40 ans après le coup d’État du 3 avril 1984 : Elhadj Ismaël Condé fait des révélations (interview)

Le Président Ahmed Sékou Touré est décédé le mardi 26 mars 1984 à Cleveland aux États-Unis. Une semaine après (le 03 avril 1984), l’Armée guinéenne, à sa tête, Lansana Conté (colonel à l’époque), a pris le pouvoir à coup de force, alors que c’est le Premier Ministre, Dr Lansana Béavogui, qui devrait être investi dans les fonctions de Président de la République de Guinée.

Dans une interview accordée à une équipe de Guineematin.com ce 3 avril 2024, le Directeur général du commerce intérieur d’alors, Elhadj Ismaël Condé, a expliqué ce qu’il sait de ce coup d’État.

Décryptage !

Guineematin.com : qu’est-ce vous savez du coup d’État perpétré par le Général Lansana Conté le 3 avril 1984 après le décès d’Ahmed Sékou Touré ?

Elhadj Ismaël Condé : s’agissant du coup d’état du 3 avril 1984, j’ai été informé au même moment que les autres par la radio. S’agissant de ce coup d’État, il faut que je dise ce que j’en sais comme vérité. Je crois que le coup d’état, on l’a justifié par un gros mensonge. Quel est ce mensonge ? Pour justifier le coup d’état, les auteurs ont prétendu après le rappel de Dieu du président Ahmed Sékou Touré, face à la question de sa succession, ses compagnons, précisément les membres du bureau politique national et les membres du gouvernement ne seraient pas entendus, aurait éclaté au sein de ces responsables nationaux une dissension, une querelle qui a pris des allures quelques fois d’oppositions ethniques. Face à cette situation, qu’eux, ils ont jugé dangereux, ils ont cru prendre leur responsabilité en faisant leur coup. Ce coup est archi-faux, ce n’est pas vrai. C’est ce grossier mensonge qui a servi au fondement du coup d’État militaire en 1984. Quelles sont les preuves que je détienne pour dire que cet argument est du mensonge. Quand la douloureuse nouvelle, le décès du président, a été annoncée, on n’a pas ajouté que les gens ne devraient pas aller au travail. À mes habitudes, entre 6 heures et 7 heures, j’étais à mon bureau. 30 minutes plus tard, ma secrétaire est venue m’informer qu’il y a des militaires qui veulent me voir (…) j’ai reçu ces militaires, ils étaient une quinzaine. Ils étaient conduits par le commandant d’alors du camp Alpha Yaya Diallo, répondant au nom de commandant Sidiki Condé. Il a pris la parole pour commencer à me présenter ses condoléances et après l’objet de la visite m’a été précisé. Il disait que l’enterrement allait mobiliser les camps, que pour cette raison, ils voudraient avoir un supplément de ravitaillement pour faire face aux exigences des funérailles du président Ahmed Sékou Touré. J’ai été étonné de cette demande, parce qu’il n’y avait pas 10 jours, les camps avaient enlevé leur dotation, je veillais particulièrement à l’enlèvement des dotations. J’avais reconnu dans la délégation certains visages notamment mon ami, lieutenant Abdourahamane Diallo, j’ai reconnu d’autres visages parce que le secrétaire de la CUM, comité d’unité militaire faisait souvent recours à moi par rapport à des problèmes qu’il rencontrait au niveau des magasiniers, je leur ai accordé tout ce qu’ils ont demandé en qualité et en quantité. Je contribuais au coup d’état qu’ils ont organisé une semaine plus tard sans le savoir. Comment c’était une contribution au coup d’État ? Le 03 avril, dans les environs de 15 heures, on est venu m’arrêter chez moi pour m’amener au camp Alpha Yaya. Ils m’ont poussé dans une cellule, c’est en ce moment qu’un grand ami est venu, Paniva Bangoura, il a bousculé le militaire qui a voulu m’enfermer en lui posant la question, qui a amené camarade Condé ? Il m’a tenu par la main, on est allé où il y a l’interrogatoire des hauts fonctionnaires déjà arrêtés (chefs de cabinets, gouverneurs, ambassadeurs…). Nous avons passé dans trois bureaux où j’ai entendu dire, il faut arrêter ceux qui ont arrêté Condé. Ils ont dit que si je ne leur accordais pas ce jour-là ce qu’ils m’ont demandé en denrées, peut-être le coup d’état aurait marché mais pas si vaillamment comme ça a été.

Guineematin.com : après le coup d’état, quel a été le sort de Lansana Béavogui (Premier Ministre d’alors) et les membres de son gouvernement ?

Elhadj Ismaël Condé : Tous ceux qui étaient membres du bureau politique national, tous ceux qui étaient membres du gouvernement ont été arrêtés et avec d’autres hauts fonctionnaires. Ils ne sont pas nombreux ceux qui se sont tirés d’affaires. Le Premier Ministre Lansana était gravement malade. Il est décédé entre leurs mains. Certains ont été tués.

Guineematin.com : selon plusieurs observateurs, après le décès d’Ahmed Sékou Touré, c’est Dr Lansana Béavogui qui devrait être investi dans les fonctions de Président de la République. Est-ce que cela était prévu dans la constitution guinéenne d’alors ?

Elhadj Ismaël Condé : Dans la constitution de 1982, il est dit quand qu’à d’absence du président de la République, l’absence prolongée, que le Premier Ministre est investi dans les fonctions de Président de la République 45 jours avant les élections. À l’époque, c’est Damatang qui était le président de la cour constitutionnelle, c’était la dernière constitution de 82 c’est sous sa présidence.

Entretien réalisé par Kaïn Naboun TRAORÉ et Thierno Hamidou Barry pour Guineematin.com

Tel : (+224) 621144891 

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