16 jours d’activisme : rencontre avec Diaraye Diallo et Kadiatou Diallo de l’ONG “Mon Enfant Ma vie”

Diaraye Diallo, Directrice exécutive de l’ONG "Mon enfant ma vie"

Hier, vendredi 10 décembre 2021, journée des droits de l’homme, marquait la fin de la campagne “16 jours d’activisme”, une campagne virtuelle de communication pour l’élimination de toutes les formes de violences basées sur le genre (VBG). Cette campagne qui a débuté le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, avait pour thème « Oranger le monde : mettre fin dès maintenant à la violence à l’égard des femmes !

Aujourd’hui, Guineematin.com donne la parole à deux activistes, membres de l’ONG “Mon Enfant Ma vie” qui lutte contre toute forme de violences faites aux enfants et basées sur le genre.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? 

 

Diaraye : je suis Diaraye Diallo, maman de 3 enfants, je suis titulaire d’un Master en Ingénierie-Urbanisme, j’ai travaillé dans le secteur privé en France et au Canada avant de m’intéresser au secteur du développement et de la Gouvernance en Guinée depuis 2017. Je suis la Directrice exécutive de l’ONG ou je coordonne les activités du Bureau Exécutif pour la mise en œuvre de nos projets.

Kadiatou Diallo, membre de l’ONG « Mon enfant ma vie »

Kadiatou : je suis Kadiatou Diallo, maman de deux filles, je suis titulaire d’un Master 1 en journalisme et communication de l’université Kofi Annan de Guinée. Je suis journaliste indépendante, Community manager par passion et membre active de l’ONG Mon enfant ma vie ainsi que d’autres organisations de défense des droits des femmes.

 

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager au sein de l’ONG Mon enfant Ma vie?

 

Diaraye : j’ai toujours cru que le changement doit venir de la société et après avoir été maman, j’ai commencé à m’intéresser aux conditions de la maternité en Guinée. A l’époque, j’ai été choquée par les nombreux cas de négligence dont ont été victimes plusieurs mamans et futures mamans au sein de nos maternités. En effet, étant profondément convaincue que le changement doit venir de la société, je me suis rendue compte que je pouvais être un acteur majeur de ce changement. C’est ce qui justifie ma présence au sein de l’ONG Mon Enfant Ma Vie qui était déjà en activité avec plusieurs actions concrètes.

 

Kadiatou : la première motivation c’est que je suis maman comme beaucoup de membres de cette ONG, et quand on à la fibre maternelle, l’engagement pour la défense des droits des enfants vient automatiquement surtout qu’un enfant est une mine d’or.  L’ONG Mon enfant ma vie milite en faveur du respect des droits des enfants mais aussi pour une prise en charge humanisée des femmes enceintes, une couche vulnérable souvent reléguée au second plan dans notre pays. J’ai donc retrouvé toutes mes idéologies et ma passion d’aider au sein de cette organisation.

 

Selon vous, quels sont les principaux freins à l’éradication des VBG en Guinée?

 

Diaraye : les principaux enjeux pour l’éradication des VBG en Guinée sont la banalisation du phénomène et le manque de moyens des structures dédiées à la prise en charge des victimes. De ce fait, tellement de cas sont passés sous silence, et très souvent, c’est au niveau des cellules familiales que les cas sont étouffés.

Ensuite, c’est le manque de moyens et de capacités au niveau des structures en charge des cas de VBG. Une victime qui prend son courage pour porter plainte doit la plupart du temps prendre en charge toutes les procédures y afférentes : que ce soit la prise en charge médicale ou la procédure de dépôt de plainte et de défense en cas de procès. Cela sans compter les conséquences psychologiques.

 

Donc, en résumé, si nous parvenons à déclencher un sursaut de conscience au niveau de la société guinéenne et qu’on comprenne que les VBG sont des crimes à part entière, on aura déjà franchi un pas de géant. Ensuite, nous devons nous assurer que les services dédiés soient outillés pour prendre en charge les victimes

 

Kadiatou : les violences basées sur le genre sont une problématique complexe en Guinée parce qu’elles existent sous multiples formes et souvent elles passent inaperçues et quand elles sont connues, elles ne sont pas traitées de manière drastique pour éviter la récidive. Le milieu social favorise souvent le pardon, et tout ce qui se passe dans les familles se traite en famille. C’est pourquoi nous assistons ces derniers temps à une nette augmentation de toutes les formes de VBG. Le nombre de cas ne fait qu’augmenter vu que les sanctions ne sont pas appliquées correctement. On note quand même ces dernières années que nous en parlons largement dans les médias et sur les réseaux sociaux c’est un atout. De plus en plus d’organisations militent en faveur de l’élimination des violences à l’égard des femmes et des enfants, c’est aussi un grand pas. Mais il y a encore du travail de fond sur le terrain qui doit être fait. Et c’est sans oublier les zones rurales où ils n’ont pas forcément accès aux médias ou aux réseaux sociaux

 

Parlez-nous d’actions que l’ONG “Mon enfant Ma vie” mène sur le terrain et qui donnent des résultats concrets dans la lutte quotidienne contre le VBG

 

 

Diaraye : au quotidien, l’ONG Mon Enfant Ma Vie vient en aide aux victimes des VBG en les accompagnant dans les démarches judiciaires, sanitaires et psychologiques. Depuis la création de l’ONG nous avons aidé plusieurs victimes à recevoir des soins, mais aussi mener les poursuites judiciaires avec l’aide d’avocats partenaires.

