Massacre du 28 septembre : Mamoudou Barry sur la mort de son père

Comme annoncé dans les précédentes dépêches de Guineematin.com, la déposition des victimes du massacre du 28 septembre se poursuit au tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Dans un récit pathétique, Mamoudou Barry, marchand, né en 1979 à Mamou, qui réside à Sanoyah (préfecture de Coyah), a expliqué au tribunal les circonstances dans lesquelles son papa a disparu, le 28 septembre 2009.

Guineematin.com vous propose, ci-dessous, le décryptage des propos de Mamoudou Barry

Le lundi 2009, j’ai quitté chez moi pour aller au stade. Arrivé au carrefour Boston, j’ai trouvé des gens en partance pour le stade. Nous sommes passés par Hafia pour sortir au rond-point de la Bellevue. Entre temps, nous avons croisé les pickup de Mouctar Diallo (ancien ministre et leader des NFD). Il nous a dit de nous retourner à la maison puisqu’ils tiraient sur les gens.

De retour à la maison à la Carrière, j’ai demandé à ma sœur où sont les enfants et papa, elle me dit qu’ils étaient partis au stade aussi. Certains enfants sont revenus blessés. J’ai demandé où est papa et le petit Moustapha, aucune réponse. Je suis sorti de la maison à leur recherche.

Arrivé sous le pont de Madina, les gendarmes qui étaient chez Baldé Bodié nous ont empêchés de passer. De recherche en recherche, j’ai appelé à la maison. Ils m’ont dit que l’enfant, Moustapha, est rentré.

Vers 16 heures, j’ai continué d’appeler le téléphone de papa ; mais, personne ne répondait. Vers 17 heures, le téléphone ne sonnait plus. A 19 heures, des voisins à nous nous ont dit qu’un vieux qui ressemblait à mon papa était couché à la CMIS de la Minière. Vers 20 heures, nous sommes arrivés au centre de santé de la Minière. Nous avons montré la photo de mon père ; mais, ce n’était pas son corps.

Le lendemain, je suis venu à Donka, j’ai regardé entre les blessés. Je ne l’ai pas retrouvé. A la morgue, j’ai montré la photo, ils ont dit que ce sont des enfants qui sont là. A Ignace Deen, je suis allé voir une connaissance pour lui parler de mon père qu’on cherchait, aucune nouvelle non plus.

Je suis allé au camp Alpha Yaya, puisque certains disaient qu’il était arrêté avec d’autres. J’ai croisé un oncle qui cherchait aussi son beau frère. Quelqu’un m’a vu entrain de discuter avec les militaires. Il m’a déconseillé de ne pas discuter avec eux pour ne pas qu’il me fassent du mal.

Le mercredi, des gens m’ont dit d’aller à la CMIS de la Camayenne montrer sa photo. Un agent m’a indiqué l’endroit où il pouvait être. A la porte, deux agents ont essayé de m’empêcher de rentrer. Le Commandant a confirmé que mon papa est là et que je devait payer de l’argent pour le faire libérer. Mais, c’était faux, il n’y était pas. Le Commandant s’est défendu en disant qu’il a été libéré. J’ai décidé de trotter pour voir si je pouvais rencontrer mon papa en cours de route. Mais, arrivé au niveau de l’esplanade du stade du 28 septembre, mon oncle m’a conseillé d’aller voir dans les vestiaires. Nous avons trouvé des policiers qui jouaient au damier. C’est l’un d’entre eux qui m’a dit que mon père fait partie des morts. Il a décrit son habillement. Il a ajouté que son corps a été mis dans l’ambulance pour être envoyé en ville.

Un autre inspecteur de police, une connaissance, nous a confirmé qu’effectivement mon papa fait partie des morts qui avaient été embarqués dans une ambulance…

Finalement, c’est à la mosquée Fayçal où les corps étaient exposés le vendredi 3 octobre que j’ai vu mon père couché. La famille nous a aidés à ramener le corps et à enterrer le vieux à la Carrière…

Propos recueillis et décryptés au tribunal criminel de Dixinn par Abdallah Baldé pour Guineematin.com

Tél: 628089845

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