Immigration clandestine : passé par le Nicaragua pour arriver aux USA, un jeune guinéen raconte

L’immigration clandestine a encore beaucoup d’adeptes avec la nouvelle tendance qui consiste à passer par le Nicaragua pour se rendre aux Etats-Unis d’Amérique. Des adolescents, des jeunes hommes ou femmes, des adultes, sont nombreux à avoir emprunté ce chemin et d’autres sont déjà en route pour se rendre au pays de l’Oncle Sam. Après un parcours du combattant, un guinéen est arrivé à Philadelphie, aux USA, il y a de cela quelques jours.

Interrogés par le correspondant de Guineematin.com basé à Labé, notre compatriote a expliqué les péripéties qui ont ponctué son voyage, notamment du Nicaragua aux USA, en passant par le Honduras.

Ils sont nombreux ces jeunes filles et garçons, adultes et femmes enceintes ou non, portant parfois des enfants au dos, qui empruntent la voie de l’immigration clandestine. Ces derniers temps, la voie du Nicaragua pour aller aux États-Unis est devenue le trajet de prédilection des migrants. En Guinée, certains peuvent débourser jusqu’à 11 mille dollars pour effectuer ce voyage périlleux.

Un jeune de Labé, arrivé aux USA récemment, a raconté son aventure à notre reporter. Notre interlocuteur dit qu’il ignorait les risques et dangers liés au voyage vers le Nicaragua, un véritable saut dans l’inconnu. « Je suis originaire de la préfecture de Koubia, mais je suis implanté à Labé avec ma famille. J’ai quitté Labé, le 4 septembre 2023 pour arriver à Dakar, au Sénégal. Mais, j’y ai retardé un peu, à cause de mon billet d’avion que je n’ai pas reçu à temps. J’ai quitté le 16 septembre à Dakar pour Istanbul, en Turquie. Après une escale, j’ai pris l’envol pour Bogotá en Colombie. Après je suis arrivé à Salvador, puis au Nicaragua. Tout ce trajet, c’est par avion. Mais c’est à partir du Nicaragua que le calvaire commence », a dit d’entrée notre interlocuteur.

Poursuivant, le jeune Guinéen a réussi à braver tous les obstacles pour arriver aux États-Unis. Mais avant d’y arriver, la traversée est un parcours du combattant. « C’est à partir du Nicaragua que le calvaire commence pour les candidats à l’immigration clandestine. Si vous prenez 100 personnes, chacune a vécu ses propres souffrances. Personnellement, quand je suis arrivé au Nicaragua, avec 4 personnes, nous nous sommes embarqués à bord d’une moto à trois roues pour nous amener jusqu’à la frontière entre le Nicaragua et le Honduras. C’est là-bas où on a passé la nuit dans des conditions exécrables. Le matin, on est venu au service d’immigration où nous avons trouvé un grand nombre de candidats provenant de différents pays. C’est à ce niveau qu’on nous a donné des papiers de laisser-passer nous permettant de rentrer dans leur pays et d’y rester pour une durée de 5 jours. De là, un autre réseau de passeurs nous a récupérés pour nous embarquer dans un bus jusqu’à la frontière du Guatemala, où nous avons passé la nuit. Le matin, on nous a donné des vélos pour la traversée, jusqu’à un endroit qu’ on appelle Thiapathioula. Tout ça, c’est pour échapper à la police. A ce niveau, il faut traverser une rivière. A l’autre rive, nous attendaient des camionnettes, à bord desquelles on nous a entassés comme des sardines ou du bétail qu’on transporte. Nous y sommes restés deux jours. Arrivée à Tousla, nous avons emprunté des motos pour entrer dans la brousse afin de dévier la police de l’immigration. Après une nuit, dans la brousse, sur des motos, nous sommes arrivés à San Pedro. C’est là qu’on nous a laissé seuls, dans la brousse. Il nous a fallu marcher dans cette brousse dangereuse. C’est aux environs de trois heures que nous avons vu des motards rouler. Au début, on pensait que c’est la police qui faisait de la patrouille. Mais heureusement, c’était des taxi motards qui cherchaient des clients, comme ils savent que la forêt est bondée de migrants à la recherche d’une issue. Ils nous ont proposé trois cent dollars chacun pour nous envoyer vers la prochaine ville. Mais, je n’avais plus d’argent sur moi », raconte notre interlocuteur sous anonymat.

Ce qui n’a pas découragé notre compatriote, décidé à arriver aux USA. « Il fallait se cacher pour aller le matin à la gare routière pour couper un ticket de voyage. Mais malheureusement, le bus du jour était rempli, il fallait attendre le lendemain à 18 heures. On a cherché où passer la nuit pour ne pas être épinglé par la police. Quand nous avons réussi à embarquer, on nous a arrêtés en cours de route par la police, nous réclamant 200 pesos. Après, ils nous ont fouillé et nous ont dépouillé de tout ce qu’ils ont trouvé dans nos poches. Même les bébés sont fouillés. On enlève même leurs couches pour chercher de l’argent. Mais quand on est migrant, on ne garde pas de l’argent dans les poches…. C’est comme ça que nous avons continué jusqu’à Mexico. Et pour aller jusqu’à la frontière avec les USA, il faut payer 5000 pesos sur des motos. Nous sommes arrivés jusqu’à mi-chemin, ces taxi motards nous ont dit qu’ils ne vont pas continuer, car le service d’immigration était tout prêt. On était obligé de descendre et chercher où passer la nuit. On est entré dans la brousse, où on a parcouru 4 à 5 kilomètres. Une brousse dangereuse, dans laquelle on évitait des serpents et autres animaux sauvages. C’est comme ça qu’on a marché toute la nuit et presque toute la journée qui a suivi, sans nourriture ni eau. On était avec des femmes enceintes, des enfants et des adultes. La souffrance était au comble. Parce que si ton argent est fini, c’est là-bas qu’on te laisse. Si tu arrives aussi à tomber malade, tu n’auras personne pour te soutenir. La personne peut trouver la mort sur place sans la moindre assistance. Il nous a fallu payer 200 pesos pour emprunter un bus qui nous a rejoint pour aller jusqu’à la frontière avec les États-Unis. C’est de là que chacun a cherché à entrer sur le territoire américain. Mais à vrai dire, la traversée est un entraînement. Elle est très compliquée », révèle notre interlocuteur.

Il termine son témoignage par des conseils. « Actuellement, je suis à Philadelphie où j’ai eu la chance d’être hébergé. Mais les gens doivent comprendre qu’ici aux USA, ce n’est pas l’eldorado, et pour y arriver, il y a beaucoup de risques. Par exemple, il y a des jeunes avec lesquels je suis venu qui n’ont pas quelqu’un pour les héberger. Ils passent la nuit dans des mosquées, où ils vivent de la mendicité. D’autres sont au bord des rues parce qu’ils n’ont pas où rester. Et même si tu as où rester, tu n’es pas libre de tes mouvements. Tu n’es pas libre d’aller où tu veux, non plus de travailler tant que tu n’as pas régularisé tes papiers, de peur d’être arrêté par la police. Tu es comme un prisonnier, ce n’est pas du tout facile. Je demanderai à tous ceux qui ont les moyens pour vivre au pays d’y rester, ou de choisir la voie légale », conseille-t-il.

Alpha Boubacar Diallo pour Guineematin.com

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