Ruée vers l’intérieur du pays à l’approche de la Tabaski : les raisons de cette « migration » temporaire

À l’approche de la fête de Tabaski, c’est la ruée vers l’intérieur du pays pour célébrer ce grand évènement en famille. Ce phénomène s’intensifie en Guinée, transformant les gares routières et les stations de bus en un espace de grande affluence. Ils sont nombreux ces compatriotes à effectuer le déplacement. Pour comprendre les motivations du départ en masse vers la campagne et les villes de l’intérieur, un reporter de Guineematin.com a donné la parole à des conducteurs de véhicules de transport en commun ainsi qu’aux concernés dans les gares routières de Bambéto et de Matam. Chacun a expliqué les motivations de ce déplacement saisonnier et très prisé de nos compatriotes.

Venu du Libéria passer la fête de Tabaski chez lui à Fougoumba, dans la préfecture de Dalaba, Amadou Bella Barry estime que c’est d’abord l’amour de la patrie et la quête de bénédictions parentales qui sont à la base de son déplacement.

Amadou Bella Barry

« J’ai décidé de venir pour l’amour de mes parents et l’amour pour la Guinée. C’est normal d’aimer chez soi. Deuxièmement, à l’étranger, on a beaucoup de difficultés. On a des parents là-bas, c’est à des occasions comme ça qu’ils peuvent revenir. Parce que si je m’en vais chercher de l’argent et que je n’en ai pas gagné, c’est difficile de rentrer. Mais à cette occasion, tu peux convaincre ton frère de venir fêter, puis il peut profiter de la situation pour y rester. En plus, les parents au village ont souvent la nostalgie de leurs enfants en déplacement. Tout le monde se cherche actuellement. Quand tu vas au Fouta, c’est deux sur dix personnes que tu vas trouver dans chaque famille. Donc, quand nous y partons, nous faisons des réunions familiales pour décider qui doit rester auprès des parents ou qui va s’occuper de l’agriculture pour la famille. Après le Libéria, je pouvais rester à Conakry ; mais moi personnellement, mes parents sont au village, et fêter auprès d’eux est une sorte de bénédiction. Si tu n’as pas l’occasion de vivre auprès de tes parents, c’est l’occasion ultime d’être avec eux. Je n’ai pas à encourager les originaires du Fouta, parce qu’ils ont compris. J’encourage plutôt tout guinéen libre de ses mouvements d’emboîter le pas », a-t-il lancé.

Moustapha Condé

Rencontré à la gare routière de Matam, en partance pour Faranah, Moustapha Condé dit n’avoir jamais fêté la Tabaski à Conakry. Sa seule motivation, retrouver les siens. « Ce n’est pas la première fois. Depuis ma naissance, je n’ai jamais fêté à Conakry. Surtout la fête de Tabaski, je ne l’ai jamais fêté ici. Je me déplace à chaque fête pour aller auprès des parents. Je me dis aussi c’est une occasion pour moi d’aller voir les parents pour chercher des bénédictions, faire le sacrifice avec eux, rencontrer des personnes qu’on ne voyait pas. C’est pour rencontrer tous ceux-ci qu’on se déplace. Passer toute une année à Conakry sans aller voir les parents, c’est quand-même difficile pour moi. En matière de divertissement pendant les fêtes, je me dis que c’est celui de l’intérieur qui est meilleur. Vu qu’il y a assez de personnes qui se rencontrent là-bas parce qu’à l’approche de la fête de Tabaski, Conakry se vide et tout le monde part à l’intérieur. Une fête qui se passe auprès des parents, je me dis que c’est la meilleure. Il ne s’agit pas de fêter à l’intérieur, mais le plus important, c’est de fêter auprès des parents », a-t-il laissé entendre.

Pour sa part, Ibrahima Bah, chauffeur sur la ligne Conakry-Dabola à la gare de Bambéto, remonte l’historique de ce départ massif vers l’intérieur. Pour le sexagénaire, les gens se déplacent généralement pour se ressourcer et pour des raisons de famille.

Ibrahima Bah, chauffeur Conakry-Dabola

« C’est juste pour se ressourcer. Avant, vers les années 1985-1987, quand on fêtait à Conakry, tout le monde se retrouvait au carrefour Célibataire pour aller fêter à Coyah, Dubréka, Soro, Kassa. Mais maintenant, les gens ont compris qu’aller rester au village à côté des parents est mieux que de rester à Conakry le jour de la fête avec des embouteillages, l’encombrement. On peut rester à Conakry pendant une année sans voir certaines personnes. C’est l’occasion de se retrouver et d’échanger avec des amis (e) qui n’ont pas quitté le village et surtout de faire des sacrifices. Cette fois-ci, le temps est très dur. Ce qui fait qu’il n’y pas assez d’engouement à la veille. En plus, les gens ont compris qu’aller un peu tôt est plus favorable que de bouger ensemble, pour éviter les embouteillages et accidents de la circulation… Quand je bouge ce soir ou demain matin, je ne reviendrai qu’après la fête. Parce que je compte fêter chez moi », a-t-il lancé.

Oumar Hadjirina Bah, chef de ligne centrale Conakry-Télimélé

Oumar Hadjirina Bah, chef de ligne centrale Conakry-Télimélé à la gare routière de Bambéto, regrette la baisse de l’affluence cette année contrairement à l’année passée. « Contrairement à l’année passée, il n’y a pas d’engouement. Peut-être que d’ici à jeudi ou vendredi, les gens pourraient commencer à venir. Mais pour le moment, on n’a pas assez de monde. Avant, 10 à 12 véhicules pouvaient quitter ici par jour. Aujourd’hui, on a à peine ce nombre. L’année passée, à pareil moment, on avait plus de passagers que de véhicules. À l’heure-là, à partir de 9 heures, il n’y a plus de passagers. Ce qui nous fatigue aussi, c’est par rapport à la construction du pont de Bambéto. Actuellement, l’accès est très difficile pour notre gare routière », a souligné ce responsable de la ligne Conakry-Télimélé.

La fête de Tabaski n’est pas seulement une célébration religieuse, mais c’est aussi un vecteur de lien social et familial. Cette « migration » temporaire vers les régions, bien que contraignante pour certains, demeure un moment privilégié où l’on se ressource et renoue avec ses racines.

Malick DIAKITE pour Guineematin.com

Tél : 626-66-29-27

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