De manière générale, l’ONG mise beaucoup sur la sensibilisation. Nous le faisons à travers nos différents canaux de communication et événements auxquels nous participons ou que nous organisons.

L’ONG accentue son action aussi autour du plaidoyer pour lutter contre le phénomène. L’année dernière nous avons organisé un webinaire sur le thème du Viol sur les enfants, au terme duquel un mémorandum a été réalisé. Cette année, nous sommes associés à plusieurs plateformes de réflexions.

 

Kadiatou : l’une des premières actions de l’ONG Mon enfant ma vie en 2019 qui a précédé sa création fut une grande marche pacifique organisée le 27 juin 2019 pour dénoncer les cas de viols.  Plusieurs mamans et des activistes ont exigé ce jour que la justice fasse son travail en mettant les bourreaux en prison avec la peine requise à la hauteur de leur forfaiture.

L’année dernière nous avons organisé un webinaire pour discuter de la problématique du viol et proposer des pistes de solutions à travers un mémorandum.

 

Depuis, les actions se sont enchaînées à travers nos plateformes numériques comme Facebook, Twitter et Instagram (@mon enfant ma vie). Nous avons une large communauté qui nous suit sur nos différents réseaux. Nous passons par ces canaux pour véhiculer des messages de sensibilisation.

 

Récemment nous avons participé à plusieurs cercles de réflexions collectives pour initier des actions de lutte contre les VBG.

 

Sur le terrain nous accompagnons également les victimes directement quand on est contacté en leur apportant le soutien financier, moral et psychologique nécessaire.

 

Face à la recrudescence des VBG en Guinée, comment comptez-vous organiser votre combat afin de venir à bout de ces violences ?

 

Diaraye : il faut noter que la médiatisation de plusieurs cas ces derniers mois peut avoir été à la base de ce sursaut de prise de conscience de la part des victimes. De fait, cette ‘’recrudescence’’ peut aussi être un signal de ce sursaut de conscience. Les gens n’ont plus peur de dénoncer, et les médias en parlent. Cela dit, une croissance du phénomène n’est pas à exclure.

 

Nous allons donc continuer le combat, aux côtés des victimes en renforçant la collaboration avec les acteurs présents. Nous allons renforcer la sensibilisation auprès des couches vulnérables afin qu’ils soient conscients de leurs droits.

 

Kadiatou : pour combattre ces violences, il faut un travail de fond sur le terrain. Nous sommes conscients que la sensibilisation numérique à elle seule ne va pas éradiquer les VBG.  C’est pourquoi il faut des actions concrètes sur le terrain et cela passe par des sensibilisations des portes à portes, des rencontres physiques avec les victimes, Des dénonciations en passant par les médias et tous les supports de communication possible (réseaux sociaux affiches, radio, télévision, spots publicitaires etc.) sans oublier les zones rurales où les victimes n’ont pas forcément accès au numérique. Ces cas sont à prendre en compte.

 

Que vous inspire la campagne “16 jours d’activisme”?

 

Diaraye : les 16 jours d’activisme sont une très bonne initiative pour amener les acteurs à pousser la réflexion sur les voies et moyens pour lutter contre les VBG, mais aussi renforcer leur collaboration. Au-delà de cette synergie d’actions, c’est aussi une opportunité pour renforcer la médiatisation autour de ce phénomène et améliorer la sensibilisation auprès de la population.

 

Kadiatou : les 16 jours d’activisme est un moyen important d’évoquer et de dénoncer toutes les formes de violences qu’elles soient sexuelles, physiques, morales et psychologiques. À l’occasion plusieurs activités sont organisées en faveur du respect des droits humains en général et ceux des femmes en particulier. C’est une initiative mondiale qui suscite beaucoup de réactions et d’interactions. L’ONG Mon enfant ma vie s’est aussi impliquée à travers des posts et des messages sur nos différents canaux de communication. Nous espérons avoir eu un impact sur le monde à travers l’Hashtag #OrangezLeMonde

 

Votre dernier mot….

 

Diaraye : ce combat ne devrait pas être uniquement porté par la société civile. Personne ne devrait avoir la charge de porter cette étiquette car elle incombe à toute la société. Pour qu’un acte criminel soit jugé à la hauteur de la forfaiture, il faut que la société soit indignée, et pour l’instant j’ai l’impression qu’en Guinée, on traite toujours les VBG comme des crimes partiels en donnant toujours une part de responsabilité à la victime. J’invite donc tout un chacun à contribuer à cette lutte.

 

Kadiatou : si nous voulons obtenir des résultats liés à nos actions au quotidien nous ne devons pas attendre que l’état mène tous nos combats. En tant que citoyen, nous avons la responsabilité de réagir, de dénoncer et de combattre les maux qui gangrènent notre société. Ce n’est que de cette façon que nous rendrons le monde meilleur. Merci à Guineematin de nous avoir donné l’opportunité de nous exprimer sur des sujets qui nous tiennent à cœur. Mon enfant ma vie s’unir et agir pour un monde meilleur.

Entretien réalisé par Faty Diallo pour Guineematin.com

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