Mamadi Doumbouya à l’ONU : un discours qui semble faire le procès du régime CNRD

Colonel Mamadi Doumbouya, président du CNRD, président de la Transition à l'ONU

Après avoir suivi et lu attentivement le pamphlet du chef de la junte guinéenne à la tribune des Nations Unies, l’on est tenté d’accepter certains maux qu’il dénonce avec ses mots pendant cette allocution. Mais, par souci d’objectivité, il suffit de comparer cette allocution à celle de la prise du pouvoir le 05 septembre 2021 pour prendre la mesure du contraste saisissant entre ses discours et ses actions.

Primo : De la remise en cause de la démocratie et du recours à la diplomatie du ressentiment

Hier, le putschiste annonçait le 05 septembre 2021, avoir mis fin au régime d’Alpha Condé pour sa remise en cause de la démocratie et la violation des libertés publiques en Guinée. Il a lui-même réitéré sa profession de foi à l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Fait aberrant, au même moment, dans la même allocution, il livre une violente charge contre la démocratie et souhaite à la tribune des Nations Unies que le monde le « laisse mener notre barque comme vous l’avez permis dans certaines régions du monde : en Asie, au Proche Orient et Moyen Orient ».

Il est bien connu que lorsque les putschistes veulent s’arc-bouter au pouvoir, ils convoquent l’argument usé de la démocratie artificiellement transposée à des systèmes caractérisés par des spécificités culturelles africaines d’où son expression “la greffe n’a pas pris”.

Aussi, pour légitimer son pouvoir pris par les armes, le chef de la junte guinéenne recourt en grandes pompes à cette diplomatie du ressentiment intoxiquant au passage une partie de la jeunesse désabusée.

Secondo : De la corruption du régime et de la gabegie financière

Mamadi Doumbouya dénonce les « contrats léonins » de ses prédécesseurs qui selon lui pouvaient être sous des pressions ayant des agendas politiques… Mais, à y voir de près, il reproduit voir multiplie les mêmes pratiques si ce n’est pire. Depuis sa prise du pouvoir, plusieurs contrats ont été signés avec les sociétés minières dans une opacité totale et aucun n’a été encore rendu public. Pire, le nouveau mode de gouvernance reste le marché gré à gré.

La présidence reçoit de façon indue 5% des recettes des loteries et l’on parle de 555 milliards de déperditions au détriment du trésor public, 2 000 milliards perdus par an sur les exonérations de taxes faites à certaines sociétés minières.

Et, aujourd’hui la gabegie financière est légion sous sa présidence avec des acquisitions peu orthodoxes des membres de sa famille et de son régime qui s’enrichissent ostensiblement et illicitement au détriment des populations qui végètent dans la précarité.

Tiertio : Du populisme et du déni de la réalité

Mamadi Doumbouya, ancien de la légion française, ayant bénéficié des avantages de l’ouverture du monde veut vivre en vase clos et s’isoler pour protéger son pouvoir.

Il prétend être panafricaniste. Alors que nous savons exactement que la nouvelle imposture des personnalités de sa trempe, c’est de tenir des discours crus de « Panafricons » qui ne servent que ceux qui les tiennent et leur entourage immédiat masquant les vrais problèmes.

Quarto : de l’ignorance flagrante qui découle de sa remise en cause du modèle démocratique.

Churchill affirmait que “la démocratie est le pire des gouvernements à l’exception des autres”.

S’il faut donc reconnaître que la démocratie a des imperfections, il est important d’admettre que c’est le meilleur système qui donne le pouvoir au peuple pour le peuple et par le peuple. Dire que le modèle ne marche pas en Afrique est faux et populiste. En réalité, il y a des individus militaires, comme civils, qui continuent, par intérêt personnel, à se soustraire aux exigences de la démocratie qu’ils vilipendent durement. Or, la Guinée n’a pratique jamais connu de régime démocratique.

Cinquième : Faux procès intenté à la CEDEAO.

Quand le chef de la junte affirme : « la CEDEAO doit cesser de se mêler de la politique et privilégier le dialogue ». Honnêtement, on ne comprend pas ce qu’il veut dire au juste. En tous cas le dialogue n’est pas « militaire », il est éminemment politique et l’institution sous- régionale fait bien ce qu’elle peut pour ramener les putshistes à la raison.

L’institution a certes des efforts à faire, mais remettre en cause ses prérogatives politiques, lesquelles sont consignées dans des textes fondateurs que la Guinée a ratifiés, trahit une méconnaissance profonde de son histoire et du fonctionnement basique de ses institutions. Et, pourtant, l’armée guinéenne a même participé, sous l’étendard de la CEDEAO, à des interventions en Sierra-Leone et d’autres théâtres d’opérations extérieures.

En définitive, le Colonel Mamadi Doumbouya est entrain de commettre un parjure et de trahir tous les engagements qu’il a souscrits vis-à-vis des Guinéens.

Il revient au peuple de Guinée d’en tirer tous les enseignements nécessaires et d’agir en conséquence.

Abdoulaye Oumou SOW,  Journaliste/ Responsable Communication du FNDC

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