Procès du 28 septembre : Dadis Camara s’enflamme et dénonce un « dangereux précédent » qui va affecter tous les ex chefs d’Etat guinéens

C’est un accusé à bout de nerfs qui s’est présenté hier, mercredi 26 juin 2024, devant le tribunal criminel de Dixinn (délocalisé à la cour d’appel de Conakry) pour articuler ses “derniers mots de défense” dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Le capitaine Moussa Dadis Camara s’est enflammé contre Me Gilbert Tohon Camara (un avocat de la partie civile) qui, selon lui, a tenté d’entacher sa défense en donnant des “propos infondés pour troubler l’esprit de votre tribunal”. L’ex-président de la transition (sous le CNDD) a aussi clamé son innocence avant de s’alarmer des “dangereux précédents” qu’il soupçonne le parquet et les avocats de la partie civile de vouloir créer en Guinée.

“On parle de responsabilité de commandement, mais c’est un précédent très dangereux que vous voulez créer en Guinée. Autrement dit, tous les anciens présidents de la Guinée passeront ici, parce qu’il n’y a un seul président, sous son règne, qui n’a pas eu de mort. Vous voulez même créer des mauvais précédents à Mamadi Doumbouya, mais ça ne marchera pas. Je suis sûr monsieur le président que personne ne va vous induire en erreur”, a martelé le capitaine Moussa Dadis Camara.

Guineematin.com vous ci-dessous les derniers mots de défense du capitaine Moussa Dadis Camara.

“Merci monsieur le président de n’avoir donné l’opportunité de me défendre. Je ne saurai prononcer mes derniers mots sans réitérer mes condoléances les plus attristées aux familles éplorées qui ont perdu leurs fils, leurs enfants au stade du 28 septembre. Monsieur le président, je suis un homme qui écoute. Il était question que je vienne, en quelques mots, faire ma déclaration. Mais, je fus choqué par un des éminents avocats de la partie civile, en l’occurrence Me Gilbert, lorsqu’il a tenté d’entacher, après toutes les plaidoiries, ma défense en donnant des propos infondés pour troubler l’esprit de votre tribunal. Lorsqu’il dit que c’est le président Dadis qui a envoyé Toumba au stade, Toumba a été clair, Me Lancinet l’a dit : ce ne sont pas des imaginations ici, ce sont des faits concrets. Je tombe du ciel. Etiez-vous là quand le commandant Toumba passait ? ça ne marchera pas, on va se défendre. C’est pour cette raison, monsieur le président, que j’ai demandé excuse à mes avocats… Monsieur le président, l’être humain, c’est la dignité. Si j’ai accepté, après plusieurs tentatives, de rentrer au pays, c’était pour la tenue de ce procès. C’est moi-même qui ai acheté mon billet pour venir. Je ne l’ai pas fait pour faire plaisir à ceux qui pensent que j’avais une quelconque pression. Il y a 13 ans que je suis au Burkina Faso, j’étais dans mes droits, même là où je suis, d’avoir la nationalité. Je pouvais refuser. Mais monsieur le président, je suis un officier assermenté. Et l’officier, par définition, c’est un homme de caractère au sens le plus élevé de l’honneur et de la dignité. Un homme qui a été président, pas par sa force, pas par son intelligence, mais par la force du destin, à un moment de son histoire tout le peuple l’a réclamé, qu’il y ait des événements de ce genre et que cet homme veut se soustraire, mourir vaut mieux. C’est pourquoi monsieur le président j’ai toujours imploré Dieu. J’ai dit : Dieu, si à un moment donné de l’histoire, à quelques microns, j’ai frôlé la mort, c’était dans mon destin, mais aides-moi, ne me rappelez pas tant que ce procès-là ne s’ouvre pas de mon vivant. Qu’est-ce que mes enfants en diront de moi ? Quand je me suis brûlé monsieur le président, je ne pouvais même pas entrer dans les toilettes. Vous l’avez constaté, je ne venais pas au procès. Mais cet homme (le procureur Algassimou Diallo), le jour où il a jugé nécessaire de venir me saluer, quand il est venu, il a parlé de Dieu, de destin et de mon feu père, Mamadou Koulé, chauffeur du premier juge et procureur de N’zérékoré. A peine qu’il quitte, j’ai appelé mon ami d’enfance, Ismaël, je lui ai dit : viens, il y a un miracle. Il vient, je me lève, je commence à marcher. Il m’a donné des remèdes. Je ne peux pas quitter cette salle sans lui rendre ce bien fait. Cependant monsieur le président, force est de constater que je suis bouleversé, estomaqué par les propos détournés de Me Gilbert. On est dans un procès pénal, on ne doit pas déformer les propos des accusés. C’est une infraction notoire. C’est pourquoi monsieur le président j’ai changé de camp et j’ai demandé pardon à mes avocats. Nous ne sommes pas dans une salle de théâtre, nous sommes devant un tribunal criminel, les faits sont sérieux. Ce qui s’est passé au stade du 28 septembre est crapuleux. Mais, quelle preuve avez-vous contre Moussa Dadis Camara ? On n’a fait pratiquement 2 ans de procès, j’ai beaucoup appris ici… On ne peut pas se fonder sur des déclarations, des imaginations pour faire asseoir la conviction d’un président de tribunal. On parle de responsabilité de commandement, mais c’est un précédent très dangereux que vous voulez créer en Guinée. Autrement dit, tous les anciens présidents de la Guinée passeront ici, parce qu’il n’y a un seul président, sous son règne, qui n’a pas eu de mort. Vous voulez même créer des mauvais précédents à Mamadi Doumbouya, mais ça ne marchera pas. Je suis sûr monsieur le président que personne ne va vous induire en erreur. Je sais que monsieur le président, quand vous allez être dans votre secret, vous allez prendre infraction par infraction. Si les trois éléments constitutifs d’une infraction ne sont réunis, c’est purement et simplement à rejeter. C’est ce que le président va faire. Vous voulez le piéger, mais vous n’allez pas le pouvoir. La Guinée a besoin d’hommes intègres, ce peuple a besoin d’hommes honnêtes”, a déclaré le capitaine Moussa Dadis Camara.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tel : 622 97 27 22

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