Koundara : voici la fosse commune de Wadiatoullahi, où sont enterrés des mercenaires de l’agression Portugaise

Fosse commune Wadiatoullahi

Le secteur de Wadiatoullahi, dans le district de Sambaldé, relevant de la commune rurale de de Sambailo, dans la préfecture de Koundara, a été le théâtre d’une bataille sans merci lors de l’agression portugaise contre la Guinée, la 22 novembre 1970. Cette localité, qui compte plus 3000 habitants, abrite une fosse commune contenant 7 assaillants, qualifiés de « mercenaires », tués lors des combats. Interrogé par l’envoyé spécial de Guineematin.com, Mouhamadou Oury Boiro, un sage de la localité, a raconté ce qui s’est passé.

Mouhamadou Oury Boiro, un sage de la localité

« Nous avons vécu le temps de l’agression portugaise de 1970. Je faisais partie de l’équipe de vigilance, à l’époque. Nous faisions la patrouille nuit et jour. On avait reçu un formateur spécialiste pour mener cette mission », informe-t-il d’entrée.

C’est pendant ces missions de vigilance que la patrouille est tombée sur les assaillants. « Un jour, par coïncidence, on s’acheminait vers la montagne pour effectuer des visites sur les lieux. C’est ce jour que nous avons rencontré certains mercenaires, précisément à Gadha Lougguel, sous un gros arbre fruitier. Ils étaient plus d’une vingtaine. On ne pouvait pas connaître le nombre exact, parce qu’on avait peur. Cette rencontre brusque a attiré une attention particulière sur moi par rapport à une culotte de Leppi que je portais. Sur le coup, un des mercenaires m’a dit, donc il y a un détenteur de Leppi vivant ? Ils ont tous souri. Ils ont demandé où est ce que nous partions. Directement, ils ont eu l’audace de nous dire qu’ils sont venus dans notre territoire. Et qu’ils veulent nos villages. Ils veulent surtout avoir les autorités de Koundara. Cependant, nous pouvons aller automatiquement alerter nos chefs, en disant qu’ils n’ont pas besoin de nous les citoyens. Là, chacun de nous a voulu mouiller sa culotte. Nous avons rebroussé chemin en prenant la poudre d’escampette. Nous étions un groupe de 9 personnes à fuir », explique monsieur Boiro.

Après cette rencontre, les « mercenaires » vont s’en prendre à un village proche des lieux. « Les mercenaires ont investi le village, communément appelé Youppodou, pour dévaster le champ de maniocs qui était là, parce qu’ils avaient faim. Entretemps, les sages les ont conseillés de s’éloigner du milieu un peu, sous prétexte de leur trouver à manger. Conscient de leur force et de leurs armes, il était difficile pour nos chefs de résister pour les repousser. Ils sont partis à une distance de 2 km. Et au même moment, l’armée guinéenne était déjà au courant de leur présence. C’est ainsi qu’il y a eu échange de tirs entre les deux camps. Tous les habitants ont pris la fuite pour venir se réfugier chez le Thierno (chef religieux). Du côté de l’armée guinéenne, un garde a été tiré et écrasé par le fusil, appelé Bazoooka venant du camp adverse. Un militaire de l’armée de la Guinée Bissau aussi, atteint par balles au pied, a pu rentrer au village chez nous, à Wadiatoullahi. Mais une fois arrivé, il a été ligoté jusqu’ à l’arrivée de l’armée guinéenne, qui l’a finalement emporté. »

Notre interlocuteur a fait savoir que 7 assaillants seront tués et enterrés par les villageois dans une fosse commune. « Le lendemain, les militaires guinéens nous ont instruit de se rendre au champ de bataille pour savoir le nombre de personnes tuées, et voir comment les enterrer. Certains parmi nous ont eu le courage de partir, pour trouver qu’il y a eu 7 morts qui ont été enterrés dans une fosse commune à Wadiatoullahi ici, plus précisément dans un domaine rizicole. Les traces sont là. C’est devenu un site historique. Personne ne cultive du riz là-bas. Cela a coïncidé à la période des récoltes où aucun ne pouvait marcher seul par peur d’être pris en otage par un mercenaire. Je précise que certaines personnes ont été découpées pour pouvoir contenir la fosse commune, compte tenu de leur taille », a révélé Mouhamadou Oury Boiro, sage de Wadiatoullahi.

Aujourd’hui, cette grande agglomération, riche en potentialité agricole et en élevage, est un site ignoré par les autorités. « Wadiatoullahi est l’un des secteurs les plus peuplés, situé dans le district de Sambaldé, relevant de la sous-préfecture de Sambailo, à 7 km de la commune urbaine de Koundara. Il est aujourd’hui devenu un site historique de la Guinée, mais totalement oublié par les autorités. La localité de Wadiatoullahi se trouve principalement au pied du mont Badiar qui est souvent visité par des personnes étrangères. Cette montagne draine des substances organiques pour fertiliser le sol en favorisant l’agriculture. C’est devenu un site touristique par ailleurs. Et il y a une source d’eau là-bas. Je précise que chaque visiteur ou touriste qui vient pour une excursion, nous l’accompagnons même si l’intéressé n’a pas l’ordre de mission pour connaître le motif au nom des autorités locales. Mais nous avons des difficultés parce que nous n’avons pas d’infrastructures adéquates pour le développement local. La route nationale qui mène vers la Guinée Bissau en traversant chez nous est en mauvais état. Pendant l’hivernage, notre localité se coupe avec les villages voisins tels que Dhaybata et Dyammehoun par manque des ponts et de chaussées. On n’a ni connexion, ni signal de radio. Nous lançons un appel aux autorités et aux institutions humanitaires de nous venir en aide », a plaidé Mouhamadou Oury Boiro.

De retour de Wadiatoullahi (Koundara), Amadou Baïlo Batouala Diallo, envoyé spécial de Guineematin.com

Tél. : (00224)628516796

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