Attaque de la maison centrale : des riverains, toujours traumatisés, racontent leur calvaire

Hawa Conté, riveraine de la maison centrale

Comme indiqué dans nos précédentes dépêches, la journée du 4 novembre a été un véritable calvaire pour les riverains de la maison centrale de Conakry, où très tôt le matin, le Capitaine Moussa Dadis Camara, ancien Président du CNDD, le Colonels Moussa Thiégboro Camara, Claude Pivi et Blaise Gomou, tous de hauts dignitaires du régime déchu, accusés dans le dossier du massacre du 28 septembre, se sont retrouvés au dehors, dans des conditions qui restent à déterminer.

Pour les riverains de la maison centrale, notamment les habitants du quartier Coronthie, ce fut une journée d’enfer lors de ces évènements, marqués par un bilan officiel de 9 morts et plusieurs arrestations.

Une équipe de journalistes de Guineematin.com, s’est rendue dans ce quartier où elle a rencontré des pères et mères de famille, encore sous le choc. C’est le cas de Mohamed Sylla qui était à la mosquée pour la prière de l’aube au moment des faits. Mais les tirs ont semé la panique et ont failli interrompre la prière des fidèles musulmans.

Mohamed Sylla, riverain de la maison centrale

« Ce problème-là nous a trouvé dans la mosquée. On n’a pas bien prié ce  samedi. Vous savez avant tout que c’est Dieu qui compte. Malgré qu’il y ait des coups de feu qui continuaient, on a pu quand même faire la prière. Puisque nous sommes les esclaves de Dieu, on respecte toutes les règles qu’il nous établies. Donc après la prière on est rentré chez nous, les assaillants étaient déjà sortis, mais les militaires tiraient partout et finalement, ils nous ont intimé de rentrer dans la maison. Mais moi je ne suis pas rentré dans la maison, je suis resté assis là, au dehors, sous cet arbre, où vous vous êtes arrêtés comme c’est chez moi, pour observer. Après tout, où est-ce que je vais partir ? J’ai dit tout ce qui va m’arriver va me trouver chez moi ici », a raconté ce sexagénaire. Comme beaucoup d’autres, dès qu’il a entendu les premiers coups de feu, il a pensé à un autre « 5 septembre ».

« Honnêtement, quand j’ai entendu les coups de feu, j’ai pensé au changement du régime. Vraiment la Guinée c’est un pays à part. Dans la famille tout le monde avait peur. Personne n’a osé montrer son nez dehors pendant toute la journée. C’est le chaos total. Actuellement, on ne pense qu’à aller aux élections qui mettent fin à la transition. C’est qui va stabiliser le pays », a souligné M.Sylla.

Ibrahima Conté, habite à quelques pas de la maison centrale de Conakry. Pour se sauver des tirs dans ce quartier, certains des membres de sa famille sont rentrés sous le lit. Trois jours après, il reste toujours sous le choc.

Ibrahima Conté, riverain de la maison centrale

« Nous on a mal vécu cette journée. C’est à 5 heures du matin qu’on a entendu le premier coup de fusil. Ma femme m’a réveillé pour me dire ah : Mr Conte j’ai entendu des coups de feu. Nous-même, on pensait que c’était des bandits qui étaient en train de tirer pour quitter la prison. Mais on a vu que les coups de fusil continuaient toujours on a alors pensé que c’était le changement du pouvoir. Comme à 5 heures déjà c’est la prière de fadjr, on a fait nos ablutions et on est parti à la mosquée. De là, ils ont commencé à tirer à côté de la mosquée. J’ai dit awa aujourd’hui, c’est un autre jour parce qu’on a difficilement prié. Dès qu’on a fini de prier il  y a un gendarme qui est venu nous dire de rentrer vite à la maison. On est rentré pour nous abriter. Vers 7 heures du matin les coups de feu ont repris et on a appris qu’il y a eu une évasion de prisonniers à la maison centrale. Que c’est Dadis, Pivi et Tiegboro qui ont fui. Nous sommes restés là, la peur au ventre. Certains enfants sont allés se mettre sous le lit pour se sauver », a relaté Ibrahima Conté.

Non loin de la famille Conté, se trouve dame Hawa Conté, visiblement souffrante. Pour cette dame, mère de 7 enfants et qui vit avec sa maman, depuis le 4 novembre, la vie des riverains de la maison centrale est devenue plus dure.

Hawa Conté, riveraine de la maison centrale

« Moi quand les coups de fusil ont commencé j’étais couchée à la maison. Dès que j’ai entendu, je me suis réveillée brusquement de là où j’étais couchée. J’ai eu vraiment peur. Ma mère m’a appelé pour me dire de venir me coucher à côté d’elle avec mes enfants. J’ai alors pris mes enfants pour partir me coucher à côté d’elle. J’ai eu vraiment très peur. Vous avez vu vous-mêmes que je suis une malade. Les coups de fusils m’ont traumatisée.  Ce jour-là, nous n’avons pas pu préparer quelque chose, même pour les enfants. Parce qu’on n’avait rien. Et je n’avais pas d’argent non plus. D’ailleurs vous-mêmes vous avez constaté, on est pauvre. Je demande au gouvernement, de nous aider à trouver de quoi manquer. Jusqu’à présent, rien ne va ici. Personne ne peut se mouvoir autour de la maison centrale. Tous les accès sont bloqués. D’ailleurs, c’est l’occasion de demander à l’Etat de nous éloigner un peu de cette maison centrale, c’est vraiment dangereux ce qui se passe dans ce pays. La maison centrale doit être à un endroit éloigné des populations », a sollicité cette mère de famille.

Ahmed Tidiane Diallo lui, est vendeur de café noir, à un micron de la maison centrale, dont les accès sont interdits aux passants. Ce père de famille, logé en haute banlieue de Conakry, Dabomba, se plaint d’avoir été contraint d’abandonner ses affaires pour passer la nuit à la belle étoile au quartier Coronthie.

Ahmed Tidiane Diallo, vendeur de café noir derrière la maison centrale

« Moi j’habite très loin de Kaloum. Je suis jusqu’à Dabompa dans la commune de Matoto. Je me débrouille ici dans ce quartier de Coronthie, en vendant du café noir, juste derrière la maison centrale. Depuis que ces évènements ont eu lieu, moi je n’ai pas accès à mon kiosque. Ils ont mis un barrage et la route a été bloquée à tout le monde. Mes affaires sont laissées comme ça et c’est grâce aux bonnes volontés que je suis reçu dans une famille. Mais nous passons tous la nuit à la belle étoile. C’est très dur. Moi je ne peux même pas décrire ce qui s’est passé le samedi 4 novembre. Puisque je ne suis pas concerné. Je suis très préoccupé par ma famille. Je n’arrive pas à faire face à mes obligations. Je ne trouve même pas les moyens de donner la dépense à ma famille. Je sollicite l’implication des autorités pour nous permettre de nous occuper de nos affaires. C’est tout ce que j’ai à dire », a expliqué ce père de famille, encore traumatisé.

Propos recueillis et décryptés par Hassanatou Kanté et Abdallah BALDE pour Guineematin.com

Tél. : 628 08 98 45

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