Maïmouna Bangoura, victime de maltraitance : « Nous ne buvions que l’eau des toilettes, on nous battait »

Âgée de 25 ans et à la recherche d’une vie meilleure, Maïmouna Bangoura, une jeune fille guinéenne, s’est rendue en Egypte pour travailler. Elle a été convaincue d’aller dans le pays des pharaons par une de ses amies. Cette dernière lui a nourri l’espoir d’un meilleur revenu en Egypte. Malheureusement, son séjour dans ce pays a été cauchemardesque. Elle a été arrêtée par la police, jetée en prison et maltraitée avant d’être rapatriée en Guinée le 10 mars dernier.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, lundi 25 mars 2024, Maïmouna Bangoura est largement revenue sur sa mésaventure en Egypte.

« Moi je faisais mon commerce ici quand mon amie du nom Maciré Touré m’a joint au téléphone pour me dire d’aller travailler avec elle en Égypte là-bas, car ce que je gagne ici est très minime par rapport à ce que j’allais gagner là-bas. Donc, suite à ça, nous avons engagé les documents (passeport) afin que je puisse voyager pour l’Égypte. Après l’obtention de mon passeport, j’ai voyagé pour l’Égypte, mais mon amie qui m’a fait voyager m’a fait savoir que je dois travailler pour elle un (1) an et quatre (4) mois. Mais, je n’ai pu travailler pour elle que pendant six (6) mois, car tout n’allait pas bien pour nous là-bas. Moi j’ai été arrêtée par des policiers à bord d’un véhicule lorsque je partais à mon lieu de travail. Ils m’ont demandé mon passeport, je leur ai dit que je ne l’ai pas sur place. Donc, ils m’ont dit de leur montrer la photocopie du passeport si je l’ai avec moi, mais vu qu’il se trouve dans mon téléphone, je leur ai montré. Ils m’ont demandé si je viens de la Guinée, j’ai dit : oui. Et ils ont commencé à m’insulter dans leur langue. Comme je comprends un peu l’anglais, je leur ai demandé où nous partons, ils m’ont dit je le saurais bientôt. Ils m’ont arraché mes deux téléphones (un Samsung et un IPhone), puis ils m’ont menotté les deux mains en arrière avant de me jeter dans leur véhicule pour m’envoyer à leur direction à Ismi marg police. Arrivée là-bas, leur chef m’a demandé qu’est-ce que je suis allée faire dans leur pays ? J’ai répondu que je suis venue travailler. Ils m’ont demandé quel genre de travail ? Je leur ai dit que je fais les travaux domestiques chez une dame. Ils m’ont demandé le contact de la dame pour qui je travaille, mais je leur ai dit que je ne peux pas leur donner son numéro. Donc, dites-moi pourquoi vous m’avez arrêté ? C’est après cet échange que leur chef a ordonné qu’on me mette en prison, c’est ainsi qu’on m’a mis en prison. Mais, dans la cellule où on m’a mis, il y avait 64 femmes, dont 30 jeunes filles guinéennes. J’ai trouvé des filles là-bas dans des conditions pitoyables, car il y avait des filles qui avaient contracté des grossesses suite aux viols qu’elles subissaient, d’autres malades (enflées) ou victimes d’avortement involontaire suite aux violences qu’elles subissaient de la part de ces policiers arabes. Chaque 6 heures du matin, ils venaient nous verser de l’eau froide pendant des heures. Moi Maïmouna Bangoura, j’ai subi toutes sortes de tortures, mais je rends grâce à Dieu de m’avoir épargné le viol et de m’avoir gardé la vie sauve. Car, une jeune fille guinéenne du nom de Mabinty avec qui je partageais la même cellule est morte devant nous à cause des tortures, de la mauvaise alimentation et autres qu’elle n’a pas pu supporter. Ils ont appelé les autorités qui nous représentent de venir chercher le corps, mais personne n’est venue et nous sommes restées avec ce cadavre durant deux jours avant que les policiers ne viennent le chercher pour le mettre dans un sac, puis dans un camion à ordure. Nos problèmes et souffrances ne faisaient qu’augmenter, parce qu’il n’y avait pas de quoi manger presque, nous ne buvions que l’eau des toilettes, on nous battait et des fois on venait chercher toutes les Guinéennes de ma cellule pour les envoyer sous le soleil, à bord d’un véhicule, et nous pouvons y passer des heures avant qu’ils nous ramènent en prison en nous insultants vulgairement. On ne nous sert à manger qu’à 14 heures. Et ça, c’est du pain et un petit sachet de jus. A cause des tortures il y a des filles qui ont perdu leur faculté, d’autres sont devenues sourdes etc. Quand ils appellent nos autorités qui nous représentent en Égypte pour les tenir informer de notre situation, la seule chose qu’ils ont à dire c’est : dites-leur de vous mettre en contact avec leur famille afin qu’elles puissent payer leur billet d’avion. Donc, c’est pour vous dire que notre ambassadeur en Égypte ne travaille pas en faveur des Guinéens et n’est pas à la disposition des Guinéens et Guinéennes victimes de violences et racisme. Moi mon objectif n’était pas de rester définitivement en Égypte, mais c’était de me rendre en Europe ou en Amérique. Seulement, je voulais mobiliser un peu de sous pour pouvoir passer », a expliqué Maïmouna Bangoura.

