CRIEF : Amadou Damaro Camara supplie la Cour et le parquet pour sa mise en liberté

« Je voudrais solliciter très humblement, qu’il vous plaise de m’accorder une liberté provisoire, sous contrôle judiciaire pour que ce changement de milieu puisse me mettre hors risques de perdre mon pied…», a-t-il notamment plaidé devant la Chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).

Dans cette affaire, Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale, Michel Kamano (à l’étranger pour des soins sanitaires), Zenab Camara, tous deux anciens députés, et  Jin Sun Cheng allias Kim, sont jugés par la Chambre de jugement de la CRIEF pour des faits présumés de détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment d’argent, prise illégale d’intérêt et corruption portant sur une somme de 15 milliards de francs guinéens,  destinés la construction  d’une nouvelle Assemblée nationale à Koloma, au préjudice de l’Etat guinéen.

Visiblement très inquiet de la dégradation de son état de santé, M. Damaro Camara a sollicité de la Cour et du parquet ce lundi la liberté provisoire pour qu’il puisse être dans un milieu plus adéquat. Placé sous mandat de dépôt le 27 avril 2022 à la maison centrale de Conakry avant d’être plus tard transféré dans une clinique de la place, il explique à la barre que son diabète s’est aggravé ces derniers temps et qu’il court  même désormais le risque d’une amputation de ses orteils.

Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale

«Depuis 15 mois je suis malade et hospitalisé. Cet appareil que vous voyez avec moi. Je suis obligé de le mettre sur mon pied au moins 5 minutes toutes les 3 heures pour ne pas prendre le risque de me blesser parce que je ne sens plus rien. J’avoue que ça allait mieux en décembre 2023. Mais depuis deux semaines, ça a repris de manière inquiétante et les médecins me disent : si je continue à me stresser, je risque de perdre mes orteils au mieux. Les médecins appellent cela la neuropathie périphérique. J’ai fait 7 demandes de mise en liberté provisoire et on me l’a accordée 5 fois mais qui n’ont jamais été exécutées. Je crois que je me suis soumis à cette justice de bonne foi. J’ai été interrogé sur mon lit d’hôpital par la cour qui vous a précédée. J’ai cru qu’ils étaient pressés. Et depuis juillet 2023, nous sommes sur ce procès me concernant. Je voudrais solliciter très humblement, qu’il vous plaise de m’accorder une liberté provisoire, sous contrôle judiciaire pour que ce changement de milieu puisse me mettre hors risques de perdre mon pied, sachant qu’aucun de vous ne voudrait me voir mutilé car apparemment on est loin encore de la fin du procès. Je suis convaincu que je ne représente pas une menace ni pour la société ni pour l’État», a plaidé Amadou Damaro Camara.

Par ailleurs, il formule la même demande à l’endroit du parquet en espérant que ce dernier ne s’oppose pas à une éventuelle mise en liberté accordée par la Cour.

 «Je supplie le parquet, vraiment que cette fois-ci, humainement de ne pas s’opposer à ma demande de mise en liberté. C’est une doléance humanitaire que j’adresse à la Cour. Quand on m’a arrêté, j’étais très diabétique sans médication. C’est à la maison centrale que mon diabète s’est confirmé et on m’a soumis à une médication très forte parce que j’étais foudroyé. Là-bas les médecins ont cru que c’était des gouttes. C’est ici que j’ai su que c’était des neuropathies. Ça fait maintenant près de 10 ans que je suis diabétique sans médication parce que c’est depuis 2009. En jeûne le matin, la glycémie peut être à moins de 100 mais je suis à 148 à 5 heures. Quand je me réveille, je suis de 200 à 300. Donc c’est une doléance humanitaire que je demande au procureur spécial. C’est une doléance humanitaire que je fais à la Cour. Je ne maîtrise pas les textes relatifs à au processus de demande de mise en liberté lié à des raisons de maladie malgré que j’ai été député pendant 12 ans. Mais c’est une doléance que je fais pour ne pas me laisser avoir un handicap au pied. Je suis à la traumatologie où des grands accidentés viennent. Il y a des décès au moins chaque deux jours. Voilà monsieur le procureur spécial, monsieur le président, ce n’est qu’une demande», a  conclu Amadou Damaro Camara.

Mais face à cette demande faite dans un ton lamentable sinon pathétique de la part du prévenu, le ministère public qui s’est plutôt montré prudent a réagi en indiquant qu’il faut pour la Cour, faire procéder à un contrôle médical afin de pouvoir prendre une décision par rapport à cette demande de mise en liberté. Aly Touré estime que les pathologies dont souffre Amadou Damaro Camara ne sont pas dues à son état d’incarcéré.

«Les dispositions textuelles sur lesquelles ils s’appuient, vous pouvez les analyser du début à la fin pour voir si la maladie est une cause de liberté. Ce que la justice peut faire dans son image humaine, lorsqu’un individu souffre d’une pathologie, c’est de l’envoyer chez un spécialiste. De notre pouvoir c’est ce que nous avons suggéré et depuis un bon moment, il est au niveau d’un centre hospitalier… Donc ce que je suggère Monsieur le président, c’est de prescrire un examen médical pour son état actuel, en fonction du résultat, vous pourrez en toute indépendance prendre une décision. Je suis au regret de vous dire que pour la liberté ce n’est pas cela. La maladie n’est pas une cause de liberté», a précisé le procureur.

Des explications que la partie civile représentée par l’agent judiciaire de l’Etat partage avec le ministère public et sollicitant surtout la prise en compte de ses intérêts civils par rapport à la demande de mise liberté provisoire d’Amadou Damaro Camara.

Pour rappel, le jugement dans cette affaire a repris après la composition d’une nouvelle équipe de la Chambre de jugement de la CRIEF.

Après avoir écouté donc la demande du prévenu et les répliques du parquet, la Cour a mis l’affaire en délibéré le 22 avril 2024 pour statuer.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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