Procès du 28 septembre : Blaise Goumou tire sur le ministère public qui veut « commettre l’irréparable »

C’est un Blaise Goumou sur ses nerfs qui s’est présenté ce mercredi, 26 juin 2024, pour livrer ses derniers mots de défense dans le procès des événements du 28 septembre 2009. L’accusé a tiré à boulets rouges sur le ministère public, qui a requis sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité sans, dit-il, rapporter la moindre preuve de sa culpabilité. Il a demandé au tribunal de ne pas suivre le parquet dans sa volonté de « commettre l’injustice et l’irréparable », en le condamnant.

Guineematin.com vous livre ci-dessous les derniers mots de défense du colonel Blaise Goumou :

« Merci monsieur le président de m’avoir donné aujourd’hui pour la dernière fois l’opportunité de me faire entendre, l’opportunité de me faire voir par mes parents qui ont tant souffert. Monsieur le président, permettez-moi de vous remercier sincèrement pour la dextérité, le professionnalisme, la sagesse et la compétence avec lesquels vous avez su conduire ce débat depuis le 28 septembre 2022 jusqu’à date. Monsieur le président, mes parents me chargent de vous remercier pour avoir ordonné que ce procès soit médiatisé. La médiatisation de ce procès a permis à mes parents qui n’ont pas pu venir me voir de suivre ce procès en direct au village…

Je voudrais aussi remercier Me Tafsir qui vous a dit : monsieur le président, je vous demande d’appliquer le droit, d’appliquer la loi, quelle que soit la pression qui peut peser dans ce dossier… Moi je sais que vous allez refuser d’entrer en condamnation contre le colonel Blaise pour des simples déclarations des uns et des autres. Je dois aussi dire que dans ce procès j’ai beaucoup désappris… Nous sommes dans un procès criminel, je ne suis pas novice en droit, je connais toutes les infractions qui ont été articulées contre moi. Je les ai étudiées une à une, je connais les éléments constitutifs qui entrent dedans, je connais les preuves qu’il faut apporter pour asseoir la conviction du tribunal. Donc on ne peut pas me traîner dans la boue.

Monsieur le président, depuis le 28 septembre 2022, jusqu’à date, j’ai dit au procureur de me rapporter les preuves que nous devons discuter ici, de façon contradictoire, faisant ressortir ma culpabilité dans le cadre d’assassinat, de meurtre, de complicité de viol, etc. C’est là même que ma dignité a été réduite à néant quand on me dit que j’ai volé à main armée. Dieu est grand… Je suis là aujourd’hui, alors que je ne prétendais même pas être là un jour. L’objectif de ce procès n’est pas de rentrer en condamnation contre des gens à tort. L’objectif, c’est de considérer ce procès comme un procès témoin, prouver à la communauté nationale et internationale que désormais en Guinée personne ne sera au-dessus de la loi. Donc ce n’est pas venir requérir la condamnation des gens.

Monsieur le président, deux raisons fondamentales me poussent à vous demander de m’acquitter, si seulement nous sommes dans le viseur de la loi et du droit. Certains, dans leurs réquisitions, veulent faire comprendre que ce dossier a d’autres connotations. Non ! Je pense que vous n’allez pas permettre qu’une pression extérieure entre dans cette salle pour faire sortir le droit par la fenêtre. Ça ne marchera pas grâce à deux raisons fondamentales que je vais évoquer ici. Première raison, quelles preuves matérielles que le ministère public a rapportées et qui ont été discutées ici va vous pousser à reconnaître ma culpabilité dans cette affaire ?

Deuxième raison, 107 victimes se sont succédées ici, ni dans leurs déclarations faites devant les juridictions d’instruction, ni dans leurs déclarations faites par devant votre tribunal, aucune n’a parlé de moi, de Farimba, de Sory Condé. Vous avez même demandé : est-ce que vous reconnaissez un, parmi les accusés qui sont dans le box, qui vous a fait du mal ? ça a toujours été dit : non… Qu’est-ce que je suis venu faire ici ? Qu’est-ce que le ministère public veut de moi ? Quel acte particulier j’ai posé de façon répréhensible pour que je sois retenu ici ? Qu’est-ce que j’ai fait sur le plan du droit, sur le plan de la loi ?

Dans un procès criminel, les preuves représentent ce que le sang représente dans le corps humain. Lorsque l’être humain se vide de son sang, il s’écroule, il tombe, il meurt. Lorsque dans un procès criminel vous n’avez pas de preuves à rapporter pour faire asseoir la décision du juge, ce procès-là est nul et non avenu, l’accusé mérite un acquittement pur et simple. Ça, c’est clair. Vous ne pouvez pas dire le contraire parce que vous-mêmes, vous avez participé à d’autres formations. Le métier que vous exercez, je l’ai exercé. Requérir, c’est démontrer, c’est porter des discussions sur des infractions reprochées, poursuivies.

Vous avez démontré quoi ici ? Quelles sont les discussions que vous avez apportées ici pour attirer l’attention du tribunal vers vous ? Rien, aucune discussion. Mais vous ne pouvez pas faire de discussions parce que vous n’avez aucune preuve en main contre Blaise Goumou. Monsieur le président, puisque le ministère public n’a pas trouvé de preuve pour me confondre aux faits d’assassinat, de meurtre, de complicité de viol (…), il a abandonné tous les chefs d’accusation, il s’est attelé à un autre procès qu’on appelle le procès des relations de Blaise Goumou avec le capitaine Dadis. C’est trop élémentaire dans un procès criminel.

Monsieur le président, mon cœur saigne, mon cœur est meurtri. Qu’est-ce que j’ai fait ? Rien. Il faut avoir le courage de demander mon acquittement. Je m’attendais à ça… Au regard de tout ce que je viens de développer ici, au nom de la balance qui est le symbole de la justice, de l’équité, de l’impartialité, de la cohésion sociale, de la légalité, je vous serai reconnaissant, ma famille vous sera reconnaissante, monsieur le président, de me laisser rentrer chez moi, auprès de mes épouses, mes enfants, mes parents pour construire et bâtir avec eux la réconciliation nationale et la paix sociale souhaitée par tous.

Monsieur le président, vous êtes la boussole qui doit nous guider dans cette affaire pour faire triompher le droit en fondant votre décision sur les seuls éléments de preuves qui ont fait l’objet de débats contradictoires en application de l’article 497 alinéa 2 du code de procédure pénale. Monsieur le président, ne permettez pas au ministère public de se servir de votre juridiction pour commettre l’injustice et l’irréparable, en vous demandant, sans aucune administration de preuve, de condamner Blaise Goumou qui est innocent à la réclusion criminelle à perpétuité. Que la sagesse divine, le professionnalisme vous guide dans votre secret de délibération afin que votre jugement soit une référence, un modèle, une source de droit à l’échelle nationale et internationale ».

Mamadou Baïlo Keita pour Guineematin.com

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