Hausse du prix du poisson à Conakry : la cherté des matériels de pêche en est la cause (Pêcheurs)

Comme annoncé précédemment, avoir du poisson dans les marchés de Conakry est depuis quelques jours un casse tête pour les populations. Ce produit halieutique très prisé dans la capitale guinéenne se fait rare ; et, les quelques poissons qui y sont actuellement vendus sont très chers. Mais, en plus de cette cherté, il y a aussi le problème de la qualité qui hante les ménages.

Les femmes se plaignent inlassablement sur les vendeuses dans les marchés. Mais, ces dernières aussi rejettent la responsabilité de cette hausse des prix sur les fournisseurs qui sont dans les différents débarcadères. Seulement, à leur tour, ces grossistes mettent cette cherté au compte des difficultés liées à l’acquisition des matériels de pêche, notamment le coût de fabrication et d’équipement des pirogues et le prix exorbitant des filets de pêche. Apparemment, il faut débourser au moins 200 millions de francs guinéens pour avoir une pirogue prête à aller en mer pour la pêche et au moins 850 mille francs guinéens pour un rouleau de filets de pêche.

Au port de pêche de Boulbinet (dans la commune de Kaloum) où Guineematin.com a dépêché un de ses reporters récemment, pêcheurs et vendeuses grossistes de poissons se plaignent des difficultés du moment. Ils admettent la hausse actuelle du prix du poisson sur le marché ; mais, ils mettent cette situation au compte des difficultés de pêches.

Selon Binta Barry, vendeuse de poissons dans ledit port, la cherté des prix des matériels de pêche est l’élément fondamental qui justifie la hausse des prix du poisson dans les marchés de Conakry.

Binta Barry, vendeuse de poissons

« Nous revendons du poisson et c’est avec nous que les détaillants viennent acheter pour revendre au marché. Nous aussi nous achetons avec les propriétaires des bateaux ou des pirogues qui partent pêcher. Mais, les pêcheurs ou propriétaires de pirogues rencontrent d’énormes difficultés dans la pêche. Car, aujourd’hui, si tu veux fabriquer une pirogue de pêche avec le moteur et consorts, si tu n’as pas 200 000 000 de francs, tu ne peux pas le faire. Maintenant, tu prends tes 200.000.000 de francs, tu les investis dans une pirogue de pêche. Et, avant que celle-ci ne quitte la pêche, tu as dépensé 12 000 000 ou 13 000 000 de francs. Maintenant que tu es revenue de la pêche, tu dois revendre le poisson à prix bas parce que les citoyens pleurent et se plaignent de la hausse du prix ou bien tu dois revendre le poisson pour récupérer ton argent investi et avoir un peu d’intérêt ? Aujourd’hui, un rouleau de filets est vendu à 850 000 francs. Et, pour une pirogue, il faudra 20 voire 25 rouleaux pour deux ou trois marées. Ça c’est pour un mois et deux semaines. Et, après ça, ces filets ne sont plus utiles, il faut les jeter. Les bateaux de pêches aussi détruisent nos filets. Tout ça c’est des pertes pour nous. Donc, pour moi rien ne justifie la cherté du poison si ce n’est ça (la cherté des matériels de pêche », a expliqué Binta Barry.

Pour cette autre grossiste de poissons, Nana Touré, les difficultés liées à l’acquisition des matériels de pêche et les taxes exorbitantes en Guinée ont poussé plusieurs pêcheurs artisanaux Guinéens à migrer vers le Sénégal et la Guinée Bissau pour exercer leurs activités. Et, leur départ joue actuellement sur l’approvisionnement du marché en poissons.

Nana Touré, grossiste de poissons

« Je revends des poissons au port de Boulbunet ici, c’est avec nous que les dames achètent pour aller revendre dans les différents marchés de la capitale. Mais, actuellement, le temps est dur et nous souffrons énormément avec nos frères… A l’heure où nous sommes, la quantité de poissons qu’on pêche n’est pas importante. Sur ce, ils (les pêcheurs) veulent gagner beaucoup d’intérêts. Donc, celles (les vendeuses) qui achètent les poissons pour les revendre sur le marché sont aussi obligées d’augmenter le prix pour avoir un peu de bénéfices.

Il y a également le manque de bateaux de pêche. Plusieurs de nos bateaux de pêche ont migré vers le Sénégal et la Guinée Bissau à cause des taxes ou papiers qu’on leur demande à chaque fois ici. Pourtant, ce sont eux qui peuvent pêcher du poisson en quantité et de bonne qualité. Les pirogues ne peuvent pas aller aussi loin en mer et la quantité qu’ils pêchent n’est pas importante. Donc, que le gouvernement nous aide à avoir des bateaux de pêches. Actuellement, ce sont des Sénégalais qui viennent nous aider dans la pêche et c’est avec eux qu’on achète parfois du poisson », a indiqué Nana Touré.

Cependant, pour Fodé Sayon Bangoura, pêcheur au port de Boulbinet, cette hausse des prix du poisson sur le marché est périodique et elle est constatée chaque année à pareil moment à Conakry. Mais, il assure que l’exportation clandestine des poissons pêchés en Guinée vers d’autres pays de la sous région.

Fodé Sayon Bangoura, pêcheur au port de Boulbinet

« Chaque année, à cette période, il y a manque de poissons. Moi je suis un pêcheur artisanal, j’ai 63 moteurs à mon compte et je revends mes poissons aux grossistes. Donc, pour parler de la hausse du prix du poisson sur le marché, je dirais que le manque de poissons peut augmenter le prix de cette denrée sur le marché. Si on vous dit que tous ces poissons qui sont péchés dans la mer sont consommés à 100% en Guinée ici, c’est archi faux. Si nos dirigeants ou chefs ne savent pas que nos poissons sortent du pays, leurs petits le savent. En haute mer, il y a des bateaux qui viennent sur la côte guinéenne pêcher et rentrer chez eux. Et, cela ne peut se faire sans que certains de nos chefs ne soient informés. Nous voyons souvent ces bateaux en haute mer entre la Guinée et le Guinée-Bissau, ou entre la Guinée et la Serra Leone », a dit Fodé Sayon Bangoura.

Fatoumata Diouldé Diallo pour Guineematin.com

Facebook Comments Box