Michel Pépé Balamou sur les résultats du bac : « L’éducation n’est pas une priorité de la gouvernance politique »

Le faible taux d’admis au baccalauréat unique de la session 2024 en Guinée (24,64%) suscite l’indignation de l’opinion publique. C’est le cas de Michel Pépé Balamou, secrétaire général du Syndicat national de l’éducation (SNE), qui dénonce un système éducatif « déliquescent » imputable à tous les acteurs, notamment aux autorités de notre pays qui n’en font pas une priorité. Il l’a dit ce mercredi, 24 juillet 2024, à la bourse du travail à Conakry, dans un entretien accordé à Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Les résultats du bac en Guinée sont catastrophiques ces dernières années. Si en 2023, il y a eu 27,46% d’admis, ce taux est tombé pour la session 2024 (24,64%).

Pour Michel Pépé Balamou, Secrétaire général du Syndicat National de l’Éducation, tous les acteurs de l’éducation ont leur part dans cet échec massif. « Ce sont des résultats qui sont symptomatiques de la déliquescence, du dysfonctionnement et de l’état morbidité cérébrale dans lequel se trouve notre système éducatif. Cela met en exergue la profonde crise systémique des apprentissages, elle est consubstantielle à la pénurie d’enseignants, à l’absence d’une politique holistique de la profession enseignante, d’un déficit criard de formation continue et aussi des mesures d’accompagnements pour rendre le secteur éducatif beaucoup plus attractif. Ce qu’on peut retenir essentiellement, c’est de dire est-ce que l’éducation est une priorité en République de Guinée ?  Ces résultats sont nos résultats, et des parents d’élèves qui font preuve de démission parentale. Du fait du coût élevé de la vie, ils n’ont plus le temps d’encadrer leurs enfants à la maison. Ce sont aussi des résultats, des enseignants qui aussi, en grande partie, viennent dans l’éducation pas par formation initiale, mais par nécessité, par défaut à ne rien trouver ailleurs. Ce sont aussi les résultats de l’encadrement rapproché, qui dans le suivi et l’évaluation des enseignements et des apprentissages n’a pas suffisamment de moyens financiers et logistique permettant de coordonner le suivi et l’évaluation des enseignements dans nos concessions scolaires. Ce sont aussi les résultats des chefs d’établissements qui, en réalité, ne modulent pas les résultats de façon rigoureuse les évaluations dans les classes intermédiaires, qui sont devenues des passoires sans filtres des élèves qui sont en difficultés d’apprentissage. Ce sont aussi les résultats de la gouvernance du secteur de l’Éducation et de la formation qui ne bénéficie pas aujourd’hui des véritables moyens financiers. Vous avez vu qu’on a créé l’agence nationale pour le financement de l’Éducation, mais cette agence ne fonctionne pas aujourd’hui. Donc en réalité, l’Éducation n’est pas une priorité de la gouvernance politique dans notre pays. On le dit dans les discours, mais dans les actes, ça n’existe pas.  Aujourd’hui, vous êtes dans un État qui a du mal à mettre à la disposition de son système éducatif 20% de son budget, alors que la norme régionale est de 27 à 40% », a indiqué M. Balamou.

Pour faire face à cette situation, Michel Pépé Balamou interpelle le Ministère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation (MEPU-A) et les parents d’élèves.

« J’appelle le MEPU-A qui doit avoir le grand courage d’opérer des réformes impopulaires ; pas conjoncturelles, mais structurelles, qui consistent à réformer l’examen du baccalauréat. C’est seulement en Guinée que cette forme classique d’organisation du baccalauréat se passe. Dans les autres pays, vous avez le second tour qu’on appelle la 2ème session et cela consiste à ce que tous les candidats ayant une moyenne entre 8,00 et 9,99 puissent procéder à une deuxième session de rattrapage. À défaut d’instaurer le bac oral, il faut faire en sorte qu’on donne une seconde chance aux enfants de composer dans deux ou trois matières fondamentales où ils sont tombés pour pouvoir relever le niveau des élèves.  Nos apprenants, ce n’est pas qu’ils ne sont pas intelligents, mais ils manquent d’encadrement parental, rapproché, didactique, pédagogique et d’évaluation diagnostique, sommative, rigoureuse. La pénurie d’enseignants, c’est un problème aujourd’hui, c’est l’aspect important, c’est parce que c’est un dénominateur commun, les enfants n’apprennent plus. Avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, il faut que les parents même, s’ils aiment leurs enfants, qu’ils cessent de leur acheter des téléphones qui coûteraient 15 millions GNF, des jeux vidéo à la maison. Les enfants sont toujours à la télé, ils n’apprennent pas. Il y a des lycées publics à Conakry où de la 11ème jusqu’en 12ème, les enfants n’ont pas de professeur de philosophie. C’est seulement en terminale qu’on leur donne un professeur de philosophie », déplore le secrétaire général du SNE.

Ismael Diallo pour Guineematin.com

624 69 33 33

Facebook Comments Box