Les enseignants contractuels de N’Zérékoré n’ont toujours pas repris le chemin de l’école depuis l’ouverture des classes le 03 octobre dernier. Ils exigent toujours de l’Etat le paiement de leurs arriérés de salaires et de primes de l’année scolaire 2022-2023. Réunis à la mairie de N’Zérékoré dans la matinée de ce lundi, 9 octobre 2023, ces enseignants contractuels rejettent une fois de plus la proposition faite par le gouvernement, et disent être prêts à continuer leur mouvement de boycott, rapporte l’équipe de Guineematin.com basée dans la préfecture.
Les enseignants contractuels de N’Zérékoré sont décidés à se battre jusqu’à la satisfaction de leurs revendications. Ce lundi, ils ont exprimé leur colère devant l’incapacité des autorités à satisfaire leurs revendications.
Moriba Doualamou, coordinateur régional des enseignants contractuels de N’Zérékoré : « nous avons regroupé les enseignants contractuels aujourd’hui à la mairie par rapport à deux (2) situations. La première part d’une information qu’on a reçue de la coordination nationale portant sur le paiement de nos arriérés de salaires et de primes. Et, le deuxième point porte sur le mouvement d’abandon des classes, pour nous permettre d’avoir nos arriérés de salaires et de primes. Nous sommes là ce matin pour ces deux (2) raisons. C’est pourquoi, je profite pour dire merci à ces enseignants contractuels dont les 99% ont observé le slogan de « pas de cours, pas de rentrée ». Ils ont compris cela pour rester jusque-là à la maison en attendant toujours ces arriérés. Et d’ailleurs, c’est le fait de bouder les classes qui a poussé l’Etat ces derniers jours après l’ouverture des classes, à prendre une nouvelle proposition sur notre situation. Cette nouvelle proposition de l’Etat est de dire aux enseignants qu’ils vont payer de façon graduelle, quatre millions considérés comme une partie de nos arriérés que nous réclamons. Pour ces quatre millions, l’Etat dit être prêt à payer deux millions en fin octobre 2023, et deux millions francs en fin novembre 2023, tout en nous demandant de reprendre le chemin de l’école sans argent. Alors ce matin, après ce compte rendu aux enseignants contractuels, cela a suscité une fois de plus la colère des uns et des autres. C’est pourquoi, il ressort de cet entretien que nous ne partirons pas en classes sans argent. Si l’Etat veut payer ce montant qu’il suppose payer, qu’il le fasse dès maintenant, si non à l’unanimité, nous sommes décidés à rester à la maison. Ces enseignants sont décidés à partir jusqu’au bout. C’est pourquoi ils exigent que les quatre millions proposés par l’Etat soient payés avant toute reprise. Alors sur cette décision, j’invite tous les enseignants contractuels à resserrer les rangs, à être unis et solidaires en restant simplement à la maison », dit-il.
Par ailleurs, Moriba Doualamou a fait savoir, au nom de tous les enseignants contractuels de N’Zérékoré, qu’ils ne sont plus prêts à rester à la charge de la communauté. « Dans des réunions précédentes avec la DPE et la coordination préfectorale des APEAE, nous avons jugé nécessaire de ne plus être à la charge de la communauté pour des questions de moyens et d’autres raisons… ».
Abondant dans le même sens, Innocent Théa, secrétaire régional des enseignants contractuels, apporte quelques précisions sur la statistique des enseignants contractuels dans la région forestière et pour la préfecture de N’Zérékoré. « Plus de 50% des enseignants de Guinée sont des enseignants contractuels. La situation des enseignants contractuels est une pierre angulaire, c’est-à-dire la racine de l’éducation que les autorités ne doivent pas rejeter. Pour la Guinée forestière, nous sommes 4146 enseignants contractuels, et 915 pour N’Zérékoré. Si les 4146 enseignants contractuels abandonnent les cours, voyons ce que ça fait dans l’éducation des enfants. Les enseignants contractuels ont donné toutes les possibilités et toutes les chances à l’Etat pour résoudre cette situation, mais en vain, si non que des promesses. Pour cette fois-ci encore, c’est le même plan de promesses, juste pour nous faire retourner dans les classes. Si l’Etat est prêt à faire ce qu’il a proposé lui-même, qu’il le fasse maintenant… sans quoi, nous n’irons pas classe, sans que nos arriérés ne soient payés », a dit le secrétaire régional des enseignants de N’Zérékoré, Innocent Théa.
Présente à cette assemblée, Simonne Loua, enseignante contractuelle, perçoit mal cette proposition de l’Etat, et dit être prête à rester toujours à la maison si les arriérés ne sont pas payés. « Personnellement, je perçois mal cette nouvelle annonce de l’Etat, le fait de dire fin octobre et fin novembre. Pendant ce temps, avec quoi nous allons prendre soin de nos familles, de nos enfants et ainsi de suite. Je m’attendais à ce qu’on nous dise de venir prendre nos arriérés et continuer le travail. On a effectué un travail dans les normes qui n’est pas payé jusque-là. Alors, comment nous aurons ce courage aveugle de repartir pour ce même travail ? Avec la communauté (APEAE), on ne veut plus de contrat. Parce que cette communauté nous a aussi fatigués par le passé dans le mode de paiement de nos primes. Si les parents collectent l’argent, on ne nous donne pas à temps. Pour payer un seul mois, il faut être à trois (3) ou quatre (4) mois de travail. Et des fois, tous les mois ne sont pas payés. Pour cette fois-ci, je suis prête, quelles que soient les conditions, à bouder les cours, s’il n’y a pas d’argent », a-t-elle laissé entendre.
Presque en larmes, Pola Doré, dit ne plus savoir à quel sens se vouer, mais reste tout de même sereine sur le mot d’ordre de boycott. « Je suis enseignante contractuelle depuis treize (13) ans. Je ne suis plus une enfant et je vieillis à petit feu sans pour autant bénéficier du fruit de mon travail. Si l’Etat ne nous dit que de faire à cause de nos enfants ; alors en le faisant, nous aussi, que deviendrons-nous ? Je ne sais plus à quel saint me confier, mais Dieu est grand. Certaines femmes ont perdu leur foyer dans cette affaire de contractuels, d’autres ont perdu la vie dans des maladies faute de moyens de traitement. J’étais contente quand ma fille avait décroché le brevet, mais maintenant-là, qu’est-ce que je peux pour elle ? Je pleure. Tout comme nos camarades qui ont appris des métiers, nous aussi, nous avons opté pour l’enseignement dans l’espoir de nous prendre en charge nous-mêmes. Nous sommes prêts dans l’ensemble à bouder les classes jusqu’à satisfaction de nos revendications », martèle la dame.
De N’Zérékoré, Foromo Gbouo Lamah, Jean David Loua et Joseph Goumou pour Guineematin.com
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