Guinée : Dr. Manizé Kolié tire la sonnette d’alarme sur la dégradation du secteur pharmaceutique

Dr. Manizé Kolié, président de l'association des pharmaciens de Guinée

L’humanité a célébré hier, lundi 25 septembre 2023, la Journée mondiale des pharmaciens, instituée à Copenhague, au Danemark, en 2009. Une journée qui offre aux professionnels de la pharmacie l’occasion de réfléchir aux avancées, aux obstacles, aux défis et aux perspectives du secteur pharmaceutique à travers le monde. Pour en savoir plus sur les questions liées aux acquis, difficultés, défis et aux perspectives d’avenir dans ce domaine en République de Guinée, un reporter de Guineematin.com a rencontré le Dr. Manizé Kolié, président de l’Association des pharmaciens de Guinée qui a mis en lumière plusieurs problématiques persistantes.

D’entrée, Dr. Manizé Kolié a rappelé que cette journée a été instituée pour mettre en lumière la profession pharmaceutique et son rôle crucial dans la chaîne thérapeutique. « La journée mondiale des pharmaciens du monde a été décidé en 2009 pour consacrer cette profession et sa particularité dans le cadre de ce qu’on appelle la chaîne thérapeutique, et c’est quoi la pharmacie ? Qui est pharmacien ? Quel est le rôle du pharmacien qui est le pharmacien aujourd’hui ? Parce que pour bondir sur la dernière option, c’est qu’aujourd’hui, le pharmacien a évolué. De nos jours, depuis la pandémie de la COVID 19, le pharmacien est autorisé à jouer un rôle d’agent de santé publique. Il peut faire des tests antigéniques, il peut également vacciner sans compter qu’il est le dernier recours dans la chaîne thérapeutique après toutes les consultations, c’est à lui revient le dernier mot. Il a le rôle régalien de pouvoir corriger un médecin dans les différentes prescriptions pour que le malade puisse aller aux soins dans les meilleures conditions et recouvrer sa santé en plus. C’est de là que la fédération internationale pharmaceutique a décidé de lui consacrer un jour. Ils ont décidé ensemble à Copenhague le 25 septembre 2009 que cette journée soit dédiée à magnifier cette profession et le pharmacien qui l’exerce. C’est ce qui fait qu’il est différent de cette pratique dans la plupart des pays du monde », a expliqué Dr Kolié.

Par ailleurs, le président de l’Association des pharmaciens de Guinée a exprimé ses inquiétudes quant à la prolifération de praticiens non qualifiés dans le secteur. Dr Manizé Kolié a aussi fait savoir que des efforts ont été fournis par le Ministère de la Santé pour rendre les médicaments plus accessibles en particulier dans les zones rurales. Mais, il reste encore beaucoup d’efforts à fournir pour l’atteinte des objectifs. « La particularité chez nous, c’est que nous sommes depuis 30 ans en train de nous battre pour assainir le secteur de la santé en général et le secteur de la pharmacie en particulier, parce que nous avons vu une avalanche de gens qui n’ont aucune qualité, dans la profession, qui a fait de notre pays la plaque tournante de la distribution des produits dans la sous-région et même au-delà. Ce qui est très regrettable quand on sait ce qu’est un médicament. Le médicament, nous à l’origine à l’université, on nous dit que c’est un poison qui doit être manipulé rien que par le professionnel qui en connaît les propriétés. On parle du poison pour soigner une maladie. Autant dire qu’il faut en avoir les aptitudes pour être en mesure d’être accepté dans le groupe de ceux qu’on appelle les pharmaciens. On ne peut pas s’autoproclamer pharmacien. N’est pas pharmacien qui le veut ; et aujourd’hui, nous sommes victimes, nos populations sont victimes, notre pays en est victime, la sous-région est victime de cette pratique illicite qui attribue simplement aux pharmaciens le rôle de vendeur de médicaments… Voilà tout le problème qui fait que ça devient une préoccupation et heureusement, depuis le 5 septembre 2021, les nouvelles autorités ont pris la mesure de l’enjeu, nous sommes venus au secours. C’est pourquoi il y a un pas en avant. C’est la première fois qu’on a assisté à une fermeture généralisée sur toute l’étendue du territoire de la vente illicite des produits pharmaceutiques, par des non professionnels de surcroît. Et ce n’est pas encore fini, parce qu’au jour d’aujourd’hui, presque tous les marchés ont repris et si on ne prend pas des mesures sérieuses, c’est qu’on va revenir encore à la case départ. Tout est fait pour qu’on revienne à la case départ. Je profite donc de votre média pour interpeller les autorités afin que nous puissions nous lever encore une fois, pour pouvoir terminer ce boulot. Il y a des avancées. Il y a le Ministère de la Santé qui, à travers la pharmacie, a fait un gros coup en installant des dépôts pharmaceutiques dans les grandes régions, mais il faut se dire que la couverture sanitaire n’est pas à son beau fixe. Il y a aujourd’hui des localités qui manquent de médicaments, il y a des sous-préfectures qui manquent de médicaments. Il y a un gros effort à faire encore. Je pense que d’ici quelques temps, on va arriver à combler le vide… ».

Dr. Manizé Kolié, président de l’association des pharmaciens de Guinée

En outre, Dr. Manizé Kolié a regretté la détérioration de la qualité des services pharmaceutiques en Guinée, depuis la formation jusqu’à l’exercice de la profession. Il a insisté sur l’importance de revoir les normes de formation académique en pharmacie pour garantir des soins de santé de haute qualité. « La pharmacie se dégrade. C’est le mot qui convient. La pharmacie se dégrade depuis la formation jusqu’à l’exercice de la profession. Aujourd’hui, on vient à la pharmacie quand on veut. Avant ça, il y a 40 ans, il y avait tout un panel de diplômes qu’il fallait avoir, qui ne sont plus de règles. L’argent te permet de t’installer dans n’importe quelle classe et y avoir n’importe quel diplôme pour être l’équivalent du meilleur des pharmaciens de Guinée. Alors, la formation des ressources humaines est un grand problème aujourd’hui. C’est ce qui fait que même si on arrivait à avoir le niveau le plus élevé en matière d’infrastructures sanitaires, on sera toujours obligé d’évacuer nos malades. Ce qui est très dommage. Aujourd’hui la formation académique est complètement au rabais pour ne pas dire même que ça n’existe pas. On vient juste en pharmacie en disant que si je peux lire l’alphabet, je peux lire le moindre nom de médicaments et pouvoir le vendre. Là, on a bâclé et la profession est en train de tomber en décrépitude. Il faut qu’on arrête ça et que la formation académique en pharmacie soit prévue. Sinon, on va former rien que des assassins. Après plus de 40 ans, c’est maintenant qu’on est en train de faire une cartographie pour les pharmacies. Il n’y a aucune statistique. Tout est à refaire », a-t-il laissé entendre.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

Tél. : 622919225

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