Censure des médias, suspension de journalistes… réaction de Yamoussa Sidibé, journaliste et conseiller national (CNT)

Yamoussa Sidibé, journaliste et ancien directeur général de la RTG

L’humanité va célébrer demain, vendredi 3 mai 2024, la 31ème édition de la journée mondiale de la presse. Cette journée a été instituée en 1993 par l’assemblée générale des Nations Unies. Et depuis, elle est commémorée le 3 mai de chaque année à travers le monde. Cette année, cette journée intervient en Guinée dans un contexte où plusieurs journalistes sont suspendus et des médias (radio, télévision, site d’informations) sont censurés et brouillés par les autorités. Ce qui met en péril plus de 500 emplois dans le domaine de la presse.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, mercredi 1er mai 2024, en prélude à la célébration de la journée mondiale de la presse, Yamoussa Sidibé, journaliste et ancien directeur général de la RTG (radio-télévision-guinéenne), a souligné l’aspect « préoccupant » de cette situation.

« On observe la situation de la presse nationale avec un œil plutôt préoccupant. C’est vrai que le 3 mai va être une occasion de pause pour observer le chemin parcouru, de voir comment le présent se passe et nous projeter dans l’avenir. Aujourd’hui la situation est un peu difficile. La presse nationale passe des moments difficiles avec la suppression de certaines chaînes sur certains bouquets internationaux, avec la remise en cause de la ligne éditoriale de certains médias. Nous apprenons qu’il y des journalistes qui sont au chômage dû à certaines décisions prises. Mais en dépit de toutes ces difficultés, nous restons des journalistes, nous avons choisi ce métier, donc il faut que nous continuions à être ce que nous sommes, à ne pas devenir ce que l’autre veut qu’on soit. L’une des questions à laquelle je ne saurais donner une réponse, est-ce nécessaire d’engager un bras de fer avec l’État ? Qu’est-ce qu’il faut faire dans une telle situation ? » a-t-il interrogé.

Avec plus de 30 ans d’expérience dans la presse, Yamoussa Sidibé siège aujourd’hui au Conseil national de la transition. Il assure que cette situation de censure des médias a déjà été évoquée au niveau de la « conférence des présidents » et une commission ad hoc a été mise en place pour se pencher sur la question.

« Au niveau du CNT, nous les représentants de la presse, nous avons saisi l’autorité à l’occurrence la conférence des présidents. Nous avons fait état de la situation qui prévaut aujourd’hui. Une situation liée notamment à la fermeture de certains médias, à la difficulté de réaliser la ligne éditoriale choisie, à la restriction au niveau des sites. Donc, nous avons posé ces problèmes au niveau de la conférence des présidents, et immédiatement le président du CNT a mis en place une commission ad hoc qu’il a fait présider par le deuxième vice-président du CNT. Cette commission ad hoc a immédiatement pris contact avec les responsables. Nous leur avons demandé de faire l’état des lieux de la presse nationale. Nous avions commencé les démarches et ça a coïncidé à la dissolution du gouvernement. Et donc, nous sommes obligés de reprendre les démarches maintenant. Tout ça pour vous dire que le CNT n’est pas resté insensible face à ce qui arrive à la presse, nous faisons tout ce qu’il y a de notre possibilité pour faire en sorte que l’exécutif et la presse se comprennent, parce que l’un ne peut pas aller sans l’autre. Cette presse-là est une exigence pour le pays. Il faut que l’État le comprenne, que la presse le comprenne et que la population le comprenne. Et puisque le CNT c’est la représentation nationale, nous nous appliquons justement à rafistoler les choses, faire en sorte que les uns et les autres acceptent de s’entendre sur leur incompréhension afin de parvenir à la table de négociation pour apaiser les différents problèmes qu’ils connaissent aujourd’hui. Il n’y a pas eu de loi pour le moment en faveur de la presse, mais nous y travaillons. Nous travaillons par exemple sur une loi qui va aider la HAC dans la délivrance des cartes de presse. Pour que désormais la carte de presse ne soit donnée qu’aux journalistes, pas aux gens qui n’ont pas trouvé autre chose à faire dans la vie et qu’ils sont venus dans ce métier. Nous allons réfléchir aussi à comment mieux traiter le journaliste dans une salle de rédaction. Aujourd’hui, tout le monde peut se permettre de créer un organe de presse. Ce qui les intéresse, c’est le bénéfice. Alors que ça ne devrait pas seulement être le cas. Cette loi à laquelle nous réfléchissions va amener les investisseurs à s’associer aux journalistes avant l’ouverture de tel ou de tel organe. Nous partons du principe que si le journaliste participe à l’investissement, il a conscience des difficultés, donc il peut peser dans la balance pour que les journalistes soient mieux traités. Un rédacteur en chef qui touche 2 millions ou 4 millions ne peut pas résister à toutes les tentations. Il est vulnérable… La presse nationale doit mettre à profit cette journée du 3 mai pour poser des doléances pour amener le pouvoir politique à comprendre les difficultés qui assaillent la presse aujourd’hui. À amener le pouvoir politique à accepter que la presse et les représentants de l’État s’asseyent autour de la table, échangent et se comprennent », a-t-il indiqué.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com 

Tél : 626-66-29-27

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