Conakry : une opération de déguerpissement vire à l’affrontement à Kaporo-rails

Dans la matinée de ce jeudi, 30 novembre 2023, des gendarmes à bord d’au moins six pick-up ont conduit une opération de déguerpissement au secteur 7 Mosquée Diallo Samba (dans le quartier Kaporo-rails, dans la commune de Ratoma). Ces gendarmes, accompagnés de « loubards », se sont attaqués à la concession de monsieur Alpha Oumar Diallo, ingénieur en service à l’habitat de Dubréka. Ils ont aussi fait déguerpir des boutiquiers. Irrité par cette situation, des jeunes du quartier sont sortis s’en prendre aux agents et ériger des barricades sur la route. Un enseignant de 72 ans, Ibrahima Sacko, a été blessé au visage dans les heurts entre les deux camps.

Selon les informations confiées à Guineematin.com, la présente opération de déguerpissement a pris de court les habitants du Secteur Mosquée Diallo Sambaya. Et, elle serait la conséquence d’un vieux conflit domanial qui oppose principalement certains habitants de ce secteur à une famille Soumah qui se réclame propriétaire des lieux.

Ce matin, c’est par la concession de monsieur Alpha Oumar Diallo, ingénieur en service à l’habitat de Dubréka et père de neuf enfants, que les gendarmes ont entamé leur opération.

« Le matin, toute la famille dormait quand six pick-up de gendarmes sont venus ici avec deux magbana (minibus) de loubards pour nous réveiller en sursaut. Ils ont tapé à nos portes et nous ont demandé d’ouvrir. Quand j’ai demandé ce qu’il y a, ils ont dit qu’ils sont venus pour déguerpir. Je leur ai demandé de me montrer le document de déguerpissement, parce que je n’ai jamais été informé. Ils ont dit : non, nous avons reçu un ordre de la justice et ils sont là pour l’exécuter. C’est ainsi qu’ils sont entrés et ils ont vidé la maison. Ils ont pris notre argent, nos objets et bien d’autres choses pour aller avec. C’est ce qui a irrité les jeunes. Ces derniers se sont révoltés, ils sont venus barricader les routes. Les gendarmes ont interpellé quelques jeunes, ils sont partis avec eux. J’ai déjà informé mon avocat. Il est même allé rencontrer le commissaire de Kaporo-rails, ce dernier a dit que ce ne sont pas eux qui sont intervenus. Mon avocat a aussi appelé le procureur de Dixinn, ce dernier aussi a dit qu’il n’a pas donné ordre de venir faire le déguerpissement. Donc, je demande à ce qu’on me rétablisse dans mes droits, parce que ça fait 32 ans que je vis ici. C’est moi qui ai loti cette zone. J’ai mon plan de masse, mon titre foncier et l’arrêté de Bana Sidibé de 1991 », a-t-il expliqué.

Tout comme monsieur Diallo, Sékou Béavogui, environnementaliste et ingénieur agronome, se trouve dans la ligne de mire de ces gendarmes à la solde de la famille Soumah.

« Ce conflit touche cinq ménages. Et, d’après ce que nous avons vu sur l’ordonnance, on est en conflit avec les familles Soumah et Barry. C’est la famille Barry qui nous a cédé les domaines, mais la famille Soumah se réclame propriétaire des lieux. Tous les documents ont été fournis à la justice, par le biais de nos avocats. Et, depuis le 7 avril 2023, ils (la famille Soumah) ont procédé à une première casse. Pour l’instant, l’affaire est pendante à la justice. Mais, ce matin, ils sont revenus pour procéder à cette intervention. Ils sont venus avec des loubards. Malheureusement, jusqu’à date, la famille Soumah n’a jamais comparu devant la justice pour cette affaire, alors que nous avons porté plainte contre elle. Et donc, aujourd’hui nous ne savons pas à qui nous avons affaire », a-t-il indiqué.

Cette opération a touché la boutique de Salamata Bah, vendeuse de produits cosmétiques. Elle pleure « beaucoup de pertes » de marchandises.

« C’est ce matin qu’on m’a appelée pour dire que des gendarmes sont venus pour casser des maisons ici. Je me suis précipitée pour venir. Et, une fois sur les lieux, j’ai trouvé beaucoup de pick-up ici. Les gendarmes sont venus nous dire de sortir des marchandises, ils vont casser nos boutiques. Ils étaient avec des magbana (minibus) remplis de bandits. Ils ont autorisé ces derniers à venir casser nos boutiques. J’ai sorti mes marchandises à la hâte, beaucoup de mes produits ont été gâtés », a-t-elle déploré.

A en croire Elhadj Alpha Mamadou Saliou Barry, chef du quartier Kaporo-rails, aucune autorité n’était informée de la tenue d’une telle opération à Kaporo-rails.

« J’ai été informé par un de mes chefs de secteurs que des pick-up de gendarmes sont venus pour déguerpir un de mes citoyens nommé Alpha Oumar Diallo. Ainsi, je lui ai demandé s’il a reçu un document émanant des autorités pour cette opération. Il m’a répondu qu’il n’a reçu aucun document. Alors, j’ai directement appelé le maire pour l’informer et savoir s’il était au courant de cette opération. Malheureusement, le maire me dit qu’il n’a jamais été informé de ce cas… Par après, les jeunes du quartier sont sortis pour jeter des pierres et barricader la route. Donc, j’ai finalement demandé au maire d’intervenir pour ne pas qu’il y ait assez de dégâts sur le terrain. J’ai aussi cherché à joindre le procureur qui m’a dit qu’il n’a pas encore été saisi de ce problème. Il m’a même demandé de lui donner les renseignements des agents qui se sont déplacés sur le terrain. Et, d’après les informations, ce sont des gendarmes venus de Cosa et de Kipé », a-t-il indiqué.

Durant cette opération de déguerpissement, des heurts ont éclaté entre les gendarmes et les jeunes du quartier. Les affrontements entre les deux camps ont fait un blessé. La victime, monsieur Ibrahima Sacko, est un enseignant âgé de 72 ans. Il a été blessé par projectile.

« J’avais un programme à Cosa, je suis sorti de la cour de l’école, j’ai dépassé un premier barrage. Mais, j’ai trouvé un autre barrage sur la route. Et là, il y avait une mésentente entre les jeunes. Certains voulaient maintenir le barrage, alors que d’autres étaient contre. Donc, c’est dans cette dispute là qu’ils ont commencé à se jeter des projectiles. C’est dans ça qu’un caillou m’a atteint », a-t-il confié.

Après sa blessure, monsieur Ibrahima Sacko a été conduit d’urgence dans une clinique à Démoudoula pour des soins.

« Lorsque je le recevais, il était accompagné par un groupe de jeunes qui le tenaient. Il saignait au niveau de l’arcade sourcilière droite. Donc, on a cherché à arrêter l’hémorragie et on a fait la suture », a dit Dr Oumar Kandia Doumbouya, médecin au cabinet médical Démoudoula.

Mamadou Baïlo Keïta et Amadou Baïlo Batouala Diallo pour Guineematin.com

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