Déguerpissement au marché Madina (Conakry) : une altercation créée la panique et conduit à la fermeture de plusieurs commerces

Mme Hassanatou Barry, vendeuse de fournitures scolaires à la gare routière de Bonfi au grand marché de Madina

Une opération de dégagement des emprises de la route entre Madina-école et Madina-mosquée menée par la mairie de Matam a occasionné des échauffourées dans cette grande partie du marché Madina ce lundi 11 septembre 2023. Ce qui a eu pour conséquence la fermeture de plusieurs magasins, boutiques et l’arrêt d’autres commerces dans cette partie du grand marché de Madina, poumon économique de la Guinée. Sur place, les restes des tables cassées et des toitures démontées étaient visibles le long de la route appelée Coco Boungny, a constaté Guineematin.com à travers son équipe de reportage.

Selon les autorités communales, cette opération de déguerpissement vise à libérer les emprises occupées illégalement par les hommes et les femmes marchands de ce côté. Mais, elle s’est finalement arrêtée après une altercation survenue entre un policier et un charretier aux environs de 10 heures. Les forces de sécurité ont usé de gaz lacrymogènes pour calmer la situation.

Thierno Mamoudou Sow, marchand étalagiste au Grand Marché de Madina, a expliqué sa frustration par rapport à la situation.

Thierno Mamoudou Sow, marchand étalagiste au marché Madina

 « Comme vous l’avez constaté, des tables et des hangars ont été cassés, des abris sur les terrasses ont été démontés. Le maire Ismaël Condé nous avait demandé de quitter la chaussée et de rester derrière le fossé. Nous avons accepté. Ensuite, il nous a dit que si nous dépassons le fossé pour nous installer sur la route, nous devons partir. Un samedi, pendant la nuit, ils sont venus et ont tout détruit le long de cette route. Les dalles que nous avons placées ici ont été financées par les propriétaires de boutiques, de magasins et de marchands étalagistes. Le fossé dont nous parlons a été creusé à nos frais. Nous ne nous opposons pas à la libération des emprises de la route. Mais nous avons demandé au maire de nous laisser au moins un mètre devant nos boutiques et magasins, avant le fossé, pour que nous puissions exercer nos activités et gagner notre vie. Malheureusement, cela n’a pas été fait, et les destructions continuent », a déploré le jeune marchand.

De son côté, Mme Hassanatou Barry, vendeuse de fournitures scolaires à la gare routière de Bonfi dans le Grand Marché de Madina, a rappelé les souffrances qu’elle subit depuis un mois.

Mme Hassanatou Barry, vendeuse de fournitures scolaires à la gare routière de Bonfi au grand marché de Madina

« Nous sommes en conflit depuis une semaine avec les agents de sécurité mandatés par la mairie pour saisir nos marchandises et les emporter. La dernière fois, ils sont venus chercher ma marchandise et l’ont emportée je ne sais où. Je suis allée à la mairie pour savoir où se trouvait ma marchandise, et ils m’ont dit qu’ils l’avaient jetée à la décharge. Aujourd’hui encore, comme samedi dernier, dès le début de leurs opérations, des échauffourées ont éclaté, ils ont utilisé du gaz lacrymogène sur la foule, et nous avons dû rapidement faire entrer nos marchandises. Nous ne sommes pas sur la chaussée, nous nous installons à côté des propriétaires de magasins pour subvenir aux besoins de nos familles. Nous demandons au maire et au président Doumbouya de nous aider à trouver un endroit pour travailler et subvenir aux besoins de nos enfants qui doivent également étudier. Nous payons leur scolarité, leurs fournitures scolaires, et nous soutenons nos maris avec ce que nous gagnons ici », a-t-elle révélé.

Mme Fatoumata Soumah, vendeuse de chaussures et responsable des femmes vendeuses, a sollicité l’indulgence des autorités afin d’aider les femmes vendeuses.

