Procès des événements du 28 septembre en Guinée : les avocats de la défense soupçonnent une main noire de la CPI

Après avoir boudé l’audience du mardi 2 avril 2024, les avocats de la défense dans le procès du massacre du 28 septembre 2009, ne désarment pas contre le tribunal criminel de Dixinn. En conférence de presse ce jeudi, 4 avril 2024, à la maison de la presse à Conakry, le collectif prononcé sur les motivations de leur non-présence à la dernière audience dudit procès. Les hommes en robes noires soupçonnent la Cour pénale internationale (CPI) de tirer les ficelles, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Maître Pépé Antoine Lama, membre du collectif des avocats de capitaine Moussa Dadis Camara, est revenu sur les motivations de leur absence à l’audience dernière. Il a ensuite regretté « l’influence » de la Cour pénale Internationale (CPI) sur les décisions du tribunal en charge du jugement de ce dossier. « Je rappelle qu’à l’audience du 20 mars 2024, le tribunal criminel de Dixinn en charge des dossiers des événements du 28 septembre avait, après 3 jours d’instance et houleux débats sur la demande des requalifications des faits sollicité par le ministère public, décidé de joindre cette question au fond. L’affaire a été renvoyée pour que les débats reprennent le 25 mars 2024. Le lendemain, tous les avocats de la défense ont décidé d’attaquer cette décision devant la Cour d’Appel. Un recours a été formulé et quelqu’un a été envoyé pour déposer ce recours au greffe du tribunal de première instance de Dixinn. Contre toute attente, le  chef de greffe dudit tribunal nous a opposé un refus de transcription à travers un procès-verbal; et sur le fondement du code de procédure pénale, nous avions saisi le président de ce tribunal pour lui demander d’enjoindre au chef du greffe de recevoir notre déclaration d’Appel. Le président du tribunal criminel qui est en même temps le président du tribunal de première instance de Dixinn a fait droit à sa demande et il a pris une décision en joignant au chef de greffe de recevoir notre recours. Le recours a été effectivement déposé le 25 mars dernier. La défense a délégué 2 avocats, en l’occurrence Me Lancinet Sylla et moi-même pour aller porter cette information à la connaissance du tribunal. Ce jour, nous avions fait savoir au tribunal que consécutivement à l’appel que nous avons interjeté, nous venions de saisir le même jour le Premier président de la Cour d’Appel de Conakry en application des dispositions des articles 591 et 592 du code de procédure pénale pour demander à celui-ci d’examiner immédiatement notre recours », a expliqué Me Pépé à l’entame.

En outre, Me Lama déplore ce qu’il qualifie l’immixtion de la CPI dans le déroulement du procès. « Nous avons été surpris le lendemain, le 26 mars 2024, de voir la délégation du procureur de la CPI débarquer à Conakry, on ne sait pour quelle raison. Coïncidence?  Le lendemain, intervient une ordonnance qui rejette notre recours. Cette ordonnance n’est pas notifiée aux avocats de la défense. C’est un avis d’audience signé du chef de greffe que nous recevons. Ignorant ce qu’on a fait de notre recours, nous avions émis la réserve de nous présenter à l’audience si la Cour n’a pas encore tranchée la contestation que nous avons porté devant elle puisqu’auparavant, le tribunal venait de rendre une décision de sursis à statuer. C’est donc par voie de presse et à travers le représentant du Procureur de la CPI que nous apprenons que notre décision aurait été rejetée. Nous sommes professionnels, ce n’est pas par voie de presse qu’on notifie une décision de justice aux avocats ou aux plaideurs. Il y a une forme administrative en la matière qu’on doit observer. Aujourd’hui, il y a quand-même des inquiétudes qui animent la défense. Entre autres : pourquoi le Procureur de la CPI s’est précipité aussitôt le lendemain de la décision de sursis à statuer à Conakry ? Pourquoi c’est lui qui nous informe à travers la presse que notre recours a été rejeté ? Pourquoi c’est seulement le lendemain de son arrivée que la décision dont on parle (que d’ailleurs tous les avocats n’ont pas reçu) est intervenue. Ce sont donc des situations qui amènent la défense à s’inquiéter par rapport au respect des droits des personnes dont nous avons la charge de défendre. Mais tout ce qu’on peut demander et qu’on peut d’ailleurs exiger, c’est que les conditions minimales de la tenue d’un procès juste et équitable soient réunies. Cette façon de procéder donne l’impression que tout ce qui se décide dans cette procédure ne vient pas de la Guinée. Le tribunal n’a pas tranché la question, l’affaire est transmise en Appel, c’est le Procureur de la CPI qui envoie une délégation. En vertu de quelle disposition légale ? En vertu de quel pouvoir le procureur général de la CPI doit continuer à avoir un regard veillant sur le déroulement de ce procès ? Au nom du principe de la subsidiarité, à partir du moment où l’affaire est traitée par des juridictions guinéennes, dans les conditions normales, il n’a plus rien à voir sur ce qui se déroule dans cette procédure. Mais nous comprenons qu’ils ont encore une grande influence dans cette affaire. Nous nous posons des inquiétudes et le moment venu, nous aviserons des conséquences que nous voudrions tirer », a-t-il laissé entendre.

Malick Diakité pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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