de la taille ou de la grandeur de la casserole », a-t-il expliqué.

Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com 

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