Mme Fatoumata Soumah, vendeuse de chaussures et responsable des femmes vendeuses

« Nous, les femmes, avons cotisé 1000 francs après 1000 francs pour obtenir un total de 24 millions de francs afin de construire cet espace c’est-à-dire pour mettre cette dalle que vous voyez ici sur cette route. Nous n’avons nulle part où aller. C’est ici que nous exerçons nos activités, c’est ici que nous avons toutes nos marchandises, c’est ici que nous les vendons pour subvenir aux besoins de nos familles. Nous voulons la paix et un endroit où travailler. Si nous avons cotisé pour aménager cet espace, c’est pour exercer librement nos activités et soutenir nos enfants, afin qu’ils ne deviennent pas des délinquants », a-t-il indiqué.

L’initiateur de cette opération de déguerpissement, Ismaël Condé, maire de la commune de Matam, affirme que l’objectif est de libérer les emprises pour assurer la fluidité de la circulation au sein du Grand Marché de Madina. Il cherche à trouver une solution négociée pour permettre à tous de coexister pacifiquement, mais certains commerçants résistent aux mesures proposées.

Ismaël Condé, maire de la commune de Matam

« Depuis un certain temps, nous sommes dans une opération dégagement pour la libération des emprises sur la route de Niger, section carrefour Constantin jusqu’à Mafanco. Ce lundi matin, on a commencé au niveau de Coreboungny jusqu’au carrefour Mafanco, tous les véhicules qui étaient stationnés là, on les a fait entrer du côté de chez professeur Alpha Condé pour pouvoir libérer la route. Après là-bas on a attaqué la section Coreboungny jusqu’à la section gendarmerie où nous avons également demandé aux femmes de libérer la route. Les véhicules qui étaient à avaria, il fallait les faire entrer dans le quartier, plus précisément dans le secteur qu’on appelle Coco Boungny pour l’embouteillage qu’on a souvent entre SOBRAGUI et Avaria puisse être diminué. Mais je trouve que les femmes sont assises là-bas au beau milieu de la chaussée. Il fallait donc trouver une solution pour qu’il y ait une cohabitation pacifique entre les femmes vendeuses et les commerçants. Il est avéré que les commerçants sortent leurs marchandises jusqu’à la limite de la chaussée poussant les femmes vers la route. On a dit aux commerçants dans le cadre de l’exposition de leurs échantillons, on leur accorde un mètre entre leurs boutiques ou magasins et la chaussée et le grand stock de la marchandise doit rester dans le magasin ou la boutique. Aux femmes vendeuses étalagistes, nous leur accordons un mètre pour qu’elles puissent poser leurs tabourets et ce, de part et d’autre de la route. Les 8 autres mètres qui constituent la route, reste aux usagers pour leur libre circulation y compris les clients qui viennent acheter avec les uns et les autres. Et aujourd’hui, on a commencé l’opération à 8 heures, et jusqu’aux environs de 10 heures, tout se passait bien. Maintenant à 10 heures, il y a eu une altercation entre un policier et un charretier. Cela a conduit à des échauffourées, mais on a appelé des agents puis, on a maîtrisé la situation. La tension est donc vite tombée. Nous allons tout à l’heure pour continuer l’opération de traçage, pour que le mètre que nous accordons aux commerçants puisse être respecté et le mètre que nous accordons également aux femmes puisse être respecté. Et qu’enfin, les 8 mètres réservés à la circulation puissent servir à la libre circulation des usagers et les acheteurs qui viennent pour faire tranquillement leurs achats sans risques. Dans ce cas, les femmes étalagistes auront leur place, les commerçants boutiquiers et propriétaires de magasins auront leur place pour proposer leur échantillon. Les clients qui viennent pourront également bien circuler et faire leurs achats. Voilà la solution que nous voulons prendre et c’est une solution qui doit être pérenne.

Ça ne veut pas dire que nous sommes pour l’un et contre l’autre. Nous sommes en train de trouver une solution négociée qui puisse soulager tout le monde. Mais malheureusement, il y a certains commerçants qui veulent montrer la peau dure, qui ne veulent pas céder. Nous voulons que l’emprise ne soit occupée que par les piétons, les usagers des engins roulants et les acheteurs. Mais les commerçants ne veulent céder le deuxième mètre accordé aux femmes, à ces dernières. Voilà ce qui s’est passé aujourd’hui au grand marché de Madina », a fait savoir le maire.

Mamadou Laafa Sow et Mamadou Yahya Petel Diallo pour Guineematin.com

Tél: 622919225

Facebook Comments Box