Par ailleurs, notre interlocutrice a révélé comment elle a fait pour sortir de l’enfer égyptien pour regagner Conakry.

« Il y a une communauté guinéenne là-bas qui vient en aide aux Guinéens incarcérés. Et c’est le cas de Abdallah Sow qui nous a beaucoup aidés en Égypte. J’ai appelé la dame pour qui je travaillais pour l’informer de ma situation, mais elle n’est pas venue par peur. Puis j’ai appelé celle qui m’a envoyée en Égypte pour l’informer, mais les unités étaient finies et elle n’a plus rappelé pour prendre de mes nouvelles. Donc, c’est grâce à Abdallah Sow que je suis rentrée en contact avec mes parents pour les informer que je suis en prison il y a de cela 2 mois 1 jour. Donc, j’ai besoin de leur aide pour sortir de prison, sinon je vais mourir de tortures. C’est ainsi que mes parents sont rentrés en contact avec Abdallah Sow et d’autres personnes pour payer mon billet d’avion, afin que je puisse rentrer au pays. Et c’est grâce ma sœur et d’autres personnes qui m’ont aidée à sortir de prison en payant une somme de 6.500.000 GNF. J’ai été conduite en prison le 9 janvier 2024 et je suis sortie le 10 mars 2024 pour l’aéroport afin de regagner la Guinée. Mais, je suis rentrée en Guinée avec 15 jeunes filles Guinéennes qui étaient incarcérées en Égypte. Et moi je suis rentrée complètement malade, car mes pieds et tout mon corps étaient complètement enflés. Dès mon arrivée, ma sœur m’a conduit à l’hôpital pour des soins. J’ai fait environ un an en Égypte. Le pire, la fille qui m’a fait voyager a quitté l’Égypte pour la Tunisie sans même prendre de mes nouvelles, avec tous mes documents. Je faisais les travaux domestiques (le ménage, et prendre soins des animaux domestiques) pour un million de francs guinéens. Alors qu’ici je pouvais gagner jusqu’à 2.000.000GNF par mois, contrairement à ce que m’a dit mon amie Maciré Touré qui m’a fait savoir que je pouvais gagner jusqu’à 5.000.000 GNF par mois », a-t-elle indiqué.

Pour finir, Maïmouna Bangoura a conseillé les jeunes qui aspirent à l’aventure d’éviter les pays arabes.

« Aujourd’hui je suis dans le regret et je demande aux jeunes guinéens, surtout aux filles, d’éviter les pays arabes notamment l’Égypte, l’Algérie, la Tunisie, Libye, et de ne jamais croire aux doux mots de leurs amis qui viennent leur faire des compliments sur l’Égypte et autres. Parce que c’est des pays qui n’aiment pas la race noire et n’ont aucune considération pour la race noire. Je conseille aux jeunes qui aspirent à l’aventure d’éviter l’Égypte, car les autorités et les populations sont très mauvaises. Je demande aux autorités, particulièrement au colonel Mamady Doumbouya, de venir en aide aux Guinéens qui sont dans les prisons en Égypte », a-t-elle dit.

Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

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